La 26è édition des Nuits Atypiques de Koudougou s’est déroulée du 24 au 28 novembre 2021 dans le Boulkiemdé sous le thème : « Economie créative et développement local ». C’est majoritairement la filière musique avec en toile de fond, l’art vestimentaire qui a été au centre des festivités de cette édition qui s’est déroulée dans un contexte particulier. La situation sécuritaire et sanitaire étaient menaçantes voire alarmantes. Mais plus de peur de que de mal, l’édition a pu se tenir sans heurts mais l’accessibilité dans cite du festival, n’était pas à la portée du burkinabè lambda.
Douze (12) célébrités ! Tel était le nombre d’artistes musiciens invités à cette 26è édition. Nana Bibata, la troupe Baongo du Centre Nord (Kaya) et la troupe Laafi la Boumbou du Plateau Central (Ziniaré) représentaient la musique traditionnelle. Tanya, Kayawoto, Amzy, Nabalum, Bil Aka Kora, Greg, MC One, DJ Mix Premier (Côte d’Ivoire) et Sidiki Diabaté du Mali représentaient les vedettes modernes.
Ne pas perdre son identité
Nées du jumelage culturel avec les Nuits Atypiques de Langon en Gironde et le festival « Mundial » de Tilburg aux Pays Bas en Décembre 1996 et bien que ces festivals aient disparus ; les NAK se sont toujours illustrées comme vecteur de rassemblement et d’amour entre les peuples dans un esprit de partage et de solidarité tout en mettant l’accent sur la diversité et la qualité. Ainsi donc ; entre les artistes locaux (issus de Koudougou), les célébrités nationales et africaines, une osmose doit jaillir de ces partages à chaque édition. Les NAK 2021 se sont plutôt limités à la scène. Représentation des acteurs exclusivement ceux venus hors de Koudougou. Au-delà de sa notoriété transcontinentale, les NAK ont également le devoir de faire découvrir ses potentialités artistiques locales.
L’absence de certaines activités annoncées
Compte tenu de la situation sécuritaire préoccupante, la cérémonie d’ouverture dénommée « Pak Zaka » n’a pas enregistré les personnalités administratives et politiques annoncées. Qu’à cela ne tienne, « Pak Zaka » première innovation de cette édition, a connu une ambiance particulière. Désormais, les NAK ont instauré en leur sein, une cérémonie d’ouverture digne de ce nom. C’était le célèbre Directeur artistique Alain Hema qui avait eu la charge de l’organiser. Quand on parle de cérémonie d’ouverture ; forcement, elle devrait avoir une clôture. C’est plutôt le promoteur Koudbi Koala qui avait modestement clos cette édition le 28 novembre par son discours « atypiques ». Les rencontres professionnelles n’ont pas pu avoir lieu à cause d’un mouvement d’humeurs fondé ou non fondé au regard du contexte national. Tout comme l’espace Enfants, initialement annoncé, n’a pas pu être aménagé sur le site.
1000 F CFA pour accéder au site des NAK
Le prix ou encore le pass à un festival, tient compte des spectacles proposés, de la qualité des artistes, des services proposés sur le site et du conteste économique et social de la province. En tenant compte du contexte d’insécurité et du cout des cachets des artistes qui flambe, le prix d’accès de ce site pourrait se justifier. Mais, l’esprit solidaire animé par la précarité dont vivent nos populations en ce moment, notamment dans les zones qui ne font pas partie des grandes métropoles, « 1000 FCFA » pour l’accès sur le site des NAK est apparue très élevé selon la plupart des festivaliers et exposants que nous avons interrogés. « La Beaufort coûte 800 F CFA. Si un festivalier paie 1000 FCFA à la porte, combien va-t-il lui rester pour qu’il achète, soit un objet d’art, une bière ou une brochette ? » s’interroge la jeune Flavienne Yameogo Etudiante/Exposante.
Renforcer l’industrie du spectacle
De nos jours, et ce partout sur la planète : pour un festival de plus de 2000 personnes, la présence des écrans LED est extrêmement importante. La superficie du site des NAK est impressionnante, malheureusement ; le public et les artistes s’observent à perte de vue. Des relais d’images et même de son doivent être renforcés simultanément sur le site pendant les prestations des artistes et des partenaires de l’évènement. Le site des NAK est généralement ouvert de 10h à 3h au petit matin. Pour une telle marge de temps, la présence d’une seconde scène et d’un espace d’animation (trampoline) enfants est nécessaire. Cela, non seulement pallierait aux manquent de prestations des artistes de la région qui ont aussi besoin de visibilité dans un tel festival surtout dans leur localité. Des prestations et animations playbacks de 18h à 22h, donneraient une autre coloration sur le second podium en prélude aux grands spectacles. Avec la présence d’un prestataire audiovisuel muni de son drone branché simultanément sur les écrans LED, cela donnera plus opportunités de vues.

