Salou Guindo ; « Les gens s’autoproclament M.C sur Facebook ».
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Salou Guindo ; « Les gens s’autoproclament M.C sur Facebook ».

Susciter l’intérêt pour l’événement, expliquer aux personnes présentes pourquoi leur présence est si importante. Rendre l’activité gaie et solennelle tel est entre autres le rôle d’un Maître de Cérémonie. Ici au Burkina Faso, c’est un métier qui prend des galons et les jeunes sont de plus en plus attirés par ce métier où plusieurs se forment sur le tas.

À l’état civil Salou Abba Guindo. Il est l’un des M.C les plus sollicités dans les cérémonies de mariage. Il a fait un cursus universitaire normal. Titulaire d’un baccalauréat série technique F3, électrotechnique. Après le BAC, il fera une formation de trois ans en Marketing et est titulaire d’une Licence en Marketing. Marié et père de jumeaux, cet homme méthodique et soignée dans sa prestance, a accepté de répondre à nos questions sur le métier de M.C.

Y-a-t-il une différence entre un « Animateur » et un « Maître de Cérémonie » ?

Pour moi, il n’y a pas de différence véritable. Le Maître de Cérémonie ou encore M.C, est un terme qui désigne un présentateur. Un animateur et un MC ; c’est selon le standing. J’aime dire que c’est le grade auquel on tend vers. Moi je le défini en tant qu’animateur. Comme on le dit dans le latin « Animatari » ; ça veut dire « souffle » ou encore « Donner Vie ». Donc pour moi, c’est cette personne qui apporte le souffle à une cérémonie.

“C’est le PDG de IAM, Moussa Ahmed DIALLO qui m’a encouragé à exercer de métier”

Comment es-tu venu dans ce métier ?

En fait ; je suis tombé comme un cheveu dans la soupe pour dire vrai ! J’avais mon petit boulot et j’étais tranquille dans mon coin et après mes études à l’IAM, c’est de là que le métier a commencé. En effet, nous avions une cérémonie et nous avions besoin d’un animateur. Comme M. Diallo PDG de IAM croit beaucoup à ses étudiants, il m’a présenté aux étudiants en disant ; « Voilà Guindo ! Il va le faire ! » C’est en ce moment-là que je me suis retrouvé face aux Ambassadeurs, Ministres et autres personnalités. DIEU merci, les choses se sont très bien passées. Il n’y avait pas de cachet car c’était entre moi et mon école. Plus tard, une dame m’a vu et ma contacté pour son mariage, c’est là que j’ai continué à travailler comme ça pour arrondir mes fins du mois (rires…). Mais jusqu’à un certain moment donné, ce que je faisais par passion, commençait à dépasser mon salaire, je me suis finalement résolu par comprendre que je suis taillé pour ce métier.  Le véritable déclic est venu d’un livre que j’avais lu ‹‹ L’ALCHIMIE › › de Paolo Ceolo. Quand j’ai ouvert la première page et j’ai lu ceci : « …Chaque personne doit vivre sa légende personnelle ». Je me suis posé cette question : « Guindo est ce que ta légende personnelle, ce n’est pas d’être animateur ? ». Surtout un métier que j’exerce avec beaucoup de faciliter et avec plaisir. Pourquoi donc pas en faire un véritable métier ?

“Je suis tombé comme un cheveu dans la soupe”

Quelles sont les vertus d’un bon Animateur ?

Pour moi un bon animateur doit être honnête, rigoureux, méthodique. C‘est une expérience humaine extraordinaire au-delà de l’argent. Le bonheur et le plaisir que vous apportez aux autres, personne ne peut monnayer cela à travers l’animation. Il y a des endroits par exemple, je n’envisageais même pas de rentrer, aujourd’hui, je suis invité. Tout comme, il y a des personnalités dont je pensais qu’ils ne vont jamais me serrer la main et me dire ; « Guindo félicitations ! » en citant même mon prénom. Vous vous rendez compte ! L’argent ne peux pas payer cela ! C’est-à-dire, au-delà de l’aspect pécunier, il y a une satisfaction morale et c’est très important.

Je crois que mes études ont beaucoup contribué pour quelque chose. Puisque j’ai fait du Marketing donc je sais étudier le marché. Je connais les forces et faiblesses du marché, donc en faisant le travail j’ai identifié les créneaux négligés par ceux qui étaient déjà sur le marché. Le plus difficile, est de se positionner sur le marché, donc comme je le dis j’avais une base. J’avais un emploi et j’ai regardé l’environnement. Comme c’est de bouche à oreille qu’on me contactait au début, j’ai commencé à m’intéresser exclusivement vers une seule niche d’activité que sont les cérémonies de mariage.

