“L’Art au service de la cité”
La 9ème édition du festival de musique Afro Beat est prévue se tenir du 24 au 28 mars 2021. Jean Marie NABI, plus connu sous le nom de ZOPITO, est le directeur de ce festival. Il nous livre donc plus de détails de l’évènement dans cet entretien. Nous l’avons rencontré le 16 mars 2021 dans les locaux de son agence de communication, Challenge Communication.
Présentez-nous le festival Afro Beat
C’est l’une des manifestations culturelles qui occupe une place de choix dans l’agenda culturel du Burkina Faso. Ça fait déjà 9 ans que ce festival existe. L’afro beat est un genre musical qui a été créé par Fela Kuti. Il est l’un des dignes fils du continent qui a œuvré à ce que les droits de l’homme soient respectés au Nigeria, mais aussi en Afrique. C’est également l’un des ambassadeurs de la libération du continent. Ainsi, vous imaginez le combat qu’il y a derrière le festival de musique Afro Beat. Aujourd’hui, on peut dire que c’est une institution, car il y a des milliers de personnes qui participent et des centaines de personnes qui d’une part ou d’une autre, bénéficient des retombées. En commençant par les riverains, les artistes, les managers et tous ceux qui œuvrent dans le divertissement dans son ensemble. C’est une manifestation culturelle d’une envergure au BF.
Pourquoi avez-vous initié ce festival ?
Quand on veut apporter sa contribution en tant que citoyen, il faut trouver la bonne formule et surtout la bonne stratégie. Au-delà de l’aspect festif, c’est une inspiration à la hauteur de la volonté de Fela Kuti, de Thomas Sankara, de Lumumba et de tous ces grands hommes qui ont marqué le continent africain à travers leurs contributions. C’est-à-dire que nous défendons ces causes et essayons d’apporter du développement par l’aubaine de la musique. Donc pour nous, l’afro beat est un moyen de pouvoir jouer notre partition en tant qu’acteur culturel dans le développement du pays. Ce que nous savons faire c’est d’organiser des manifestations culturelles, c’est promouvoir la culture du BF au-delà de notre pays. C’est-à-dire faire en sorte que l’image de notre nation soit perçue de la façon la plus positive à l’international. Aussi, c’est de faire en sorte que notre secteur culturel puisse avoir un volume important dans le développement de la nation.

Quels ont été les moments forts de l’édition passée ?
L’un des moments qui a retenu mon attention et qui a été un moment très fort en émotion, c’était la cérémonie de réception de la rue aménagée. C’est l’innovation majeure de la 8ème édition. Elle consistait à l’aménagement d’une rue de l’’arrondissement 3, à paver le trottoir et à y installer des bacs à ordures et des bacs à fleurs. La rue aménagée est en face de notre site actuel qui est au niveau du monument de la paix à Tampouy et c’est la deuxième rue aménagée avec le soutien de CIMFASO et du maire de la ville de Ouagadougou. En effet, c’était un grand rêve pour nous. Notre ambition était d’arriver à lire de la joie dans les visages des Burkinabè. Ce projet dénommé «l’Art au service de la cité » a eu un impact positif. Il y a eu vraiment une appréhension très différente des évènements culturels au BF. Généralement, dans ce genre d’activité, l’alcool coule à flots et il peut y avoir un certains nombres de dérives. Mais, arriver à faire en sorte qu’au-delà de tous ces aspects, nous puisons réellement apporter une amélioration dans le quotidien des riverains a été le moment le plus crucial de l’année dernière. En outre, on a eu de très belles scènes. Les artistes ont émerveillé le public. Je me souviens du passage de Tiness la Déesse, de Smarty ou de Maria Bissongo, et je suis très fier de voir que cette ouverture que nous avons faite, a permis l’éclosion des talents, renforcer la confiance en soi d’un certains nombres d’artistes.

