Mahamadi Sankara : « La danse c’est un moment de joie pour moi»
Entretiens

Mahamadi Sankara : « La danse c’est un moment de joie pour moi»

La danse est un art. C’est le mouvement du corps exécuté en cadence, à pas mesuré et au son d’instruments ou de voix. Ce mouvement du corps, il y a des gens qui ont décidé d’en faire leur métier. Oxygène Mag est allé à la rencontre de Mahamadi Sankara, encore appelé Dimolo. Il est artiste danseur. Avec lui, nous allons découvrir l’univers du métier de danseur ainsi que de l’art en général au Burkina Faso.

Mahamadi Sankara sur scène avec l’artiste SUPRÊME NABIGA au Festival Afro Beat 2020.

Présentez-vous svp?

Je suis Mahamadi Sankara, artistiquement Dimolo. Je suis artiste danseur, parallèlement chargé de communication. Je suis responsable communication et marketing digital à Chalenge Communication.

Quel est votre cursus universitaire ?

J’ai fait de l’histoire et archéologie à l’université. Bien que j’aurai voulu faire de l’anglais. Comme je faisais la danse, je me disais qu’avec l’anglais j’aurais des opportunités. Malheureusement avec notre système éducatif, où tout est mélangé, l’université m’a orienté en Histoire et Archéologie. J’ai laissé tomber par la suite parce que la motivation n’y était pas. Donc j’ai quitté les bancs pour la scène. C’est vrai qu’au début c’était juste pendant les vacances que je dansais dans les différentes compétitions. Mais à un moment donné cela avait plus pris mon temps. Donc j’ai décidé de me professionnaliser et d’en faire mon métier. Juste après la chorégraphie du FESPACO en 2017, je me suis inscrit dans une école de danse professionnelle chorégraphique (Centre de développement chorégraphique la TERMITIERE). J’ai donc été auditionné sur scène et entendu par un entretien et j’ai été retenu. On a commencé la formation le 15 janvier 2018 jusqu’au 11 décembre 2020.

Depuis quand avez-vous commencé la danse, depuis l’enfance?

L’art est en chacun de nous. Mais il se manifeste autrement. Moi depuis que j’étais petit, j’ai voulu être un footballeur. Samuel Eto’o était mon idole. Parallèlement, je ne manquais pas les émissions artistiques, notamment Wozo Vacance. Je suis né en Côte d’Ivoire, j’ai grandi là-bas et j’y ai fait presque tout mon cursus primaire. Egalement, quand je voyais Alpha Blondy chanter, ça me plaisait. C’est loks, sa manière de bouger sur scène. Pas que je voulais être chanteur, mais j’adorais l’art en général. J’ai fait un peu du théâtre au primaire. C’est juste après mon BEPC que j’ai commencé les activités, les compétitions de danse inter établissement. Je me suis lancé pratiquement dans la danse en février 2010. Mais les parents estimaient qu’il fallait que je réussisse à l’école pour être un fonctionnaire. Ils m’ont combattu dans le foot et quand j’ai commencé à danser aussi ça n’a pas été facile.

Donc vous avez commencé à danser en 2010. Aussi vous vous êtes formé en 2018. Pourquoi avoir choisi de faire la danse? Vous avez abandonné l’université par manque de motivation. Mais votre rêve était aussi de faire le football et vos parents n’étaient pas pour la danse aussi, est ce qu’on peut dire que vous avez l’art dans le sang.

Oui ! La danse parce que le football, on m’a un peu découragé. Quand j’étais petit je jouais bien et avec mes camarades au quartier on avait ce rêve de devenir footballeur. On s’était fait appeler entre temps l’équipe du Cameroun et on s’attribuait les noms des joueurs de l’équipe du Cameroun. Mais comme les parent s’opposait et même quand je suis rentré au Burkina, où le niveau du football avec la Côte d’Ivoire n’était pas la même chose, je m’entrainais avec des entraineurs de foot régulièrement. Mais au fur et à mesure mes chances pour devenir footballeur diminuaient. Mais l’art était toujours là. Je suis un passionné de la chorégraphie. Quand on fait de grands mouvements d’ensemble. Cela  me plaisait. Donc quand j’étais en 3ème pour la deuxième fois dans une autre école où j’avais promis mieux me concentrer pour obtenir mon BEPC. Un soir je voyais des gens qui se sont remorqués et partaient faire une compétition. A la prochaine édition j’ai suivi leur répétition et la compétition. J’ai alors décidé d’intégrer le groupe et j’ai fait la rencontre de celui qui me formera plus tard. On a fait la compétition et on est resté ensemble.