Les prouesses de SALEM SONORE
Cette structure de production audiovisuelle a apporté une touche particulière à cette 26è édition. Enfin, depuis les quatre dernières éditions, les mélomanes avertis n’ont pas déploré la qualité sonore des appareils, ni du rendu des artistes. C’est un dispositif à la pointe de la technologie qui avait été déployé par cette structure tout au long du festival. De Bil Aka Kora à Nana Bibata en passant par Tanya ou encore DJ Mix, personne ne sait plaint de la moindre qualité de la technique. Dommage néanmoins que les partenaires du festival n’ont pas bénéficié de la sonorisation de SALEM SONORE lors de leurs différents passages quotidiens. Un second podium éloquement décoré réservés aux partenaires allait apporter plus maturité à ce festival. Tout comme, la construction d’une grande clôture des NAK. Pour davantage incorporer cet esprit participatif des populations de la cité du Cavalier Rouge, une quête de 100 ou 200 FCFA pourrait être demandé chaque année aux festivaliers en guise de participation à la construction de cette clôture. Alours-là; chacun se sentirait responsable de l’entretien de ce site et de cette clôture.
Sécurisation des voies d’accès
Plusieurs voies mènent sur le site des NAK, mais toutes ne sont ni sécurisées, ni viabilisées. « …Nous sommes régulièrement agressées en rentrant chez nous. C’est pour ça que nous ne pouvons pas suivre tous les spectacles des NAK » se confient deux jolies étudiantes à notre reporter. Certes, la ville de Koudougou est en train de faire peau neuve avec la construction de nouvelles routes ça et là, mais, le site des NAK ne sera pas complètement accessible même à la fin des travaux. Le manque de lampadaires y compris les routes et pistes très enclavées renforcent davantage les niches d’agressions. Une volonté manifeste de la mairie, associée à l’amabilité des services de ponts et chaussées, voiries etc. pourraient progressivement au fil des années, rendre les zones d’accès officiels du site fiables et accostables.
Un plateau musical de rêve
Très dessus de ne pas avoir vu la prestation de son « fils » Sidiki Diabaté, le célèbre expert culturel africain Vincent Koala n’arrive pas encore à se remettre de cette amertume. « …On m’a pourtant dit que Sidiki Diabaté jouait aujourd’hui. C’est pour ça que je suis venu ce dimanche ! » S’indigne l’Homme providentiel d’ODAS Africa. Preuve que le choix des artistes cette année était de qualité. Pour certains, les NAK seraient en train revenir à ces succès d’antan avec la présence des célébrités musicales mondiales à Koudougou malgré la disparition des partenaires pionniers. Le public a ainsi pu vibrer pendant ces quatre jours avec leurs idoles. Une osmose s’est même progressivement muée en bain de foule pour certains durant leur prestation.

Le groupe Bezou pour Sidiki
75% des artistes ont fait vibrer le public pendant leur prestation. Des spectacles aussi différents et riches des uns des autres. Sidiki Diabaté est non seulement venu conjuguer cette intégration musicale entre le Burkina, le Mali et toute l’Afrique, mais il est venu de la Côte d’Ivoire avec dans sa gibecière, le tube « Burkina Faso » de Bezou qu’il a chanté en chœur tout au long de son spectacle. Ce qui a littéralement embrasé la foule dans une ambiance de solidarité. Il a donné un spectacle assez diversifié et compartimenté. Grand instrumentiste traditionnel devant l’éternel, l’auteur de « Tan Tegema » était en terrain conquis.

