Le prince aux pieds nus est un chanteur, guitariste, auteur compositeur et aujourd’hui producteur et fondateur des REMA (Rencontres Musicales Africaines). Il défraie la chronique depuis la sortie de son album « SO WOK » le 11 juin 2021. Loin d’être un retour au-devant de la scène, le descendant du Naaba Konkiss du village de Konkistenga brille par sa technique de communication et surtout par la qualité de son œuvre qui crève l’audimat africain. Nous sommes allés à sa rencontre le 4 novembre, afin qu’il nous démystifie cet album « SO WOK »

Pourquoi ton album « SO WOK » est-il différent de tes autres albums ?
Ça fait cinq mois exactement le 11 juin exactement ; On ne l’a pas fait explicitement, nous avons eu juste de l’expérience. Ça fait sept voire huit ans que j’ai mis du temps à créer cet album. Sept, huit ans, ce sont des scènes que j’ai faites, des musiques que j’ai expérimentées…Bref des situations que j’ai vécues etc. C’est un peu le condensé des expériences que j’ai mis dans cet album. Cet opus, comme son nom l’indique ; c’est un long chemin qui donne le résultat que nous avons aujourd’hui. Quand vous faites un parcours, soit il vous forge, soit vous le forger. Pour moi « SO WOK » m’a beaucoup forgé et le résultat ce sont des textes qui sont pour moi murs. C’est aussi une musicalité qui a été expérimentée de fond en comble. C’est un album qu’on a pris le temps de faire et qu’on a surtout mis de l’amour pour le réaliser. Je suis très heureux qu’il soit super accepté dans mon pays et ailleurs.
Quel a été le véritable crédo que ton staff et toi aviez adopté pour lancer une telle campagne ?
(Rires…) Je suis quelqu’un qui est toujours en train de douter comme le dit Daouda Sané (Animateur audiovisuel). Parce que je me disais : est-ce que le public comprendra ma démarche ? Mais il y avait quelque chose là-dedans qui me plaisais. C’est que j’ai mis beaucoup d’amour dans cet opus et j’étais confiant. Nous nous sommes donc dit qu’il fallait qu’on se démarque, car les temps ont changé. Il y a de nouvelles donnes au niveau de la musique et dans la manière de communiquer. Il y avait beaucoup d’artistes avec beaucoup de buzz. Nous on voulait un peu passer entre toutes ces mailles du filet pour faire entendre notre album. Nous avons donc réfléchi à une stratégie qui nous a amené vers la créativité, l’excellence et surtout qui nous a amené vers un travail professionnel abouti avec une démarche singulière d’un artiste qui sait où il veut aller. Surtout, nous avons mis l’accent sur le bisness, car au-delà de tout, c’est beau de faire tout ce qu’on fait mais le but final, c’est de vendre des disques. C’est -à-dire d’être présent dans les foyers des gens. Qu’ils achètent et consomment l’album. Aujourd’hui, je suis content de voir que cette pratique est beaucoup acceptée et que même d’autres artistes l’ont adopté.

Cet album « SO WOK » contient beaucoup de colorations artistiques et techniques. Qu’est ce qui a prévalu ce choix ?
Nous avons d’abord enregistré « SO WOK » à Ouagadougou, ensuite nous sommes allés le mixer et masteriser ailleurs avec des ingénieurs de son qu’on avait déjà repéré. C’est un album qu’on voulait aussi global car on voulait que cet album réponde à tous les publics. J’ai eu la chance de faire tous les continents et d’aller partout dans le monde. Et donc, aujourd’hui, j’ai développé un public très cosmopolite. Le public et mes fans viennent de partout. Il fallait donc faire un album qui tienne compte de tous ses paramètres. D’ailleurs, je profite vous dévoiler que, par exemple, hier (NDLR ; le 4 novembre), je reçois mes statistiques de téléchargement sur l’album « SO WOK » ; ce sont les USA qui viennent en premier ! Donc en somme, j’ai un public assez métissé. Deuxièmement, on a voulu aussi toucher le public burkinabè, notamment sur des chansons qu’on a programmées. Car on souhaitait que ça réponde à nos réalités. Notamment avec des featuring, des arrangements d’ici à l’instar de Pissi et avec des artistes comme Smarty. On a voulu aussi dire merci à Ismaelo avec qui nous avons chanté. Car ce sont des chansons qui traversent le temps. Nous avons aussi une collaboration avec le Maghreb, car c’est un marché que nous n’explorons pas. Pourtant, qui consomme beaucoup la musique africaine.
Parlons de cette approche commerciale de proximité. Concrètement, qu’est-ce que cela t’a apporté ?
Ce sont des milliers de disques vendus. Je ne saurai sincèrement vous donner des chiffres exacts. Nous avons eu quatre ruptures de stocks et présentement, nous sommes encore en train de commander d’autres stocks. Aujourd’hui, je suis très heureux car au niveau des CD, ça marche très fort. Au niveau des téléchargements également, ça fonctionne beaucoup bien. Nous sommes allés aussi dans tous les médias locaux pour parler de cet album. Vous saviez que les gens m’ont critiqué, que je ne faisais pas la promo de mon album sur le plan local. Sur celui-ci, nous sommes allés partout dans les émissions pour parler de l’album « SO WOK ». Au-delà de « SO WOK », c’est un album de la vie, car les thématiques parlent à tout un chacun. Je voudrais profiter de l’occasion pour saluer tous les nouveaux fans et principalement les jeunes.
Parlant du goût et des tendances actuelles des jeunes. Comment as-tu fait pour t’imposer ?
Je ne cherche pas à m’imposer, mais à m’adapter….
…Ce n’est pas une rivalité non plus ?
…Ecoutez ; je ne cherche pas à faire de rivalité ! Les jeunes sont dans leur temps et nous aussi, nous sommes dans le nôtre. Une musique normalement doit pouvoir être intemporelle. C’est cette démarche-là que j’exploite. Pour moi, il n’y a pas d’âge dans la musique. La musique doit être comme le vin. Plus elle prend de l’âge, plus elle prend de la valeur. Mais il faut aussi savoir que les choses changent. Je me suis adapté, j’ai vu comment les jeunes aussi font de nos jours. Je me suis inspiré des jeunes et je cause souvent de temps en temps avec eux et puis j’écoute ma fille. Elle a 20 ans, donc je vois un peu ce qu’elle aime ainsi de suite… J’écoute toute sorte de musique et je ne suis pas fermé. Je ne suis pas du genre à dire que ; « je connais ! » non !