Le chorégraphe Olivier TARPAGA, remettant le diplôme de fin de formation en danse professionnelle à monsieur Sankara. Olivier TARPAGA était le parrain de cette promotion.

Si on vous demande de faire un bilan de votre carrière de danseur? Est-il positif?

Dire positif c’est trop dit. Mais je dirais plutôt, à mi-parcours, que c’est légèrement satisfaisant. A partir du moment où j’ai été formé par quelqu’un et l’année qui a suivi je suis devenu automatiquement son assistant. Donc il m’a mis dans la casquette d’un formateur bien qu’en ce moment je n’avais pas encore les outils. Il s’appelle Zakaria Sawadogo et tout le monde l’appelle Zaki. Il est connu dans la formation des enfants depuis 15 à 20 ans. Ce n’est pas totalement satisfaisant mais, je suis arrivé à former certains enfants. Et mon formateur lui-même est fier de moi. Parmi tous ceux qu’il a formés, je suis le seul qui est la preuve vivante qu’il a formé des gens qui ont évolué dans la danse. Il me cite souvent en exemple et il m’a laissé la responsabilité de certaines choses et sans peur. Aussi, j’ai formé certains enfants dans le cadre du projet Wakat, vacance artistique et découverte culturelle, qu’on a initié en 2017. Chaque vacance on apprend aux enfants à danser et à jouer aux instruments traditionnels, à chanter, à faire du théâtre. Donc je suis le principal formateur en danse. Dans mes différentes formations, dans les écoles, les activités culturelles où je donne des cours, je pense humblement sans fausse modestie que c’est légèrement satisfaisant. C’est vrai je ne pense pas être sur scène tout au long de ma vie, mais la formation que j’ai reçu, me permet de transmettre le savoir que j’ai. Donc je suis dans cette logique de pouvoir transmettre aux petits frères.

Vous avez tantôt dit que vous ne pensez pas rester sur scène tout au long de votre vie, quelle est votre vision, votre rêve après la scène ?

On peut faire la danse sans être sur la scène. J’ai parlé de formation, Donc peut-être créer des cadres d’expression chorégraphique. Permettre aux enfants de s’amuser pendant les vacances, même pendant l’année scolaire. Avec mon projet Wakat art, j’ai amené les enfants du quartier, à leurs heures libres, à venir suivre des cours de danse des chansons qu’ils aiment, qu’ils ne connaissent peut-être pas, pour qu’ils se familiarisent à certains artistes. Partout où je travail, on fait un peu de l’éducation artistique et culturelle. De nos jours, les établissements, qui acceptent instaurer l’art dans leurs programmes, ne sont pas nombreux. On profite éduquer nos petits frères. Je rêve d’avoir un programme de danse chorégraphique dans les différents établissements surtout primaire. Au primaire, c’est plus facile d’amener l’enfant dans le programme et grandir avec. Ce n’est pas forcément pour être des danseurs, mais les enfants doivent connaitre l’historique du warba, du binon…presque toutes les disciplines de l’art. Cela peut participer à leur éveil artistique et culturel. Mais pas de créer une école.

Vous êtes donc sur la scène mais aussi dans la formation des enfants. De nos jours, combien d’artistes avez-vous accompagnés dans la sortie de leurs albums à travers la danse? On vous voit dans beaucoup de clips.

