C’est donc parti pour la 6è édition des Rencontres Musicales Africaines (REMA) à Ouagadougou. C’est ce premier Panel qui aura lancé les hostilités du côté de la salle de conférence du Programme des Nations Unis pour le Développement (PNUD) le 18 octobre 2023. Les débats gravitaient autour du thème principal « La force de la musique pour la cohésion sociale et le vivre-ensemble ».
C’est l’une des rares fois au Burkina Faso qu’un débat sur la musique rassemble autant de monde dans un espace « hostiles » aux acteurs culturels, le PNUD. Les participants n’ont pas marchandé leur participation. Artistes nationaux et internationaux, experts de la filière, professeurs d’université, chercheurs, journalistes etc. presque tous, ont marqué leur présence pour écouter les premiers orateurs du premier débat des REMA. Ils étaient cinq panélistes autour du modérateur Issoufou SARE (DG de la télévision BF1) : Roland KOUADIO (Représentant Adjoint du PNUD), Dr Souleymane GANOU (Maître de Conférences à l’Université Joseph Ki Zerbo), Malika La Slamazone (Artiste/Ambassadrice du PNUD), Abdoul Karim SANGO (Ancien Ministre de la Culture, des Arts t du Tourisme) et Philippe CHAUDOIR (Sociologue de la musique).
Face au contexte difficile du terrorisme et de l’extrémisme violent que vivent les populations au Burkina Faso depuis huit ans, l’on est évidement tenté de se poser la question, dans la la filière musicale ; comment la musique peut-elle favoriser la cohésion sociale ? C’est ceux à quoi les panélistes ont tenté d’aborder hier après-midi dans la salle de conférence du PNUD. Universellement réputé pour sa promotion de toutes les formes d’art, la Culture joue un rôle essentiel au Burkina Faso pour rassembler différentes communautés en transcendant les âges, les origines et les histoires personnelles autour d’une œuvre commune. Le Ministre Abdoul Karim SANGO l’a si bien évoqué dans son exposé, tout en précisant d’ailleurs que c’est l’un des secteurs très importants qui contribue au développement de la Nation. Le Burkina Faso a toujours mis en avant son patrimoine artistique notamment aux travers d’évènements reconnus nationalement et internationalement tels que le FESPACO (Festival panafricain du cinéma), le SIAO (Salon International de l’Artisanat de Ouagadougou), La SNC (Semaine Nationale de la Culture), les 12 PCA (Personnalités Culturelles de l’Année) ou encore les KUNDE…
Afin de renforcer la cohésion sociale, les REMA ont décidé à cette édition, de s’appesantir donc sur cette thématique en organisant ces échanges musicaux tout au long de ses activités et ce, pendant trois à quatre jours.
L’artiste burkinabè et Ambassadrice du PNUD, Malika La Slamazone, est partie du postulat de son parcours artistique pour ouvrir d’autres vannes de son métier en se mettant au service des populations. Son slam est devenu conscientisateur. A partir du showbiz, elle a usé de sa notoriété et de son aura pour produire des œuvres de sensibilisation, en posant des actes humanitaires pour redynamiser la cohésion entre les communautés. La pratique musicale est aussi un moyen pour l’enfant ou le jeune de développer sa créativité et ses premières habilités sociales. C’est un moyen de communication et d’éducation circonscrit dans une bonne moralité. Précise le représentant du PNUD, Roland KOUADIO, qui est allé jusqu’à définir étymologiquement les termes « ART » et « MORAL ». La pratique de la musique favorise le développement de l’empathie mais aussi la faculté à s’entraider et à coopérer avec d’autres personnes, d’où ce lien social dont il a évoqué dans son intervention.
Tout en reconnaissant que la musique est un nouveau langage commun, universel, transverse aux différentes générations, le sociologue du panel Philippe CHAUDOIR trouve que la culture burkinabè symbolise parfaitement cette cohésion sociale grâce surtout à cette pratique exceptionnelle qu’est la « parenté à plaisanterie » qui, selon lui, il faudrait jalousement préserver et renforcer. Faire de la musique ou en écouter au quotidien, c’est devenu un stimulant matinal pour bons nombres d’individus, souligne le Dr Souleymane GANOU. Tout en procédant aux différentes définitions de la Culture et de la Musique, le Maître de Conférence auteur d’un livre « POUR UNE ANTHROPOLOGIE DE LA CRÉATION MUSICALE : Clip-vidéo, identité culturelle et développement », atteste que la musique est une forme de communication sociale par les sons, au même titre que le langage. Elle favorise la création de liens profonds et sincères entre les collaborateurs.
Lors des échanges, les différents panélistes ont davantage renforcé et étayé leurs interventions, tout en restant mesuré et parfois prudent dans certains termes et langages employés. Le Ministre SANGO, très critique à une certaine époque envers les artistes musiciens, s’est montré plutôt admiratif vis-à-vis d’eux. Trouvant qu’ils étaient très performants quand ils chantent en lague vernaculaire, cela devrait d’ailleurs être l’un de leur atout majeur. Evitant ou dédramatisant sur la question du talent et des œuvres de qualité des artistes, les panélistes ont préféré relativiser pour éviter de juger le contenu de leur création. Seul le modérateur Issoufou SARE a bien voulu s’étendre subtilement sur cette problématique. Quant à l’alerte d’une sorte de « tribalisme culturelle » ou de replis culturel qui serait en train de prendre le dessus au détriment de la cohésion sociale tant recherché, l’ensemble des panélistes ont rejeté cette perception. Chancelant au départ de prendre la parole, le modérateur a été contraint de déposer le micro entre les doigts du Ministre SANGO afin qu’il apporte aux forceps, des éléments de réponses. C’est à demi-mot qu’ils ont abordé ce sujet qui pourtant, se développe dans les coulisses, mais que les panélistes affirment ne pas le percevoir. Bien au contraire, ils pensent que tout va pour le mieux dans l’interculturalité au Burkina Faso.
Présent dans la salle dans les débats, l’Enseignant Chercheur le Pr Salaka SANOU a affirmé que la musique permet aussi de faire émerger une intelligence de l’émotion qui développe par ricochet, la créativité et l’intellect de celui qui l’écoute.
En somme ; faire la musique pour la paix et la cohésion sociale est un processus éducatif, dynamique, continu et permanent. Mais il doit substantiellement s’appuyer sur la Culture et l’acceptation de l’autre avec ses différences. Chaque culture est le résultat des diverses influences qui l’ont formée, et plus les influences sont nombreuses et diverses, plus une culture est riche et dynamique.
Nous pouvons affirmer sans aucun doute que la musique, sous ces différents rapports, favorise les relations sociales. Elle entretient les unions et vitalise la société. Raison pour laquelle, son rôle est important au niveau pédagogique, économique et politique.
Le premier panel des REMA commence donc de la plus belle des manières et son promoteur Alif Naaba n’a pas hésité à remercier à volonté, les orateurs du jour ainsi que les participants, surtout ceux qui sont venus massivement des autres contrées pour les REMA.
Les REMA 6 ne font que commencer !
Hervé David HONLA (PH: Marius Diessongo)