Les maîtres du fer et du feu, garants d’une tradition
Le 25 juin dernier, le Ministre de la Culture des Arts et du Tourisme a fait une visite sur les vestiges du site de métallurgie de Kindibo qui avaient été inscrits parmi les quatre autres sites sur la liste du Patrimoine mondial de l’UNESCO. Comment fondamentalement ce site fonctionne et comment peut-on le visiter tout en conservant son originalité ? Des réflexions sont menées au sein du département avec l’expertise du Docteur Lassina SIMPORE (SG du MCAT) et de nombreux autres archéologues. Votre magasine fait sa petite genèse de ce site.
Ces différents biens culturels et touristiques ont fait l’objet d’un tollé médiatique en juillet 2019 au Burkina Faso. Situés dans les différentes provinces du pays, ils comprennent une quinzaine de fourneaux debout à tirage naturel, des mines et des traces d’habitations datant au VIIIe siècle avant Jésus Christ. Le site de Tiwêga , de Yamané, de Kindibo, de Békuy et de Douroula sont les cinq sites inscrits sur la liste du patrimoine mondial de l’UNESCO. Le site de Douroula est le plus ancien du développement de la production de fer. Bien que l’obtention du fer à partir du minerai ne soit plus pratiquée de nos jours, les forgerons des villages jouent encore un rôle primordial en fournissant des outils et en prenant part à de nombreux rituels. Ces sites de métallurgie ancienne du fer ont laissés aux communautés, un riche héritage culturel et scientifique. Car Douroula à lui tout seul, est aujourd’hui considéré comme la première technologie de production du fer en Afrique extraite vers 500 avant notre ère.
C’est la raison pour laquelle, il est important de valoriser ce patrimoine du fer tout en développant des activités culturelles et touristiques autour de ces sites. Ces activités se sont donc inscrites dans la vision globale des politiques culturelles du Ministère de la Culture des Arts et du Tourisme (MCAT), découlant bien évidement, du Plan Stratégique de Développement du Patrimoine Culturel (PSDPC) du Burkina Faso adopté en 2018. Il prendra en compte trois axes stratégiques que sont : la «Consolidation de la Gouvernance du Patrimoine Culturel », la «Conservation et la Sauvegarde du Patrimoine Culturel» et, « l’Education et la Formation au Patrimoine Culturel».

Des multiples réunions, sur la conservation, la valorisation et la gestion des sites de la métallurgie ancienne du fer se sont tenues tout au long des années antérieures et postérieures de leurs inscriptions sur la liste du Patrimoine mondial. Elles ont permis de formuler une vision commune pour la mise en œuvre de ce plan qui est déjà en vigueur depuis 2018 et ce, jusqu’en 2022.
En faisant donc une descente laborieuse sur l’un des sites, notamment celui de Kindibo, le Ministre Abdoul Karim SANGO a voulu joindre l’utile à l’agréable. En compagnie des responsables coutumiers et administratifs de la localité et surtout des techniciens de la Culture et du Tourisme y compris ; d’éminents archéologues à l’instar du Docteur Lassina SIMPORE, ils ont visité les différents airs de cuissons e la céramique, les sites d’extraction du minerai de fer et les fourneaux proprement dits. L’Objectif fondamental est de voir concrètement comment peut-on viabiliser ce site afin qu’il soit le plus attractif possible. Le Docteur Lassina SIMPORE a évoqué la construction des galeries pour faciliter les visites et surtout, déployer une communication digne sur ce site.

Situé dans la commune rurale de rurale de Tougo à 20 km à l’Est de Gourcy (chef-lieu de la province du Zondoma), le site de réduction du minerai de fer de Kindibo comprend trois fourneaux debout (boosé), des bases de fourneaux, des mines d’extraction de minerai de fer repérables par les nombreux puits d’accès. Heureusement ; à ce jour, tous les fourneaux sont en assez bon état de conservation.
De façon descriptive ; les trois fourneaux ont une forme tronconique, deux sont oblongs (hauteurs respectives de 2,10 et 2,30 m), le troisième est de forme trapue (hauteur 1,85 m seulement). Leur diamètre est de 1,10 m pour les deux premiers et 1,50 m pour le troisième. À la base des fourneaux, on compte 5 larges ouvertures. On situe la période de construction de ces fourneaux entre le 10e et le 11e siècle après J.C par des populations prédagomba c’est à dire antérieures aux Moosé. Des fourneaux moosé, datés après le 15e siècle, il n’en reste que des bases dont les plus hautes ont à peine 30cm. Le diamètre est par contre plus large (1,50m).

Concrètement ; d’où viennent les premiers métallurgistes ? Selon Jean-Baptiste Kiéthéga, Professeur titulaire d’archéologie à la retraite ; il affirme que les premiers métallurgistes se seraient établis au début de l’expansion Dogon dans la région aux Xè-XIè- siècles et auraient été remplacés par les forgerons moosé de patronyme Kindo, venus de la région de Ouagadougou. Aujourd’hui, ces forgerons Kindo vivent autour du site. A propos juste de l’histoire des Kindo, Jean-Baptiste Kiéthéga assure ceci : «L’histoire des forgerons Kindo est significative du fort attrait qu’exerçait la métallurgie du fer au Yatenga. A l’origine, ils étaient esclaves de Peuls vivant dans la région de Bandiagara, en pays Dogon du Mali, dans un village appelé Karkinta. Le patronyme Kindo viendrait du nom de ce village et cela peut être expliqué sur le plan linguistique. Ayant pris conscience de leur habileté dans le travail du fer, ils se révoltèrent contre leurs maîtres et s’enfuirent au Yatenga où les chefs refusèrent de les accueillir à cause de l’exemple qu’ils pourraient donner. Les Kindo allèrent donc s’installer à Manega dans le Sanmatenga. Là, fiers de leurs origines, ils se présentaient sous l’appellation “Karkinta remba somètoré” ce qui peut se traduire par “gens indépendants de Karkinta”. Cependant à Manéga, certains d’entre eux abandonnèrent le travail du fer qui leur rappelait trop leur ancienne condition servile et adoptèrent le patronyme Ouédraogo des Nakomsé. D’autres reprirent le chemin de la migration et on en retrouva à Réo dans le Sanguié où ils conservent le patronyme Kindo. D’autres encore repartirent au Yatenga à l’avènement de Naaba Kango au milieu du XVlIIe siècle ».
Une histoire et des vestiges qui ne doivent pas disparaître ; encore moins échapper à la descendance. Ces sites de métallurgie ancienne de fer du Burkina Faso sont directement associés à des traditions vivantes portées par des groupes socioculturels issus des forgerons. Par conséquent ; ces traditions s’expriment de nos jours par des valeurs symboliques liées à la technologie du fer.
Ils sont donc des maîtres du feu et du fer qui ne cessent de perpétuer des rites et des pratiques sociales ancestrales qui leurs confèrent un rôle important au sein de l’ensemble du pays.
Hervé David HONLA