Je ne pourrai donner un nombre exact. Mais je pense que depuis 2010, j’ai participé à beaucoup de clips. Il y a d’autres personnes qui ne me reconnaissent plus. Je pense qu’il y a Clanabelle. J’ai travaillé avec elle depuis décembre 2015 jusqu’en 2019. J’ai fait trois clips avec elle. Avec Dez Altino j’ai fait 2 clips. Il m’a appelé pour compléter l’effectif. Maria Bissongo, avec qui j’ai fait 2 clips, et Natou dans ses 4 clips. J’ai beaucoup fait les clips avec les femmes. En plus, il y a Princesse Derra. Avec elle particulièrement, on a été mis en contact pour que je communique pour elle. A un moment donné, elle a fait appel à ma casquette de danseur, pour monter ses chorégraphies. Maintenant, je gère presque sa carrière. Je suis en train de chercher des danseurs professionnels pour l’accompagner. Elle a du talent et a besoin de soutien. J’ai fait deux clips avec elle. En outre, j’ai fait mon tout premier clip avec Besco, qui était une amie de mon formateur. Avec Imilo aussi dans son clip warb nooma et dans la chorégraphie de son concert en 2017. Il y a toute une liste d’artistes que j’ai accompagnés dans leur carrière. Mais je ne me contentais pas clips ou de rester derrière les artistes.  Pas pour dire que les danseurs qui sont derrière les artistes ne sont pas des bons danseurs, ou qu’il manque d’ambition. Par exemple avec Clanabelle, entre-temps je gérais sa page facebook. Aussi, on ne peut pas rester éternellement derrière un artiste. Cette idée de quitter dans la danse et rentrer dans la musique ne m’a jamais traversé l’esprit. Je respecte les chanteurs. Chanter ce n’est pas facile, c’est trop compliqué. Aussi, j’ai fait beaucoup de spectacles de danse, notamment la chorégraphie des soirées LOMPOLO en 2016, la chorégraphie de clôture du FESPACO 2017, les cérémonies d’ouverture de  Banbino show. De 2011 à 2017 j’ai participé à la conception de la chorégraphie de Banbino show et j’ai dansé. En 2020 je suis revenu, j’ai participé à la création, conception mais je n’ai pas dansé. J’ai fait aussi les compétitions de la SNC. On a été 2ème en création chorégraphique en 2016, et lauréat en 2018. J’étais encadreur assistant à Vacance Loisir et on a été finaliste en danse et en fait de société de 2011 à 2017. Sauf en 2014 qu’on n’a pas été finaliste. J’en oublie d’autres. Ce sont des spectacles de ce genre qui m’ont poussé à aller me professionnaliser.

Est-ce qu’un jeune peut vivre de la danse comme métier ?

Oui! Absolument. Ceux qui nous inspirent, ils vivent uniquement que de la danse. Raison pour laquelle à un moment donnée, nous aussi on a pris la résolution d’être des danseurs en plein temps. Quand vous prenez ma pièce d’identité, c’est écrit artiste danseurs. J’ai assumé quand je mettais ça. Avant les gens se cachaient. Celui qui m’a formé, actuellement il est en Allemagne et il vit uniquement que de la danse. Il fait partie des premiers danseurs qui ont commencé à figurer dans les clips de Jeanne Bicaba (paix à son âme), Guetta (paix à son âme), des Mai Lingani et autres. Actuellement, leurs générations sont tous à l’extérieur. Ce n’est pas parce qu’ils sont à l’extérieur qu’on pense qu’ils ont réussi. Mais celui dont je parle, il a créé sa boite de production en 2015 à Banfora. Il est en train de construire un théâtre comme le CENASA. Aussi, il a été nommé directeur d’un théâtre à Berlin en tant que danseur. Je pense que c’est un investissement capital pour un danseur qui a commencé ici, qui râlait et a eu l’opportunité d’aller à l’extérieur. Il investit ici au pays et n’hésite pas à soutenir, tous ceux qui sont dans la musique, la danse, le théâtre. Avec ce que lui il a accompli et certains dont je vois, ils font taire ceux qui pensent que la danse c’est pour le vagabondage. Je n’ai pas laissé les bancs parce que j’étais un cancre à école pour aller danser. Au contraire, c’est parce qu’à l’école je n’y trouvais plus mon compte sur ce que je voulais. Les vauriens même ne peuvent pas faire la danse. Pour faire une chorégraphie, il faut réfléchir pour amener les mouvements en harmonie avec la musique.