“Au début les gens pensaient que les mariages c’est pour les petits animateurs”

Peut-on alors affirmer que tu es le pionnier en matière de MC de mariages ?

Je ne sais pas si je suis le pionnier ou pas. Mais toujours est-il que c’est en 2015 que j’avais fait le constat que c’était une niche délaissée ou négligée. J’ai trouvé qu’elle pouvait m’apporter beaucoup. C’est alors que j’ai commencé à faire des recherches, je me suis déplacé sur le terrain, j’ai fait des statistiques et des analyses.  Je me suis déplacé dans des mairies pour voir le nombre de mariage qu’on célèbre par jour. J’ai fait le ratio avec les salles et avec le nombre d’animateurs présents sur le marché. J’ai répertorié leurs noms et je suis arrivé à la conclusion suivante ; Ce nombre très réduit ne peut pas être dans les mêmes lieux et à la même heure. J’ai identifié la niche, j’ai identifié le secteur dans lequel je voulais bosser et je me suis donné les moyens d’y aller.

Très tôt ! Si j’avais un conseil à donner je crois que pour moi ; on peut tout faire, mais stratégiquement, ça ne va pas nous arranger à vouloir tout faire. Vaudrait mieux être fort dans un domaine et être reconnu comme le meilleur dans sa génération. Comme je le dis ; l’essentiel est que le côté financier te permet de s’en sortir. Le reste, c’est de gagner sa vie. Donc très tôt je me suis spécialisé dans les cérémonies de mariage. Car là-bas au moins, je vais m’en sortir et derrière les mariages, j’avais un objectif. Parce que dans une salle où il y a 500 personnes, tu ne sais pas qui est là. Il y a des chefs d’entreprises etc. bref, on croise tout le monde. A partir des mariages, si je veux me faire un nom, quelqu’un me verra là-bas et il me contactera pour les animations dans les entreprises ou autres grands standings. Au début les gens pensaient que les mariages c’est pour les petits animateurs. Dieu merci, aujourd’hui le mariage est devenu de très grands événements et très vite, je me suis spécialisé en mariage pour une quête de spécialisation. C’est à dire les mariages, les entreprises…

“Il y a des cachets qui atteignent 1 million de FCFA”

…Tu n’es donc pas accroc des milieux du spectacle

Les milieux de spectacles ne sont pas trop mon fort. C’est un choix. Sinon je collabore beaucoup avec les artistes.

Tu n’es pas un animateur du show-biz alors ?

(Rires…) on peut le dire, mais je connais le milieu mais je ne suis pas fréquent.

Tu présentes en moyenne combien de cérémonies par mois ?

En moyenne je fais cinq cérémonies dans le mois.

Quels sont évènements qui t’ont le plus marqués ?

Les événements qui m’ont le plus marqué sont des évènements où je n’ai pas eu assez d’argent. Il y a des évènements où en pleine cérémonie, on nous annonce qu’il y a eu un décès, mais on continue néanmoins. Mais il y a des évènements qui sont quand même propulseur, pas que j’ai eu de l’argent, mais qui ont déclenché des déclics en.

Quel est la moyenne de ton cachet ?

En termes de cachet, ça va de 0 F CFA à plus exorbitant. Mais j’avoue aussi que j’ai fait beaucoup d’événements gratuitement (Rires…). En moyenne il y a un minimum qui fait 200.000f en termes de cachet.

Quel est peut-être le plafond ?

Le plafond d’un animateur peut aller jusqu’à 1.000.000f voire plus. Je ne sais pas comment les autres travaillent, mais moi j’ai des clés de répartition en fonction du standing de l’évènement. Par exemple si c’est à la salle des banquets de Ouaga 2000, je connais un peu le standing de l’évènement. Selon les enjeux le prix varie aussi avec. Il y a des mariages qui peuvent tendre vers ça.

Quelles sont les obligations d’un animateur ?

La première des choses que l’animateur doit faire ressortir lors d’un mariage, c’est de mettre dans sa tête que c’est l’union de deux familles différentes donc deux cultures différentes et deux entités différentes. Il doit mettre en valeur les mariés. Il doit rester en un mot très professionnel et partir sur la base qu’il y a un travail qui doit se faire en amont. Il y a un entretien avant le mariage avec les mariés pour définir la musique qu’ils veulent ou pas et il doit rester dans ce canevas. Il y a aussi le secret professionnel qui est là. Nous avons souvent accès à la vie privée des gens et il ne faut pas venir la relater de façon vulgaire devant les gens.