Mix Premier comme dans une causerie musicale
L’auteur de « Amour compliqué » a démystifié le live au cours de son passage aux NAK. Il a mis ton son orchestre composé de huit musiciens à contribution. Venu certes pour égrener devant tout un public acquis pour sa cause, l’ensemble de son riche patrimoine musical, DJ Mix s’est plutôt amusé avec son public, danseuses et musiciens. Les mélomanes se sont retrouvés dans son studio de répétition où l’ivoirien distillait de nouvelles sonorités avec la complicité de ses instrumentistes. La déclamation majestueuse du Dytanié par son guitariste en plein échange musical, a rempli d’émotions les six milles (6000) âmes présentes sur le site.

Greg a signé son grand retour
Loin d’être son véritable baptême de feu en matière de live, l’auteur de « Halaalé » était néanmoins très attendu sur ce site après de nombreuses années de disette. C’est au grand complet qu’il est apparu sur la scène avec comme principal vilebrequin ; les deux danseurs. C’était surtout l’occasion d’inoculer aux mélomanes de Koudougou, son nouvel album. L’actualité musicale n’échappe pas aux koudougoulais : c’est en chœur qu’ils ont chanté à la fois « Halaalé », « Alé Waamin » et surtout les autres grands classiques de son répertoire. Jamais sans sa guitare sèche, le Burkimbila a su doser sa prestation entre émotions, compassion, chaleur et vibration. Passablement timide par moment, il a su se redonner de leitmotiv en échangeant avec son public. Ceci pour refuser de garder cette monotonie et ce vide qui survient quand on passe de la prestation acoustique au live complet. Preuve que la thérapie de Greg était tout simplement de retrouver les scènes. Il est définitivement guéri !
Où étaient les danseuses de Nabalum et d’Amzy ?
Un festival d’envergure international à l’image des NAK n’a qu’un seul objectif : Donner du spectacle ! Les acteurs primordiaux dans ce type de festivals sont : les danseurs (ses), les musiciens, les choristes et le chanteur. Ils se complètent tous sur une scène. D’autant plus que l’artiste possède d’un minimum de 45 mn qu’il devra partager avec l’ensemble de son orchestre. La réussite d’un spectacle pour un artiste musicien, il le doit grâce à ses danseurs. Les mélomanes viennent surtout dans un festival pour ; soit danser, apprendre à danser ou voir danser les autres. Pour un artiste qui est programmé dans ce genre de festival, la priorité du spectacle revient aux danseurs. Pendant qu’il réajuste son répertoire avec son orchestre, il a besoin de faire participer son public. Et ce sont les danseurs qui prennent le relai. Pour tous les artistes programmés à ce grand festival ; seuls Amzy (qui possèdent pourtant d’excellentes danseuses) et Nabalum étaient dépourvus de spectacle. Bonne orchestration, de belles mélodies mais pas de beaux spectacles. Dommage.
Nana Bibata et Laafi la Boumbou ; la touche identitaire

