Coup d’essai, coup de maĂźtre pour Apolline
Se lancer dans le documentaire, nâest pas chose Ă©vidente. Dâautant plus que, câest le genre cinĂ©matographique le plus compliquĂ© et fastidieux Ă rĂ©aliser.  Grace Ă son caractĂšre informatif, il vise Ă exprimer les apparences de la rĂ©alitĂ©. La rĂ©alisation dâun film documentaire nĂ©cessite de lâexpĂ©rience et du savoir-faire pour aboutir Ă un chef-dâĆuvre digne de son nom.
La cĂ©lĂšbre rĂ©alisatrice Apolline TRAORE a mĂȘme avouĂ© que, «ce nâest pas son genre cinĂ©matographique de prĂ©dilection». En plus, elle Ă©tait trĂšs nerveuse et trĂšs angoissĂ©e quand elle rĂ©alisait «WITBA». Ce film documentaire qui fait couler beaucoup dâencre et salive depuis hier, samedi 5 mars (jour de lâavant-premiĂšre). AprĂšs un peu de recul et aprĂšs avoir bien dormi et rĂ©flĂ©chi sur ce film, je peux sans complaisance, affirmer que ce fut un coup dâessai parfaitement couronné !
Pour avoir rĂ©alisĂ© les sĂ©ries tĂ©lĂ© telles que : «Mounia et Rama», «Le Testament», surtout «Sous la ClartĂ© de la Lune», qui a Ă©tĂ© montrĂ© en premiĂšre mondiale au Royaume Uni, il nâen demeure pas moins que la rĂ©alisatrice de  «Moi Zaphira!» ou encore «FrontiĂšres» et surtout «Desrances» Ă©tait contusionnĂ©e par une poussĂ©e dâadrĂ©naline au moment de rĂ©aliser «WITBA»

Son anxiĂ©tĂ© dans la salle hier Ă©tait justifiĂ©e. Faire un film documentaire sur lâhistoire de son pays avec en toile de fond, la bravoure des Femmes ; on ne se lĂšve pas de sitĂŽt pour se lancer dans un tel challenge. Surtout que les historiens, les voltaĂŻques et les politologues vous lorgnent.
Apolline TraorĂ© nâa pas voulu tronquer lâhistoire de son pays ou encore lâesquiver. Un vrai film documentaire nâa pas besoin de ça.
La jeune rĂ©alisatrice a tout simplement pris sa camĂ©ra en commençant par nous prĂ©senter les splendides chaussures de basket blanche dâune mignonne Ă©coliĂšre rentrant des classes. Elle sâest assoupie sur les jambes de sa mĂ©mĂ© qui lâa contait lâĂ©popĂ©e des femmes burkinabĂš dans lâĂ©dification de la Nation.

ActualitĂ© oblige ; le mois de mars rĂ©putĂ© ĂȘtre celui de la Femme, Apolline TRAORE a voulu Ă sa maniĂšre, apporter sa contribution. Une contribution dâanthologie !  La femme reprĂ©sente plus ou moins 62,8% de la population burkinabĂš. Son implication dans le bien-ĂȘtre social, culturel et politique est plus que fondamental. Les femmes occupent de plus en plus des postes de responsabilitĂ©, elles sont beaucoup Ă©coutĂ©es. Pour certains ; les femmes gĂšrent mieux les affaires de maniĂšre efficace que les hommes.
Dans ce documentaire, la laurĂ©ate du PRIX du Meilleur FILM Ă AFRICAN TALENTS AWARDS, a prĂ©sentĂ© par images, animations et tĂ©moignages, le rĂŽle hĂ©roĂŻque que les Femmes ont jouĂ© depuis la princesse Amazone Yennenga jusquâà «nos jours». Une sorte de cours dâhistoire, qui au dĂ©part, semblait ĂȘtre connu de tous, mais au fur et Ă mesure que les images se succĂ©daient sous lâĂ©loquence narrative de la voix off, le cinĂ©phile sâobnubilait.