Un artiste comme Alif Naaba, quelles peuvent être tes sources de gain ? Les ventes des CD ou les spectacles ?
Aujourd’hui, le premier moyen de gagner sa vie dans la musique, c’est faire des concerts. Vraiment ; les prestations, c’est ça qui donne de l’argent en premier ! Ensuite le reste, c’est important de les avoir. Quand ton album rentre dans les foyers et qu’il plaît aux gens, forcément tu vas jouer. Les deux vont ensemble.
Combien de spectacles déjà à ton actif depuis la sortie de « SO WOK » ?
Je ne communique pas beaucoup sur mes spectacles, mais je joue quand même…moi qui je ne joue pas beaucoup. Mais là, je joue énormément ces temps-ci. Je suis autour de quatre à cinq spectacles par mois. Parce que mes spectacles coûtent légèrement cher mais je suis à quatre, cinq spectacles par mois !
D’autres spectacles en vue ? Pas seulement au Burkina.
Oui, bien sûr ! Pour l’album « SO WOK » nous sommes déjà en train de travailler pour une vaste tournée nationale. Des partenaires reviennent et des festivals nous invites à l’extérieur notamment à Paris, au Sénégal et en Côte d’Ivoire pour le développement de la promotion. Je me prépare pour des Rencontre Professionnelles en Afrique du Sud à la fin de ce mois, puis ensuite je vais pour la promotion hors du continent et les tournées à venir. Même à Ouagadougou, on va rejouer car je n’ai pas encore fait des concerts populaires pour mes fans…Bref le programme est alléchant. J’ai encore des clips à sortir notamment « Ntenga », « Kiiba » avec Smarty. Je serai aussi le 20 novembre avec Smarty pour son concert au Stade Municipal. J’invite d’ailleurs tout le monde à y aller.
Au regard de ton organisation, peut on dire de nos jours, qu’un artiste doit être un entrepreneur ?
Pour moi, il n’y a plus de demi-mesure ; un artiste doit être un entrepreneur ! Avant, il y avait des producteurs spécialisés mais aujourd’hui, l’artiste peut se produire. Les artistes comme Magic System aujourd’hui se produisent eux-mêmes…
…Je me souviens, à une certaine époque, tu avais affirmé que les Labels ne servent plus à rien…
…Beh oui ! Quand vous voyez tous les artistes qui ont signé, ils sont aujourd’hui à la traine. Tous se prennent eux-mêmes en charge. Le himself management est devenu essentiel. Moi j’ai eu la chance, il y a au moins une douzaine d’années, lors d’un colloque à Paris, d’avoir appris le model anglosaxon. Notamment comment les artistes doivent s’auto-entreprendre. J’avais eu la chance de me former dans le himself management et aujourd’hui, je suis fier que c’est ça qui marche. A mes débuts, j’avais commencé avec DUBING Corporation et j’avais vu que leur model qui était indépendant. Je trouvais que c’est ça qu’il fallait pour l’Afrique. Aujourd’hui je suis content de voir des artistes comme Floby qui se prennent en charge ou encore Smarty qui développent des initiatives nobles. Son nouvel album est produit et conduit par lui-même et c’est intéressant. Tout comme le succès de Youssou N’dour etc. Je trouve aujourd’hui que c’est là où nous devrions être.

En deux mots, quel bilan peux-tu dresser de la 4è édition des REMA ?
Nous avons fait le point avec le groupe. Nous sommes très satisfaits de cette édition. Les REMA ont mis le Burkina dans le calendrier des évènements importants de musique en Afrique. Tous les grands noms sont venus et on a eu la chance que l’UEMOA nous a accompagné cette année. Je les en remercie et tous les bureaux de droit d’auteurs des huit pays étaient là. Tous nos partenaires ; l’Ambassade Américaine, l’Institut Français, le Goethe Institut, CANAL + etc. Aujourd’hui les REMA sont en train de devenir un véritable incubateur pour le continent. Dès que nous avons parlé de la Copie Privée que nous voulons instaurer en Afrique, la semaine qui a suivi, la Côte d’Ivoire a adopté la Copie Privée pour la première fois de son histoire. Nous sommes contents de voir que les REMA ont pris de l’avance. Nous sommes très heureux des débats qui ont été riches. Je remercie donc les autorités de ce pays qui m’ont soutenu, jusqu’au Président de la République. Les REMA sont devenus pour le Burkina, un évènement dont on doit être fier.
Hervé David HONLA