Quel est l’apport des riverains dans ce festival ?
Ce qui est important pour nous c’est de faire en sorte qu’il y ait une compréhension positive et l’acceptation du secteur culturel. Il y a environ une dizaine d’années, certains parents ne voulaient pas que leurs fils travaillent dans ce secteur. Non seulement en tant qu’artiste ou auxiliaire de la création. Nous donnons tout gratuitement aux riverains, car nous voulons que le véritable message puisse être entendu de la plus belle manière. Mais, on se dit qu’avec le temps cela aura aussi son impact. Puisque à un certain moment donné, eux aussi ils vont s’organiser pour améliorer leurs conditions de vie et peut-être soutenir le festival par la suite.
Quelles sont les principales activités de la 9ème édition ?
Nous commençons à partir du 18 et du 19 de ce mois avec la phase théorique du séminaire de formation en régie générale du spectacle. C’est un renforcement de capacité pour ceux qui sont déjà dans le domaine. Les modules sur le son, la lumière (de scène de cinéma par exemple) et le management d’événements culturels seront développés pendant ces deux jours. A partir du 21, nous allons démarrer la phase pratique. En plus, on aura des prestations artistiques, des concerts et une parade dans les artères de l’arrondissement 3, pour la paix, la fédération et le vivre ensemble. Le thème du festival c’est : Un peuple, une raison, une ambition. La parade s’articulera autour de ce thème et le but est de faire entendre le message. Aussi, il y aura un des séances de dépistage de l’hépatite, la prise de tension, des vaccinations, des consultations médicales. Le président de l’Assemblée Nationale et le Maire de la ville de Ouagadougou seront avec nous. Pamika, Alif Naaba, Floby, ZEDESS, Fadeen, Kayawoto, Toksa, Tanya, Saymone, Wendy, Joey Le Soldat sont les artistes d’honneur cette année.

Qui sont vos principaux collaborateurs
C’est une co-organisation. Chalenge Communication porte le projet avec le Réseau Art et Emergence qui est un réseau d’association et d’acteurs culturels.
Quelles sont les innovations majeures de cette édition ?
Cette année au-delà de l’aménagement des rues, il y a le remblai des rues dégradées de l’ensemble du quartier. Aussi, nous souhaitons toujours avoir le soutien du ministère de l’Energie qui nous a promis des plaques solaires pour électrifier les rues. En plus, on a décidé d’accorder l’exclusivité du plateau aux artistes du Burkina. Pas parce que nous n’avons pas les moyens de faire appel aux artistes étrangers, mais pour être rationnel. Les artistes burkinabè ont toutes les capacités, l’estime et la considération du peuple burkinabè pour mobiliser du monde autour du festival.

La nouvelle génération et l’ancienne génération seront sur la même scène. Pourquoi ?
Nous voulons créer un contraste entre les devanciers qui ont minimum 10 ans de carrières et la génération émergente qui porte l’espoir de la musique pour les 10 et 20 prochaines années. Cette dernière a besoin d’apprendre de l’ancienne génération. On ne peut pas naitre aujourd’hui et marcher du même coup. Nous n’allons pas commettre cette erreur historique de rabaisser les devanciers devant une génération fut-elle talentueuse. Nous respectons tout le talent et le combat que cette nouvelle génération fait pour la musique du Burkina Faso, mais, il faut reconnaitre que les devanciers ont enlevé toutes les épines et tous les pièges qui les ont balayés, pour ouvrir le chemin à la nouvelle génération. Aussi, ce contraste entre les deux générations pour nous c’est une innovation et l’occasion de donner plus de visibilité aux artistes burkinabè sur la scène. Ça permettra également d’apprécier la démarche de tout un chacun.

Quel sera le format des prestations ?
Du 100% live. Pour les formules qui sont assez modérées, on peut les concéder à des rappeurs qui utilisent souvent des DJ.
Les autres arts ont-ils une place dans ce festival ?
Les arts de la rue à travers la parade sont assez promus, car nous nous disons que tous les arts sont frères. Quand vous prenez la musique et la chorégraphie, elles sont indissociables. Il y’a également l’art plastique qui traduit des émotions. D’ailleurs même nous avons des activités d’initiations culturelles avec des élèves qui vont leur permettre de s’imprégner de l’histoire de Tampouy et de Borgo. Pour dire que nous concilions la musique, le tourisme et les Arts de la rue.

Quel est le niveau d’avancement des préparatifs ?
Actuellement, nous sommes 100% prêts. Nous attendons le jour-j. Toutes les installations commencent le 21 mars, tous les prestataires sont passés signer leurs contrats, les autorités vont recevoir les cartons d’invitation à partir de demain. La presse est également mobilisée. En plus, Il y a une grosse campagne qui est lancée et qui nous a été offerte par Canal +. Elle débute demain sur toutes les chaines télés et radios du Burkina.