Lâunion de Yennenga Amazone fille d’un grand roi du Dagomba nommĂ© NĂ©dega, Ă un chasseur du nom de RialĂ©, engendra la naissance de OuĂ©draogo. Reconnu comme ancĂȘtre des mossĂ©. OuĂ©draogo s’installa Ă Tenkodogo et fonda le royaume de Tenkodogo, le plus ancien des royaumes mossi. OuĂ©draogo eut deux fils : Zoungrana et Rawa et ainsi de suite… lâhistoire est presque connue de tous. Mais lâAmbassadrice du MusĂ©e National ne sâest pas seulement appesantie sur ce pan de lâhistoire. Elle a surtout admirablement dĂ©montrĂ© que la Femme BurkinabĂš a toujours et toujours Ă©tĂ© au cĆur de la construction de ce pays.
Des figures emblématiques dans les secteurs souvent dévoués aux Hommes, ont été présentées dans ce documentaire avec des témoignages congruents.
La premiĂšre femme politique CĂ©lestine Ouezzin Coulibaly nĂ©e vers 1910, qui a participĂ© activement Ă la lutte pour l’indĂ©pendance de la Haute-Volta, a fait lâobjet dâune attention particuliĂšre. Notamment, Ă travers le tĂ©moignage de sa descendance. Son Ă©poux Daniel Ouezzin Coulibaly  est, avec FĂ©lix HouphouĂ«t-Boigny, un des membres fondateurs du Rassemblement DĂ©mocratique Africain  dans lequel elle a tenu un rĂŽle important.
«WITBA» est un vĂ©ritable cours dâhistoire que chaque burkinabĂš devrait se lâapproprier. Apolline a fait une vĂ©ritable immersion dans lâenvironnement de la femme combative burkinabĂš. Pourtant, nombreux sont ceux qui pensent quâelle est moins prĂ©sente dans les prises de dĂ©cision. La rĂ©alisatrice nous dĂ©montre plutĂŽt le contraire dans ce documentaire. DâAlice Tiendrebeogo Ă la Sous-Lieutenante Honorine Moyenga, pilote au sein de lâarmĂ©e de lâair en passant par Alimata SalembĂ©rĂ©, membre fondatrice du FESPACO ou encore Mariam Lamizana, Juliette Kongo⊠le documentaire est un vadĂ©mĂ©cum riche et teintĂ©e de vives Ă©motions.
Lâintervention Ă la fois nostalgique et Ă©mouvante de Thomas SANKARA mâa personnellement arrachĂ© une larme. Est-ce une larme de joie ou une larme de tristesse ? je ne saurai vous le dire. Son Ă©loquent programme sur lâĂ©mancipation de femme burkinabĂš Ă©tait innovant, mais hĂ©las ! «La vraie Ă©mancipation, câest celle qui responsabilise la femme, qui lâassocie aux activitĂ©s productives, aux diffĂ©rents combats auxquels est confrontĂ© le peuple. La vraie Ă©mancipation de la femme, câest celle qui force le respect et la considĂ©ration de lâhomme. » Dixit le Thomas SANKARA. Son image prĂ©sentĂ©e Ă lâĂ©cran, a brisĂ© instantanĂ©ment le silence dans la salle.
Apolline TRAORE nâa dissimulĂ© aucun moment de lâhistoire. En fonction de chaque pĂ©riode, elle a dĂ©voilĂ© le rĂŽle souverain que la femme a jouĂ©. De façon apolitique ; «WITBA» prĂ©sente lâimplication sans relĂąche de la Femme dans le processus de dĂ©veloppement du pays. Bien quâelle ne soit pas sous les feux des projecteurs, elle joue souvent les premiers rĂŽles.
Premier film documentaire dans la filmographie prestigieuse dâApolline. Un coup dâessai qui fut un coup de maĂźtre. En faisant Ă©galement le choix de parler de la Femme BurkinabĂš dans toute sa dimension, la laurĂ©ate du Grand Prix Buste dâor Paulin Soumanou Vieyra, annihile du mĂȘme coup, tout autre stĂ©rĂ©otype Ă lâendroit de la femme.
Câest par une dose dâespoir et dâespĂ©rance symbolisĂ©e par le visage Ă©bĂšne et juvĂ©nile de cette charmante fille, que ce documentaire sâest achevĂ©. La liste de nos hĂ©roĂŻnes nâest pas exhaustive, raison pour laquelle, la rĂ©alisatrice sâest permis dâafficher quelques-unes Ă la fin de son documentaire, sous la voix lyrique du rappeur SMARTY.
«WITBA» mĂ©rite dâĂȘtre regardĂ© par lâensemble du peuple burkinabĂš surtout sa jeunesse.
LECHATÂ !