Comment tu proposes tes services ?

Aujourd’hui, lorsqu’on m’appelle ce n’est plus seulement Guindo l’animateur. C’est tout un service qu’on me demande. Ils veulent des artistes, la décoration, la salle…Bref ça commence à devenir tout un package. Nous travaillons avec des prestataires notamment sonorisation, décoration parce que la collaboration déjà y est.

Le grand Frère Big Ben m’a appelé de côté et m’a dit “‹‹ Jeune homme tu peux faire ça partout › ›

La concurrence devient rude dans ton milieu. Quelles sont tes relations avec les ainés ou les anciens ?

Moi avant tout, je rends un grand hommage bien mérité au anciens ! Quoi que l’on dise, ce sont les anciens qui creusent le tunnel et nous les plus jeunes, on s’infiltre. Ma toute première activité, il faut le dire c’était en 2013. C’est un aîné du nom de Big Ben qui m’a vu lors d’une rentrée académique dans mon université. Lorsque j’ai fini, il m’a appelé de côté et m’a félicité. Il m’a dit une phrase je cite : ‹‹ Jeune homme tu peux faire ça partout › ›.

La concurrence est une bonne chose parce qu’il y a au moins le challenge chacun innove de son côté. Mais, je pense qu’avec les anciens, j’entretiens une collaboration saine. Je veux dire qu’ils m’ont toujours prodigué des conseils indirectement. Indirectement parce-que, je les suivais à la télé et je voyais comment ils font leur présentation etc. J’ai beaucoup appris d’eux. Je peux citer entre autres ; Daouda Sané, Alpha’O… Lors de mes cérémonies, il y a au moins un jeune avec moi pour apprendre. Tous ceux qui m’écrivent peuvent témoigner. Ce que je peux faire je t’invite, tu viens une première fois et tu assistes. On peut aussi s’en sortir d’une autre façon. Je me suis dit que j’ai une vision, et je ne veux pas faire comme les autres pour ne pas tomber dans les mêmes pièges. J’ai beaucoup milité dans les associations notamment JEUNE CHAMBRE INTERNATIONAL, l’art oratoire également et bien d’autres… J’ai beaucoup appris avec elles.

Comment les jeunes dans ce milieu peuvent-ils se frayer un chemin ?

Moi j’aime dire aux jeunes qu’il faut qu’on crée un groupe ou une association professionnelle des Animateurs ou des Maîtres de Cérémonie. Plus on sera ensemble plus on sera fort. Il faut sincèrement qu’on avance et on doit avancer ! Plus on se professionnalise et plus on peut canaliser le secteur. Car aujourd’hui ce secteur est infesté. Les gens s’autoproclament Maître de Cérémonie surtout sur Facebook.

Pour ne pas aussi réaliser des émissions TV de mariage ?

Au Burkina Faso, on peut s’inspirer de l’émission les « 4 mariages pour une lune de miel ». Mais le burkinabè culturellement veut vivre de façon modeste et caché. Pourtant, on peut le faire autrement. Stéphanie Zongo avait une émission de ce genre, mais on peut l’élargir. Il y a plusieurs salons de mariages actuellement, mais moi j’ai toujours dit il faut qu’on se mette ensemble pour être plus fort. On peut gagner mieux ensemble !

“Parfois, c’est au bout de trois mois de mariage que certains couples se séparent”

Que retiens-tu des couples que tu unis dans leurs cérémonies, quelques années plus tard quand tu les rencontres ?

Malheureusement il y a certains qui se sont séparés. Souvent c’est au bout de trois ou six mois que j’apprends cela. C’est dommage ! C’est du business, on met beaucoup d’argent et à la fin, on se sépare. Aujourd’hui les gens sont prêts à faire leur mariage a coût de millions et après, c’est l’enfer au foyer. Souvent, je joue au conseiller matrimonial en disant aux couples ; qu’après le mariage la vie continue. Quoi que vous fassiez on va toujours critiquer, on ne peut pas empêcher cela. Faites les choses dans la mesure de votre possible.

Au final comment juges-tu ce métier ?

C’est une très belle expérience humaine et professionnelle. Dans mon téléphone j’ai les numéros de la plupart des mariés pour qu’à chaque anniversaire, je les souhaite un joyeux anniversaire et je les offre de petits cadeaux.  Mais il arrive des fois qu’on perde les contacts. Ainsi va ce métier.

Hervé D. Honla/Aida N’douonmou

 

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