Les troupes traditionnelles à l’instar de celle de la cantatrice Nana Bibata et Laafi la Boumbou y compris celle de Kaya ont apporté cette signature identitaire que certains avaient tant réclamé au dernier FESPACO. En leur donnant les places de choix au même titre que les vedettes de la chanson moderne, l’Association Benebnooma (Initiatrice des NAK), a démontré une fois de plus que la Culture et notamment la musique, passent par le folklore de chez nous. Nana Bibata et toute sa troupe au grand complet ont donné une représentation à l’image d’un festival qui tire sa sève grâce à sa tradition.
Tanya et MC One ont surpris
Ils étaient certes la grande attraction de ce festival. Non seulement parce qu’ils étaient visiblement les plus jeunes. Mais, leur prestation live et leur capacité à résister sur scène étaient impatiemment attendus. Tanya qui venait de sortir d’une pseudo polémique au FESPACO a été ovationné et congratulé dans les coulisses. « …Elle n’a pas demandé tout au long de sa prestation au public si ça va ! Elle a été moins bavarde et quel beau spectacle ! » s’exclame l’un des présentateurs du festival, le célèbre Gérard Koala du FONY. La justesse avec laquelle, l’auteure de « My Lover » a déclamé l’ensemble du répertoire de ses chansons, a laissé tous les puristes du live pantois. L’interlude du passage de ses danseuses sur un tube préenregistré aura été le seul bémol de son passage. Quant à MC One ; il s’est même payé le luxe d’interpréter en live plus de cinq genres musicaux avec des voix et des tonalités différentes sans perdre la moindre voix pendant plus d’une quarantaine de minutes. Ebahi sur le site, les festivaliers lui ont réservé une salve d’ovation à la fin de sa prestation.
Kayawoto ; s’adapter aux codes
La célébrité, la prestance et le flow ne souffrent d’aucune contestation chez ce jeune artiste dont le quart de son talent reste toujours inexploité. Sa présence seule sur scène suffit pour enflammer son public. Le roi de la « Maouland » passe pour être l’artiste le plus charismatique de sa génération. Pourtant, les codes du live demandent encore plus. En plus du charisme, il y a surtout la discipline de l’orchestration. Une scène live demande la participation quasi systématique des musiciens. Ce sont eux qui, en phase avec le lead, font du spectacle. L’animation public ou l’invitation des enfants sur scène ne constitue pas le seul ancrage d’un spectacle. L’auteur de « Foyinga » a passé plus de la moitié de son temps à animer des concours de chant de sa chanson sur scène, laissant l’orchestre en chômage. Pourtant, en surfant sur le beat harangueur de ses tubes, il pourrait enrichir son live et scander son public. Une prestation DJing avec des beatmaker et une guitare suffiraient pour lui à faire un excellent live dans son registre actuel.

Yound Ced et ses apparitions de trop
Le jeune artiste Yound Ced était omniprésent sur toutes les scènes durant tout le festival. Le moindre artiste invité qui montait sur scène, Cedric Koala surgissait sur scène avec son micro pour, soit des « backs » ou des « freestyle ». Parfois, il n’était pas invité par l’artiste. Cet exercice est souvent l’apanage des artistes qui font des « backs » ou des artistes en herbe. Ils font donc des « check off » en coulisses ou même en répétition avec l’artiste. Ce duo peu faire effet de bonne surprise comme de mauvaise, surtout quand il devient récurant et peu préparé. Pourtant, Young Ced est aujourd’hui un artiste complet qui possède des tubes à succès et fait quelques scènes. Pourquoi ne pas être programmé comme tous les autres ? Est-il encore ce fils à Papa qui squatte les scènes des célébrités, pourtant, il peut en devenir lui-même une ?

Deux Présentateurs complémentaires
Tout en saluant et en déplorant au passage le silence tacite d’un des partenaires pionniers des NAK en l’occurrence TELECEL. Cette structure a été silencieuse en animation cette édition. Pourtant, les NAK et les festivaliers s’identifient toujours grâce au dynamisme de son animation. Certes la charte graphique des NAK sied désormais à TELECEL, mais elle gagnerait à se munir de son podium d’animation pour permettre aussi aux artistes en herbe de Koudougou, de taper dans l’œil des potentiels producteurs à la recherche des perles rares.

Néanmoins ; deux MC se sont parfaitement illustrés à cette édition. Il s’agit de Gérard Koala (en français) et Ancien (en Mooré). Leur tandem humour/auguste aura fonctionné à la carte avec des plages éducatives et de sensibilisation pour la cohésion sociale. D’où d’ailleurs le thème de la prochaine édition annoncée par Koudbi Koala pour du 1er au 4 décembre 2022.

Bil Aka Kora en Apothéose
C’est le double détenteur du Kunde d’Or Bil Aka Kora qui aura mis la clé sous le paillasson de cette 26è édition dans une ambiance musicale live dont lui seul connaît le secret. Malgré la situation sécuritaire chancelante et la période post deuil national accentuée par l’absence de la communication digitale, cette 26è édition aura été d’un franc succès tant sur le plan organisationnel que sur l’ensemble du plateau musical. Néanmoins, les NAK gagneraient cette fois-ci, à inclure un autre art spectaculaire qui connaît depuis quelques années un franc succès. L’Humour !
Hervé D. HONLA