La musique au service de la cité
Depuis l’avènement de la triste pandémie de la COVID-19 en mars 2020 au Burkina Faso, c’est le premier festival d’envergure national qui s’organise à Ouagadougou. Au moment où la situation sanitaire était au beau fixe, les festivals recevaient des succès retentissants et devenaient des marques à part entière quand ils sont bien organisés. Dans l’industrie de la musique, où le succès est loin d’être garanti, un festival de musique correctement organisé peut être incroyable pour tous les gens impliqués. C’est le cas de la huitième édition du festival AFROBEAT qui a eu lieu du 16 au 20 septembre 2020 sur le terrain vide du monument de la Paix à Tampouy.
Initié en 2012 par la structure Challenge Communication dirigée par Jean-Marie Nabi Zopito, le festival AFROBEAT est devenu de loin, le festival de musique dans la capitale, le plus populaire organisé par une structure privée. En délocalisant le site au niveau du terrain vide du monument de la Paix, le comité d’organisation aura vu juste. Plus de huit mille (8000) festivaliers par jour avaient investi le site. Selon certains analystes ; après les Nuits Atypique de Koudougou (NAK), viendrait le Festival AFROBEAT en terme de mobilisation pour une structure culturelle privée.
Organiser un tel évènement est loin d’être une simple balade de santé. C’est un véritable parcours de combattant. Il faut s’y prendre tôt et la crédibilité d’un festival s’acquiert au fil des ans et grâce à la communication, au respect des engagements. Mais si vous ne faites pas attention, il peut tourner à la catastrophe. Surtout pour un festival en extérieur, plusieurs inconvénients peuvent subvenir. Notamment ; la météo peut jouer un rôle crucial, peu importe à quel point vous vous êtes préparé. L’équipement peut être compliqué à trouver et à gérer. Vous devez créer une enceinte de barrières et contrôler les entrées pour qu’aucun resquilleur ne s’invite.

Pour cette 8èédition, quelques points et acteurs ont attiré mon attention :
- La logistique
C’est un important lot de matériel qui avait été disposé sur le site. Une dizaine de stands dans une organisation visiblement parfaite, pas de véritables accrocs. L’entreprise SODIBO/BRAKINA était régulièrement au chevet de leurs préoccupations en termes d’approvisionnement des produits. Un dispositif Anti-COVID-19 était installé aux entrées du site. La scène était gigantesque et impressionnante, mais le matériel sonore n’a pas été techniquement renforcé. Quelques coquilles, qui ne permettaient pas de donner une puissance sonore digne d’un tel espace. La régie lumière et la section vidéo resteront l’une des grandes satisfactions.
- La sécurité
Il fallait s’y attendre. C’est-à-dire ; apercevoir un dispositif impressionnant tout le long du site. Cette marée humaine qui investissait le site tous les soirs donnait du fil à retordre aux agents de la CRS. Le moindre mouvement de foule créait une panique sur le site. Au regard de cette psychose qui gangrène le pays, il faut surtout s’attendre à tout. Heureusement que certains acteurs du milieu à l’instar de Madess (Promoteur des Marley d’Or) est parfois monté sur la scène pour rassurer la foule. Car certaines personnes provoquent parfois ces échauffourées à dessein dans le but de saborder l’évènement. Il serait également préférable que l’ensemble du site soit complètement fermé et monétiser l’entrée, afin d’éviter les accidents sur la chaussée.

- La musique au service du développement de la cité
AFROBEAT est désormais un maillon important pour l’arrondissement. A travers ce festival, de nombreux microprojets économiques, infrastructurels et culturels sont développés chaque année. Pour cette édition ; c’est une rue qui a été viabilisée et électrifiée.

- Un parking submergé
L’un des volets très importants de ce festival ! Heureusement que la partie Nord du site est suffisamment spacieuse et peut accueillir un nombre impressionnant d’engins à deux roues y compris les véhicules. Mais, pendant l’affluence, l’accessibilité était pénible voire impossible. Plusieurs portes d’accès devraient être aménagées pour faciliter la fluidité et le contrôle.
- Abdoulaye Sourgou : Personnalité du festival
Résidant à Tampouy et opérateur économique, il a été l’homme providentiel de ce festival. En qualité de mécène impartial et disponible, il a spontanément apporté son soutien financier à la fois : aux artistes, aux spectateurs chanceux et au comité d’organisation à travers l’APIB.