Le corona virus est toujours présent au Burkina Faso, quelles sont les mesures prises pour garantir la sécurité sanitaire des festivaliers ?
Précédemment, à partir de la 1ère journée nous étions entre 3000 et 4000 festivaliers. De façon crescendo, à partir de la 2ème et 3ème journée le nombre varie entre 5000 et 6000. Les samedis et dimanches on ne pouvait même plus avoir accès au site. Donc dans un contexte sanitaire assez difficile, nous avons pris toutes les dispositions sanitaires nécessaires pour permettre aux gens d’être à l’aise. Nous avons même été reçu par le ministre de l’administration territorial et celui de la santé et du Maire de la ville, au regard de l’importance de l’évènement, sur la question du dispositif à mettre en place, pour empêcher la propagation du covid-19. Pour cela nous avons le médecin chef du district sanitaire de Gounghin, par ailleurs un artiste, qui viendra conduire l’équipe de médecins et une trentaine de volontaires. Ils vont s’en charger entièrement. Les gens en venant devront prévoir des caches nez et accepter suivre les conditions que les médecins vont donner sur place. Les principes sanitaires doivent être respectés.

Quel est le mécanisme de financement du festival ?
Le mécanisme a été le sponsoring avec les partenaires. Pour certains partenaires tels la SODIBO, MOOV AFRICA, CANAL +, CIMFASO, c’est depuis la 1ère édition qu’ils nous accompagnent. Pour l’instant on ne peut pas faire un bilan exhaustif, mais, on est en train d’aller vers la vingtaine de millions. L’exigence budgétaire, fait que les partenaires commencent à revoir les enveloppes. Cette année, ont a été agréablement surpris par ce que nos partenaires nous ont offert.
Le festival ne se tient plus au terrain omnisport de Tampouy mais sur le site aménagé, quelles sont les raisons de cette délocalisation ?
C’est à cause du «Projet pépinière de la commune de Ouagadougou » qui est destiné à aménager les espaces vides de l’arrondissement 5 et 3. Au niveau de l’arrondissement 3, le site sur lequel nous étions a été aménagé et entièrement dédié au sport. Pendant le festival, ça faisait 5 jours d’inactivité sur le terrain et c’est insupportable pour les sportifs aguerris. Donc on a dû trouver un autre site. Aussi, sur le nouveau site nous avons plus d’espace, il est facile à expliquer et est au milieu des concessions.

Quelles sont les perspectives pour la 10ème édition ?
Ça c’est déjà calé. Nous avons une idée d’artistes, car dans la programmation de cette année, il y a des artistes que nous avons volontairement laissés, pour pouvoir célébrer les 10 ans avec eux. Aujourd’hui, quand vous prenez en termes de musique urbaine et de public, il y a Floby, Amzy et Kayawoto. Je parle d’engouement réel des fans. Je ne dis pas que les autres n’ont pas de talent, mais, je parle des fans accros de leurs artistes. Pour l’instant, les trois sont les véritables porte-flambeau. Donc volontaire Amzy a été écarté cette année. On a déjà la structure des 10 ans de l’Afro Beat et une image de ce que nous voulons. En outre, pour le projet « art au service de la cité » nous aimerions aménager notre 3ème Rue à l’occasion des 10 ans. Aussi, les femmes qui sont très excellentes dans le tissage sont assez représentées dans l’arrondissement. Notre vision est de créer un centre, qui va les accueillir ainsi que des jeunes filles déscolarisées. Les jeunes filles pourront se former en tissage et couture et nous nous assureront de l’écoulement des pagnes tissés à travers des partenariats.

Un appel à l’endroit de la population Burkinabè ?
Comme le dit notre thème nous voulons que le Burkina Faso reste uni et qu’on s’inspire de cette belle histoire pleine d’amour partout ailleurs. Je souhaite également que tous les habitants de la ville de Ouagadougou puisse venir découvrir les merveilles du festival du 24 au 28 mars. Donc un appel à la mobilisation générale, citoyenne et responsable, surtout qu’il y ait plus d’oreilles attentives pour nous accorder leurs soutiens.
Priscille Yenntéma