Il a été co-formateur en danse aux VADC (Vacances Artistiques et Decouvertes Culturelles) 2020.

Justement on entend trop de préjugés autour des danseurs. Il y a même les questions de relations intimes entre danseur/danseuse et les artistes qu’on a entendu. Quelle est votre analyse sur ce fait ?

Dans tous les métiers il y a des brebis galeuses. Moi de mon point de vue, à chaque fois quand j’ai ce genre de question en face de moi, je me dis le professionnel doit toujours primer. Il ne faudrait pas que des histoires personnelles empiètent sur le travail professionnel. On peut arriver pour faire, ce qu’on appelle un gombo ou des répétions pour un spectacle ou un clip et dans amusement on commence à se tapoter. Ça conduit à autre chose, mais ça ne doit pas empiété le travail qu’on fait. Par exemple lors des compétions pendant les vacances. On commence les répétitions en juillet et pour ceux qui iront en final c’est pour jusqu’en octobre pratiquement, d’autre c’est en septembre. Vous allez cohabiter avec des filles à un moment donné, si le professionnel ne prime pas ça risque de jouer sur votre travail. Ce sont des situations qui arrivent et on est tous des humains, donc c’est naturel. Mais je dis toujours que le professionnel doit primer, entre les responsables du groupe et les danseuses. Ça peut aboutis à quelque chose de positif si le professionnel prime. Mais il ne faudrait pas créer une discrimination ou une jalousie d’autres filles ou d’autres garçons du groupe.

Donc selon vous le professionnel doit primer dans la collaboration entre artistes et danseurs, ou entre les danseurs eux même ?

Oui ! Il faut mettre ça en avant. C’est d’abord le travail qui nous lie. Par exemple si le boss, il sort avec telle fille. Elle va penser qu’elle est la patronne de tout le monde. Et si toi tu es là pour travailler et gagner ton pain quotidien, pour des futilités quelqu’un va vouloir te commander. C’est sûr que cela va créer des frustrations, et tu risques même de te bagarrer avec cette personne et le boss va te virer parce que tu t’es bagarré avec sa copine. D’autres personnes quand ils commencent à sortir avec leurs collaborateurs, ils préfèrent l’enlever et le mettre à part. Parce que tu vas mélanger le travail.

Sur la scène on voit souvent une certaine complicité entre l’artiste et ses danseurs, ça vous demande combien de temps pour atteindre ce résultat ?

Je pense que pour être harmonieux sur scène et avoir une complicité, c’est uniquement que les répétitions. Les improvisations ça existe, mais il faut des provisions. Il faut des heures de travail. Par exemple quand on tournait avec Clanabelle, tellement l’équipe était soudée, souvent avec un danseur, elle pouvait faire le show comme elle veut. Pas forcément qu’elle maitrise le ballet, il y a certaines choses sur la scène qu’on fait qui n’ont jamais été préparées. Habituellement, on répète plusieurs fois, deux fois dans la semaine chez elle, même quand il n’y a pas de spectacle. Même si c’est pour répéter 10 minutes, il faut forcément qu’on répète. Donc, je pense que c’est des heures de travail qui créent toujours cette complicité. D’abord entre les danseurs, ensuite entre danseurs et artistes. Quand vous êtes sur scène, vous vous sentez. Il suffit que l’un commence un mouvement et vous savez où ça part. Dans un spectacle, quand vous êtes nombreux, une personne peut faire une erreur, mais la complicité peut amener le public à penser que ça fait partie du spectacle.

A combien estimez-vous le cachet d’un danseur après une prestation ou un spectacle ?

