La réalisatrice nigérienne Amina Abdoulaye MAMANI était sans voix hier 3 mars, du côté de l’hôtel Amiso où le Fonds Gambere Ernest (FGE) avait organisé une soirée à son honneur après avoir reçu le premier Prix GAMBERE ERNEST (PGE) grâce à son film court métrage « L’envoyé de Dieu ». C’est le travail de la coproduction africaine qui commence à donner des fruits.
En effet, trois maisons de production cinématographique africaine à savoir ; Diam Production (Burkina Faso), Karekezi Film Production (Rwanda) et Tabou Production (Niger) ont soutenu la réalisatrice Mamani Abdoulaye Amina dans la mise en relief de son projet de film. Avant la clôture officielle du FESPACO 2023 qui aura lieu dans quelques heures, le film « L’envoyé de Dieu » a raflé lors des prix spéciaux quatre distinctions dont la première offerte par le FGE. C’est le résultat éclatant d’une co-production africaine transparente.
La coproduction permet une production commune à plusieurs producteurs en associant les ressources et en répartissant les risques. Elle est nécessaire dans la construction d’un film, mais aussi, elle élargie le marché et les partenaires. L’une des raisons importantes d’opter par cette forme de collaboration, c’est surtout pour palier à la question financière, économique et juridique. La coproduction de nos jours en Afrique possède plusieurs avantages, notamment, celui d’augmenter le financement en limitant les pertes, mis aussi d’obtenir de nouvelles infrastructures en matière de décors et de techniciens.
Le film de Mamani est un exemple parfait. Michel Zongo, célèbre producteur burkinabè de films documentaires primés dans le monde a coproduit « L’envoyé de Dieu » grâce à structure Diam Production. « J’ai rencontré Amina Mamani dans le documentaire à travers son premier film intitulé « Sur les traces d’Abdoulaye Mamani ». C’est un film qui retrace l’histoire de son père, auteur du livre « Sarraounia » qui sera plus tard adapté au cinéma par Med Hondo qui recevra l’Etalon de Yennenga en 1987. Je suis tombé sur elle, car elle était en projet du tournage de son film documentaire que j’ai coproduit. Là elle revient avec un projet fiction. Elle est très talentueuse et dévouée. Nous nous sommes dit pourquoi ne pas essayer ? Voilà le résultat ! » affirme Michel Zongo.

Au-delà donc de son talent d’écriture hérité de son père Abdoulaye Mamani, Amina se démarque admirablement dans l’audiovisuel. La jeune réalisatrice n’a pas voulu raconter des histoires qui viennent d’ailleurs.
Une grande partie de l’Afrique centrale et de l’ouest vit aujourd’hui dans une situation où l’environnement leur parle. Mamani ne peut pas raconter une histoire en dehors de son environnement. Ce qui se passe aujourd’hui entre le Lac Tchad, le Niger et Sahel, est réel. Amina est originaire du Zender complètement vers la frontière du Nigéria. Cette histoire de Boko Haram qui a commencé depuis une vingtaine d’années, forcement l’inspire. En tant qu’artiste, Amina veut parler de son présent. C’est si difficile de raconter le présent dans le cinéma et là, mais, Amina a réussi une prouesse avec ce film qui traite de la violence et de l’extrémisme violent. Le défi technique et subtil ; c’est comment faire pour raconter ce sujet sans faire l’apologie de la violence et que l’on ne tombe pas aussi dans le voyeurisme ? comme l’analyse le directeur de Diam Production. « L’envoyé de Dieu » fait plutôt ressortir les émotions, en démontrant comment une jeune fille peut être à l’extrême de la fatalité et réussir à donner un brin d’espoir. C’est une leçon de vie qu’Amina a voulu donner.

Pour l’équipe de Diam Production, tourner ce film uniquement au Burkina Faso, c’était un défi technique. Michel Zongo et son équipe sont dans la fabrication de films depuis une douzaine d’années. Leurs films ont voyagé dans les grands festivals dans le monde, notamment à Berlin, Canes etc.
L’on peut également saluer la pléthore des ressources techniques que l’Afrique possède. De plus en plus il y a de la ressource dans nos pays techniquement. Le film a été fait avec la contribution des techniciens d’Afrique. Il y a eu des collaborations sénégalaises, tchadiennes, gabonaises, ivoiriennes, nigériennes, burkinabè, sud-africaines et même du Rwanda avec la co-production.
Diam production se positionne donc comme étant un fabricant de films en Afrique. Mais comment ont-ils pu fédérer leurs savoirs pour pouvoir arriver à faire des films qui répondent aux objectifs artistiques des techniciens mais aussi qui rentrent dans une logique économique adaptée ? « Nous avons voulu faire un film à 80% africain. La coproduction est une chance pour la relance du cinéma africain. Dans la fatalité, on peut trouver ce qui nous arrange. Dans chaque pays, il y a des mécanismes de plus en plus de financement. Il ne suffit plus à un seul pays de faire un film. Un producteur ne peut seulement utiliser par exemple, le fonds ivoirien pour faire un film si on est ambitieux » répond Michel.
Dans une forme de production Sud-sud, un producteur camerounais peut aujourd’hui s’associer à un producteur sénégalais, burkinabè, malien. Chaque pays qui met de l’argent sur ce film ; effectivement la cagnotte devient importante. Le film sera fait dans une dynamique de coopération Sud-Sud. En définitive ; ceux qui doivent donner de l’argent pour faire les films africains, doivent être des pays africains.
Si les réalisateurs veulent interroger le monde avec liberté, il faudrait qu’ils soient libres à partir de là où ils résident pour l’interroger. S’ils partent ramasser l’argent du monde, ils ne seront plus libres dans leurs créations. Ce mécanisme de coproduction Sud-Sud est possible.
Hervé David HONLA