- Une pléthore des MC
Les maîtres de cérémonies défilaient inlassablement sur la scène. Les animateurs des produits et ceux de la soirée, se s’amalgamaient sur scène. Beaucoup de chassés croisés sur le podium, ce qui perturbait parfois le chronogramme des soirées. Il serait préférable que le comité d’organisation s’en tienne à 3 MC tout au long du festival. Un pour la soirée de première partie (18h à 22h) et deux autres en tandem pour la grande soirée live (22h à la clôture). Les animateurs des produits doivent avoir des heures fixes pour leur animation.

- Smarty, le meilleur spectacle du Festival
Il est incontestablement l’artiste qui aura tenu en haleine l’ensemble des festivaliers durant toute sa prestation. Sa prestance, la qualité de son spectacle, l’osmose avec le public et son message sont les facteurs qu’il a parfaitement maîtrisés de bout en bout. Véritable gladiateur sur scène, il contrôle parfaitement son art.

- Tiness : Il faut un début à tout
Justine Zigani dite Tiness aura étonné plus d’un lors de son passage dimanche sur scène. la date du 20 septembre 2020 restera gravé définitivement dans s mémoire. Le festival AFROBEAT lui a donné l’occasion de présenter son tout premier live. Personne ne savait qu’elle allait faire du live en dehors de l’équipe technique. Même le MC de la soirée, Serges Hobama était convaincu à 100% qu’elle ferait du playback ou du Djéisme. Mais la «Mama 5 Etoiles » est apparue sur scène avec son orchestre au grand complet. Une prestation nettement appréciable pour son baptême de feu, grâce à un excellent batteur qui a su harmoniser et guider toute l’équipe y compris l’artiste. Il serait néanmoins important pour elle, qu’elle laisse la partie «Roukaskas» spectaculaire et énergétique à ses danseurs. Peu importe la forme physique qu’un artiste chanteur affiche devant son public, quand il prend de l’âge ; il doit désormais proscrire certains faits et gestes pour préserver sa santé. Plus encore ; pour une femme qui, aujourd’hui est très épanouie avec cinq gosses. Aujourd’hui, pour un moindre geste violent sur scène, l’auteure de «Tayama» peut avoir une entorse ou un claquement sur scène (Ce que nous ne souhaitons pas). «Nous prenons de l’âge ; par conséquent, laissons les jeunes refaire nos gestes à notre place. Nos os ne tiennent plus».

- Honneur à la musique burkinabè
Dez Altino à la place d’Ariel Sheney pour la clôture. Mention spéciale pour le comité d’organisation pour ce plateau artistique et la programmation. Les honneurs ont été exclusivement donnés à nos artistes. Bien que l’idée du festival AFROBEAT soit de faire cette fusion avec les artistes d’ailleurs, mais fort est de constater que le tapis rouge a été déroulé aux locaux. Contrairement dans d’autres festivals, c’est Ariel Sheney qui allait faire l’apothéose. Mais pour AFROBEAT, c’est Dez Altino qui aura eu cet honneur cette année. Choix non seulement judicieux mais également professionnel et payant. Pour un évènement dédié au live, il serait incongru qu’on fasse jouer Ariel Sheney en playback pour la clôture d’un si prestigieux festival. Raison pour laquelle, il s’est exprimé en playback le jour précédant la clôture.

- AFROBEAT doit faire postuler les artistes
L’industrie du spectacle dans le monde l’exige. Si le festival veut rejoindre le cercle très prodigieux des évènements professionnels dans le monde, il doit désormais procéder par appel à candidature des artistes. Chacun devra postuler pour par demande, pour éventuellement être sélectionné. Cela va davantage crédibiliser le festival et définir des cachets substantiels aux artistes. Un choix sera néanmoins réservé au comité d’organisation pour les très grosses pointures. Par ailleurs ; ce festival doit également entrer au panthéon des évènements qui bénéficient du soutien du gouvernement, à l’instar des autres évènements privés qui en ont déjà.

- Mes coups de cœur
Natou, pour sa touche identitaire moaga
Ismo Vitalo, pour sa constance et sa justesse
Smarty pour son professionnalisme et son expérience
Mariah Bissongo, pour son talent irréprochable
Freeman pour son message
Tiness pour la surprise
Dez Altino pour son organisation et sa fidélité
Yungkrate pour l’avenir

Je l’ai toujours dit : Généralement, lorsque vous créez un festival à partir de rien, il vous faudra environ cinq ans pour que les gens prennent vraiment conscience de la chose. Des artistes aux commanditaires en passant par les clients et les pouvoirs publics vous poursuivront. AFROBEAT est la parfaite illustration.
Hervé David HONLA!