« Mambar Pierrette » : Une fiction-documentaire captivante
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« Mambar Pierrette » : Une fiction-documentaire captivante

En lice pour le BAYARD 2023 au FIFF (Festival International du Film Francophone de Namur), l’un des rares films purement africains de la réalisatrice Rosine Mbakam « Mambar Pierrette » est présenté dans ce 38è festival. Partagé en la réalité et la fiction, les festivaliers sont restés débattre sur le genre réel de ce film passionnant et d’une simplicité envoutante.

Tourné en plein d’un quartier huppé à Douala au Cameroun, dans une zone peuplée mais certes enclavée, où les populations vivent aux forceps, cette vie quotidienne laborieuse entachée de surprises désagréables. Sorti en Mai 2023 et présenté à la Quinzaine des Cinéastes au Festival de Cannes 2023, « Mambar Pierrette » retrace le portrait précis d’une mère d’enfants entreprenante qui fait des pieds et des mains pour s’occuper de ses trois enfants et de sa mère atteinte de la polyarthrite.

En effet, la réalisatrice Rosine Mbakam suit, caméra à l’épaule, le quotidien d’une couturière à Douala. Mère de trois enfants avec un homme qui a refusé de l’épouser et de prendre en charge l’éducation des enfants, Mambar est obligée d’endosser toutes les responsabilités familiales, professionnelles et ménagères. Grâce à son petit atelier rustique de couture, elle doit s’occuper des repas quotidiens pour ses enfants et de la santé de sa veuve mère atteinte d’arthrite. Aller faire le marché, ouvrir son atelier, s’occuper des soins de sa mère, faire le repas, respecter les engagements avec ses clients, marchander au rabais sa main d’œuvre pour satisfaire sa clientèle et préparer la rentrée scolaire des enfants ; tel est son quotidien. Ajouté à cela, qu’il faut faire face aux soubresauts et imprévus du quotidien dû à l’insécurité, aux intempéries et autres surprises pénibles.

Malgré son lot de contrariétés et de déceptions, la pauvre mère courageuse nourrit toujours un profond espoir et ose même se muer en conseillère auprès des autres femmes qui sont dans son cas. Bref, Mambar coud pour la survie de sa famille et malgré les tentatives vaines de poursuivre le père de ses enfants par le biais des services sociaux, elle ne perd pas espoir. Partagée également par les coutumes familiales notamment bamilékés (Son ethnie d’origine), Mambar ne décolère pas et assume son statut sans pour autant l’éponge ou accepter des propositions indécentes.

Rosine Mbakam a bâti sa carrière dans l’industrie du 7è Art à travers le documentaire. Il n’est donc pas biscornu d’apprécier à sa juste valeur les techniques cinématographiques employées dans ce film. Beaucoup de silence, de prises de vue dans les détails notamment, l’ambigüité des séquences du mannequin et les scènes d’inondations de son appartement et son atelier, rendent ce long métrage à la fois attrayant et captivant. Caméra à l’épaule, elle poursuit dans les faubourgs de Douala l’actrice principale Mambar Pierrette (Pierrette Aboheu Njeuthat) qui relate sous la forme d’un documentaire, le quotidien ardu de cette mère qui, dans la vraie vie, est sa cousine exerçant exactement la même profession. Les acteurs principaux sont aussi tous membres de la famille de la réalisatrice.

Rosine Mbakam, Réalisatrice

 

Ce film est un condensé de problèmes sociaux que vivent généralement les femmes en Afrique en général et au Cameroun en particulier ; Le mirages de l’immigration, les difficultés filles mères dans notre société, la passivité des structures sociales, l’absence criarde de l’aide des PME et PMI pourtant qui existent etc.

Née à Yaoundé au Cameroun et installée en Belgique, Rosine Mbakam s’est surtout illustrée grâce à ses trois documentaires précédents (Les Deux Visages d’une femme bamiliké, Chez Jolie Coiffure, Les prières de Delphine). Elle est considérée, selon les critiques du documentaire comme étant la réalisatrice documentaire la plus chevronnée de la planète en ce moment.

Le choix esthétique du film, le rythme des séquences et le choix des cadrages de la caméra ont fait le charme de ce long métrage de Rosine.

Hervé David HONLA, depuis Namur en Belgique

 

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