Cela varie du contrat du danseur avec l’artiste. Il y a des artistes, quand ils vous appellent pour un concert, ils vous disent ce qu’ils ont pour vous. Si le danseur est d’accord, sinon vous discutez. Il y a le cachet et les frais de répétition que vous devez discuter. Avec Natou par exemple quand elle m’appel pour son spectacle ou concert je ne discute pas de cachet avec elle. Ce qu’elle a remis à tout le monde elle me remet la même chose. Souvent elle me donne quelque chose qui n’a rien n’à avoir avec les autres. Mais c’est une question de confiance et de complicité entre une grande sœur et son petit frère. Je ne suis pas son danseur titulaire. Il y a des artistes qui sont très reconnaissant. Je pense qu’elle est très reconnaissante, car on s’est connu par hasard dans ce domaine d’encadrement d’enfants. Il s’est installé une certaine confiance lors de son premier clip sur lequel on a travaillé ensemble et elle m’a adopté. Pour les autres, on discute parce nous sommes aussi dans un pays où d’autres sont en autoproduction et ont besoin d’aide. D’autres font leur budget et définissent ce qu’ils veulent donner aux danseurs.

Le minimum que vous pouvez recevoir c’est combien ?

Avant, ils venaient chez nos formateurs négocier et à la fin du travail, ils remettent 50 000 au formateur, pour lui et les danseurs qu’il forme. Ça vaut 8 ans de cela. Maintenant, si l’artiste veux organiser un concert, à moins que ce soit avec ses danseurs titulaires, il ne va pas payer moins de 30 000  par danseur. C’est le minimum qu’un artiste peut négocier un danseur, sinon à la limite 50 000 par danseur. Et cela n’a rien n’à avoir avec les tenus. Mais avec les danseurs titulaires c’est comme une famille. Prix  minimum dans un clip c’est 25 000. Souvent avec certains artistes, on va en deçà parce que ça ne vas pas.

Monsieur Sankara en compagnie de M. Salia SANOU, Directeur du CDC LA TERMITIÈRE, où il a suivi 3 ans de formation en danse professionnelle.

Avec les danseurs titulaires c’est comme une famille, est-ce à dire que les danseurs titulaires ne sont pas payés ? Ne reçoivent-ils pas un salaire de la part de l’artiste ?

Oui, pour certains artistes. Ils n’aimeraient pas que leurs danseurs dansent avec d’autres artistes. Il y a d’autres même qui prennent une maison pour leurs danseurs et danseuses. Soit, il a sa grande cours, il les héberge, ils se déplacent ensemble et il les paye par mois. Il y a d’autres, ils payent des engins pour leurs danseurs et ils soustraient dans les cachets au fur et à mesure. Je pense que c’est le cas de Dez Altino. Il est parmi ceux qui sont arrivés à élever le statut du danseur. Ce qu’il fait c’est très bien, parce que lui et son équipe c’est comme une famille. Et quand vous voyez ses danseuses, je ne pense pas qu’il y ait une danseuse qui les envie. Ce n’est pas de la jalousie, pas parce qu’elles sont plus fortes en danse que les autres mais, leur statut, leur manière d’être est professionnel. Elles sont toujours bien habillées, même quand vous les voyez en ville. Cela valorise le métier et le relève le niveau des danseurs.

Quelles sont les difficultés que vous avez eues à rencontrer, que ce soit dans la danse, les spectacles, concerts, clips, les formations?

Les difficultés n’en manquent pas. Par exemple dans les clips, quand vous signez un contrat avec un artiste, à la dernière minute cela devient autres choses. Vous finissez le clip et pour qu’on vous paye c’est compliqué. Et quand ils vous disent après, c’est fini. Souvent, si vous voyez que certains artistes, qui sont toujours au même niveau, c’est parce qu’ils ont été malhonnête. Vous dites à une personne que vous n’avez pas d’argent aujourd’hui, la personne peut comprendre, mais, si vous gagnez et vous refuses de donner, ce que la personne dit va vous suivre.

Racontez-nous les meilleurs moments que vous avez vécus grâce à la danse?

