Effectivement la plus jeune réalisatrice en lice pour la PALME D’OR à Cannes, suscite beaucoup de commentaires. Ramata-Toulaye SY, cette sénégalaise de 36 ans est présente à la Croisette avec son film « Banel et Adama » retenu en sélection officielle du 76e Festival de Cannes. Personne ne la connaissait, ni ne la voyait venir.
Détrompez-vous ! Ce n’est pas une jeune femme timide et craintive que les médias ont vu en pleurs hier 20 mai, lors de la montée des marches. La réalisatrice sénégalaise Ramata-Toulaye SY est une femme de caractère et irréductible qui a la suite dans les idées. Elle nous la démontré ce matin 21 mai, lors du traditionnel exercice de conférence de presse, qu’elle n’est pas venue pour jouer les figurantes.

Née en France de parents sénégalais, cette passionnée de la littérature a suivi en 2015 avec brio, une formation de scénariste dans l’une des plus grandes écoles de cinéma à Paris, La Fémis. Après plusieurs récusations d’offres en qualité de réalisatrice ; préférant écrire des scénarios, elle a finalement accepté de se jeter à l’eau.
Après de nombreuses collaborations à succès en tant que scénariste avec des réalisateurs de renoms ; en 2021 la jeune sénégalaise mettra en scène son premier court-métrage de 24 minutes « ASTEL ». Il a été récompensé au festival du film de Toronto. S’en sont suivies de nombreuses distinctions : Festivals du court métrage de Clermont-Ferrand et celui d’Odense.
A l’issue de son travail de fin d’études à La Fémis, elle rédigera un scénario pour la circonstance intitulé « Banel et Adama ». C’est ce scénario qui sera choisi comme son premier film long métrage. Par la suite, il a été retenu au Festival de Cannes dans la catégorie la plus prestigieuse du festival, la Sélection officielle.
C’est l’histoire de deux tourtereaux qui vivent leur idylle en Afrique, au Nord du Sénégal dans les villages Fouta à 9 km de Podor dans la vallée du fleuve Sénégal. Loin de la vie des strasses et paillettes, ils préfèrent cette vie où les NTIC et l’électricité sont des denrées rares. Où le climat et l’environnement ne sont pas aussi favorables. Mais c’est plutôt l’amour parfait qui les unit malgré le caractère loufoque de Banel (Kadhy Mane) compagne d’Adama (Mamadou Diallo). Pourtant, dans cette zone rurale enclavée, la passion et les hobbies ne sont pas propices au regard des contraintes de tribus et de communautés
Ramata a surtout souhaité mordicus que ce film se réalise en Afrique et dans ce type d’environnement. « …Nous avons cherché un village sans électricité ni moyens de communications professionnels à plus de 8 heures de route de Dakar. Je voulais que cette histoire se déroule en Afrique et dans mon pays au Sénégal, mais en même temps qu’elle soit universelle » Affirme la benjamine des réalisatrices présente en sélection officielle à Cannes.
Entourée des techniciens professionnels de cinéma, notamment, Vincent Tricon, Amine Berrada ou encore Margaux Juvenal, Ramata affirme avoir eu une équipe dynamique et très unie malgré les différences. Elle avoue avoir tourné dans des conditions climatiques rustiques, ce qui sied avec la philosophie et la thématique du film. Ramata n’a pas voulu embellir son scénario encore moins, le greffer à une quelconque mouvance politique. Elle a certes voulu rompre avec les codes cinématographiques et les images flatteuses de l’Afrique, mais la diplômée de La Fémis a réalisé un film naturel.

Depuis le début de ce festival, les journalistes s’interrogent sur son parcours, son expérience et les raisons de sa présence à une si prestigieuse compétition. Sans être véritablement surprise, elle affirme ceci : « Beaucoup de gens s’interrogent sur ma personne. Par contre, moi je me connais. J’ai fait de grandes études de cinéma dans une grande école et je sais où je vais. Aujourd’hui, vous me connaissez ! »
Très anxieux au présidium les deux héros du films Mamadou Diallo (Adama) et Khady Mane (Banel) sont des personnes antinomiques. Leur jeu d’acteur est différent de leur comportement habituel. C’est également leur première participation dans le cinéma. Notamment, Khady a été repéré dans « la rue » selon le témoignage de la réalisatrice ; « …Khady a été la dernière à être coopté pour ce film. C’était difficile de trouver une actrice qui pouvait incarner bien ce rôle. C’est dans la rue que j’ai interpellé Khady pour finalement la convaincre à faire du cinéma et à jouer dans ce film ».
« Banel et Adama » est un film dont les paroles sont moins présentes mais, la réalisatrice à parfaitement su incruster sa passion pour la littérature, la photographes et l’art plastique dans cette œuvre. Une mise en scène esthétique en s’inspirant des personnes d’anthologie comme Médée ou encore Antigone. Et des peintres charismatiques tels que le Néerlandais Vincent Van Gogh, de l’afro-américain Kerry James Marshall ou encore du ghanéen Amoakoa Boafo.
Coup d’essai, coup de maître, peut-on déjà dire. Car le premier long métrage fiction de Ramata-Toulaye SY est aussitôt nommé au festival de Cannes en Sélection officielle parmi les 21 films présents. La plus jeune réalisatrice et surtout sa première participation officielle à Cannes. C’est déjà une satisfaction dont beaucoup de réalisateurs africains rêvent. Ce projet cinématographique doit surtout son succès grâce aux maisons de productions : Astou Films, Arte France Cinéma et la Chauve-souris.
Hervé David HONLA