J’étais presque certain que l’échantillon du public et des acteurs culturels qui feraient le déplacement hier du côté du CENASA pour le concept MAGIC de DUDEN J, serait des appréciateurs raffinés. Et non des conquistadors qui rodent dans le showbiz.
Personnellement, je ne venais pas au CENASA pour voir DUDEN J jouer ces mêmes chansons qu’on bombarde tous les jours au STRESS OUT. Je venais voir DUDEN J en spectacle et non DUDEN J en concert.
Certes, le concert live au Burkina Faso n’est plus un sujet de débat, mais pour les puristes comme ce transfuge du groupe Clepto-Gang, on veut voir plus! Si c’est taper à contre-temps sur une batterie et écouter les confabulations d’un rappeur rabougri, autant rester au festival “RENDEZ-VOUS CHEZ-NOUS” de Boniface Kagambega à la place de la Femme. Mais heureusement, je n’ai pas perdu mon carburant inutilement en me rendant au CENASA.
J’ai assisté à un spectacle ! Était-il beau? Ce qui est certains, je ne me suis pas ennuyé pour avoir vu ce que je voulais voir.
“MAGIC” était plutôt la manifestation exacte de l’art du spectacle! J’ai retrouvé à la fois, de la musique vocale instrumentale, de la danse, de la mise en scène, des costumes, de la pantomime, de la poésie chantée et même de la musique théâtralisée.
Il faut presque remonter au tout premier spectacle “Prestige ” de 10.000 FCFA au CENASA de Batoro Seydou il y a 5 ans, pour voir ça. Le “BRAVE” m’a présenté dans une salle comble, de nombreuses expressions culturelles qui reflètent la créativité humaine et que l’on trouve également, dans une certaine mesure, dans de nombreux autres spectacles en Europe. Pas besoin d’annoncer l’intervention de ses collègues artistes dans une chanson, tout se faisait de façon synchronisée devant la stupéfaction du public. Son spectacle a été certe méticuleusement morcelé avec des intermèdes avec le public. De Malika Ouattara à Pamika Burkina en passant par la “old school”, les violonistes et surtout ce scénario d’entrée hallucinant, renforcé par l’animation omnipotente dans la salle de son acolyte NASH venue tout droit d’Abidjan. Personnellement, j’ai été subjugué par la prestation de Alif Naaba en duo avec DUDEN J. C’était un pur régal. Chanté avec une justesse impeccable, rehaussé par le tact, la clairvoyance, la sobriété et la finesse vocale du Prince aux pieds nus, ce tandem était tout simplement éblouissant. Je garde aussi une bonne image, une bonne intervention et une bonne discipline des jeunes violonistes. Ils ont certes été très discrets mais leur présence de façon alternée dans ce spectacle s’est avérée payante. Intervenir avec exactitude dans des tubes joués sur des notes altérées de dièse ou de bémol relève d’un exploit quand il s’agit des rythmes urbains.
Les yeux étaient tous rivés sur l’auteur de ce spectacle, mais l’homme providentiel ou sinon la cheville ouvrière du succès de ce spectacle est à mettre au compte de Paul Zoungrana, metteur en scène de MAGIC. Ce célèbre comédien et conteur est un artiste polyvalent qui fait dialoguer plusieurs disciplines dans sa pratique artistique. C’est lui qui dirige avec brio l’Institut de Recherche Theatrale du Burkina (IRTB). Sa rencontre avec DUDEN J s’est surtout faite quand ils ont conduit avec succès, la pièce Theatrale “Les Archives Parlent “. Pendant plusieurs mois, Paul a rigoureusement monté ce spectacle MAGIC, en mettant DUDENJ au régime forcé et à une cure de désabreuvage contrôlée.
Je voudrais ouvrir une parenthèse sur l’avantage pour un artiste musicien de fonder un groupe homogène et fraternel d’instrumentistes. DUDEN J et ses musiciens, c’est comme un CHAT et sa GUINNESS: inséparables! En les observant jouer ensemble malgré les petits crash de la sonorisation, les voix qui ont été jouées en arrière-plan ont permis d’augmenter et d’améliorer la performance de leur live. Leurs interventions a rationalisé leur performance. Dans son opus le “retour du brave”, il y a certaines parties où l’orchestre est contraint de faire recours aux pistes d’accompagnement. Notamment sur certaines parties difficiles à jouer en live ou qui risquent de ne pas sonner parfaitement par rapport à une version enregistrée. La musique électronique au rythme rapide n’est pas pratique à jouer en direct, c’est pourquoi les pistes d’accompagnement viennent à la rescousse. Dommage que, dans certains concerts des jeunes en live, ils n’y pensent pas souvent.
Enfin, c’est l’une des rares fois au Burkina Faso, que le public offre un standing ovation à un artiste. Pendant presqu’une minute, le public s’est progressivement levé en applaudissant à tout rompre l’ensemble de la prestation de DUDEN J. J’ai vu cette émotion qui se lisait sur son visage, qu’il a vite fait dissiper en prenant brusquement congé du public en ces termes: “Bonne soirée !” Pendant 20mn, le public est resté dans la salle pensant que DUDEN J et son orchestre allaient revenir après les nombreux “bissé”
Mais, je déplore tout de même quelques insuffisances :
– Je m’attendais à un décor et un fond de scène plus professionnel. Simplement un fond noir avec des rideaux de scène avec une incrustation du nom de son spectacle. La décoration ressemblait à une salle de classe de la maternelle où les moniteurs apprennent aux enfants le coloriage
– Le gros pantalon blanc paraissait lourd sur lui. Il le trimballait sur toute la scène avec des poches pleines de papiers de PMU, comme un instituteur d’une école primaire à Gourcy.
– Celui qui propageait les fumigènes sur la scène, en faisait un peu trop et sa guise, sans tenir compte des moments propices. On se croirait dans une usine de fabrication de Chicha.
– Idem pour la régie lumière qui a souvent peiné dans le jaugage de l’éclairage sur la scène. Les musiciens devraient plutôt rester dans une pénombre avec souvent des éclairages limitées
– Parfois, DUDEN J oubliait que son micro est ouvert. Même ses conversations confidentielles avec ses musiciens, le public percevait. En plus, il ne savait pas complètement se servir des oreillettes. On avait l’impression que parfois ça le gênait. Pourtant, l’oreillette dans un orchestre est l’outil le plus discret, difficile à repérer par le public.
– J’avais souhaité qu’il mettent davantage son orchestre en spectacle. Je les ai trouvé plutôt très concentré et figé uniquement à leur poste.
– Après un tel spectacle, l’artiste reste dans les coulisses, reçoit les compliments uniquement de ses proches, puis sort en catimini de la salle pour aller souffler soit chez lui ou dans un autre QG, loin de l’environnement dans lequel, il a joué. Mais se retrouver 30mn après avec son public dans un bar en face, ça casse le mythe.
– Son “directeur artistique ” Kenzo Cash Liguidi comme dans ses habitudes déambulait dans tous les sens dans la salle. Surtout que sa salle était pleine. Quoi de plus normal qu’il s’affiche davantage et lance des “maudia ” ostensiblement dans la salle quand on l’interpelle ironiquement.
Des spectacles de ce genre au Burkina, on n’en redemande. Mais notre industrie du spectacle n’a pas les moyens pour en produire davantage
Malheureusement, on attendra encore longtemps pour assister à un tel spectacle de musique au Faso.
Hervé D.HONLA