Le plus récent, c’est quand je recevais mon diplôme en danse chorégraphique professionnel. C’était en décembre 2020 la sortie de notre promotion. C’est vrai j’aurai voulu que les parents soient là, mais j’étais content parce que celui qui m’a formé était là. Il était là pour voir son produit devenir quelqu’un dans la danse. Il y a certains ainés qui sont venus me soutenir. Notamment ZOPITO que j’ai connu depuis longtemps. C’est lui aussi qui m’a donné le gout de la communication. J’étais vraiment content parce que ce sont des gens qui ont cru en moi et n’ont pas cessé de me conseiller et de me guider. J’ai reçu beaucoup de responsabilité lors de la formation dans cette école, preuve que j’étais sur le bon chemin. Actuellement, les parents ne me disent plus de laisser la danse. Eux même ils ont vu le changement que la danse à opérer dans ma vie. Avant que je ne me lance dans la communication, je ne vivais que de la danse. Aussi, quand je répète avec les enfants, c’est l’un de mes meilleurs moments. Quand je suis avec eux, j’ai une manière de m’amuser, d’être rigolo. Et quand on doit restituer le travail, on le fait dans l’ambiance, la joie et surtout pendant les compétitions. Je ne m’attarderais pas sur les moments où j’ai été lauréat dans des compétitions. La danse c’est un moment de joie pour moi, il faut s’amuser. La joie de se mouvoir sur scène et faire le show.

Vous parlez de la joie de se mouvoir sur scène, on a envie de vous demander, quand vous êtes sur la scène dans quel état d’esprit êtes-vous ?

Moi quand je danse, quand je suis sur scène je m’amuse comme il le faut. C’est vrai je suis en train de danser, mais il faut amener le public ou le spectateur à vouloir être à ta place. Il y a des moments tu es sur scène et quelqu’un quitte la foule, il monte et veut essayer les pas avec toi. C’est parce que tu lui as procuré quelque chose qui dépasse son entendement. Je viens souvent avec des délires. Quand on a commencé avec Clanabelle, elle pensait que je laissais la chorégraphie pour faire des bêtises. Entre-temps, elle a compris qu’en réalité, ce sont des délires qui passent avec. Même pendant les clips, il faut délirer. Il y a la chorégraphie proprement dite mais il faut souvent délirer.

Que pensez-vous de la musique burkinabè de façon générale ?

Je pense qu’ils ont besoin de soutien pour créer. Il y des artistes qui viennent dans la musique, parce que un tel cartonne. Je pense qu’on doit mettre plus de sérieux dans la sélection  des artistes membres du BBDA. Un artiste vient avec sa chanson au BBDA, il faut l’écouter sincèrement et sérieusement. Même si il faut réceptionner par vague, pour prendre le temps de bien les écouter. Il y a des gens, ils ne savent même pas faire un bon refrain, ni un a cappella, ni improviser sa propre chanson.

Formation avec les enfants en danse aux Vacances Artistiques et Decouvertes Culturelles 2020.

Est-ce à dire qu’il y a des artistes qui ne font pas de la bonne musique ?

Ils ne font pas de la bonne musique. Par contre, il y a des artistes qui font de la bonne musique et qui n’ont pas les moyens. Il faut noter aussi que les arrangeurs souffrent, car il y en a qui viennent sans aucune notion en musique. Quand ils sortent un single, cela prend et après ils ont du mal à envoyer un autre titre qui va prendre. C’est parce qu’ils n’ont pas pris le temps, pour bien travailler et acquérir des compétences avant de se lancer. Les artistes ont besoin d’être soutenus, mais ils doivent travailler au maximum d’abord.  C’est la même chose, on ne se lève pas un matin et dire qu’on est danseur. Je connais un grand frère, Zongo Sibidi Ablassé dit Zamda, qui a pris près de 10 ans pour sortir un album. Quand on écoute, il y a tout dedans. Il faisait ses répétitions en acoustique. Il ne faisait jamais de prestation en Play back. Il a fait des tournées dans pas mal de pays avec cet album. Et deux ans après la sortie de son album, il est rentré en résidence pour la sortie d’un autre album, qui doit sortir maintenant. C’est-à-dire que pendant une période de création, même si c’est un seul titre tu veux faire sortir, il faut prendre le temps le travailler et faire sortir. Sinon je pense que la musique burkinabè se porte bien surtout avec la nouvelle génération. Ce sont les mélomanes qui font l’artiste, qui jugent ce qui leur plait. Je ne dis pas que remplir une salle de spectacle, c’est prouver qu’on est un grand artiste. Mais, quand tu le fais et que tu vois les gens chanter avec toi. Amzy l’a fait, Kayawoto aussi. Quand ils annoncent leurs concerts, les gens prient Dieu pour que l’entrée soit à 1000f, afin que tout le monde puisse y aller. Il ne faut pas être des artistes sur Facebook seulement, il faut aller sur le terrain et conquérir les fans.

Avec quel artiste vous vous sentez le mieux sur scène.

Je n’ai pas d’artiste préféré. Je soutiens tout le monde. Ceux avec qui j’ai eu à travailler la collaboration était bien. C’est pas parce qu’on a été en palabre qu’on ne va pas travailler ensemble. Ce qui ne m’a pas plus  avec Clanabelle, j’ai travaillé avec elle de 2015 à 2019. Elle voulait faire son clip en 2020 et a demandé à ce que tout le monde soit auditionné, même ses danseurs titulaires. Je trouvais qu’il y avait un manque de reconnaissance à quelque part, parce qu’on a participé à faire la promotion de ses clips. C’est vrai j’ai du respect pour elle et je n’étais pas son danseur titulaire. Mais je pense que pour des gens qui ont travaillé avec toi pendant des années, demander de revenir faire une audition encore pour participer à ton clip, c’est ingrat de sa part. Si elle voulait se séparer de nous, fallait qu’elle le dise tout simplement sans rancune. Si on n’était pas compétent, on n’allait pas prendre part à sa promotion. Mais je n’ai pas pris en mal.

Mais il y a au moins un avec qui tu te sens bien sur scène ?

Avec Clanabelle je me sentais bien sur scène. Parce que même en concert, si elle improvise, on s’avait comment s’y prendre. On travaillait permanemment. Souvent quand elle a des prestations et que le cachet n’est pas trop pour payer les danseurs, on décidait de venir l’accompagner. On était bien sur scène les gens nous félicitaient et on faisait de grande scène. Il n’y avait pas de pression, on était bien à l’aise. Dommage que l’artiste a un moment laissé. Je pense que si on continuait, actuellement elle allait peut-être être au sommet de son art.

Vous avez une idée des raisons pour lesquelles elle s’est éclipsée ?

Je ne sais  pas trop pourquoi. Même pour son dernier clip, la dernière fois que j’ai répété avec elle, on devait aller faire une émission. J’ai écouté les sons et ils étaient bien. Mais elle s’était déjà éclipser. Le clip est sorti mais personnellement, je n’ai pas encore vu sur les chaines de télévision. Il ne suffit pas de faire un clip et déposer. Il faut cartonner et faire des promos.

Un dernier mot ?

Je dis merci à votre organe de presse. Les gens s’intéressent rarement aux métiers de danseur. Je pense que c’est la troisième personne qui me fait une interview entre 2019 et 2021. Qui me donne l’opportunité de m’expliquer et de m’exprimer. Aussi, je remercie Zakaria Sawadogo qui m’a formé, continue de me guider et de m’encourager. Merci à Jean Mari Nabi qui n’a pas cessé de m’accompagner, donner le goût de la communication. Aujourd’hui j’ai créé Faso Talent, une page facebook que je gère. Aussi, merci à Ahmed Soura qui est à Berlin et qui va rentrer bientôt. Il nous offre souvent des opportunités. Merci à mes parents, ma famille qui me comprennent maintenant. Je lance un appel aux mélomanes, à s’intéresser aux métiers d’art burkinabè, de valoriser tout ce qui vient de chez nous. Notre musique, notre danse, cinéma, théâtre conte, parce que, c’est ainsi qu’on pourra s’affirmer à l’extérieur.

Yenntéma Priscille

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