Une concurrence déloyale?
Dans la quasi-totalité des pays en Afrique, la filière cinéma est à repenser dans sa globalité en appréhendant le cinéma en terme industriel à tous les stades : production, distribution, exploitation…
On peut dire sans le moindre risque de se tromper, que le cinéma renaît et surtout le désir de retourner en salle revient. La floraison des bouquets sur nos chaînes de télévision avait fait croire que le cinéma africain allait disparaître. 15 ans après, le constat est clair: Les films que nos chaines nous proposent ne sont plus d’actualités ou encore sont désuètes. Résultat; les cinéphiles ne se retrouvent plus dans les films TV. Seules quelques séries africaines inédites peuvent encore les accrocher devant un poste de téléviseur. Ils recherchent plutôt les nouveautés et surtout des scenarii qui reflètent leur quotidien. Ceux qui peuvent satisfaire leur attente sont les réalisateurs locaux. Grâce au numérique, les films africains, peu importe la qualité, sont immensément sollicités par les cinéphiles. À peine que les médias annoncent la sortie en grande première d’un film, que vous voyez les cinéphiles s’agglutiner devant les deux rares salles officielles qui nous restent dans la capitale.
De plus en plus, les réalisateurs burkinabè pensent «fédération». J’ai eu l’occasion de le constater lorsque j’ai participé à un débat sur le cinéma sur BF1 dans Télé S’amuz. La concurrence n’est plus leur pain quotidien, mais c’est la cohésion, l’unité et la complémentarité d’actions qui les intéressent. Ils sont conscients des difficultés logistiques et financières qui gangrènent leur secteur. Ils savent que 20 ou 50 millions de F CFA ne peuvent pas faire un film. Ils savent que l’Etat Burkinabè a d’autres «Chats» à fouetter, que d’injecter des milliards dans le 7eme Art. C’est la raison pour laquelle, ils utilisent d’autres canaux pour redynamiser le secteur. Notamment la formation. Beaucoup, alors-là; beaucoup de structures se sont lancées dans la formation des différents métiers de cinéma. Une manière de mettre sur le terrain des professionnels du cinéma qui penseront des projets structurants à faibles coûts mais efficaces et attrayants. Car le seul avantage que ce secteur possède, c’est le numérique et les nouvelles technologies.
Ainsi donc; pour la création, partie la plus visible et la plus reconnue symboliquement, le plus important, c’est de créer des réseaux, des structures communes, des lieux de rencontre, dans lesquels les rapports ne se pensent pas en termes d’opposition, mais sous forme de coopération. Les organisations que les jeunes réalisateurs/producteurs ont créées çà et là, œuvrent utilement, mais elles doivent composer avec l’aide et l’assistance du Gouvernement.
Malheureusement ce travail à la chaîne n’est pas véritablement huilé. La formation et la relève se met en place. Les productions gagnent en maturité et en quantité, mais les espace de diffusion laissent à désirer. La logistique et les conditions techniques appropriées des salles sont quasi inexistantes. Pire même; le gouvernement rasent les anciennes salles. L’autre phénomène qui asphyxie l’industrie cinématographique en Afrique, c’est la loi des grandes puissances occidentales qui envahissent le secteur. Elles imposent leurs règles, choisisses leur conditions d’achat et de distribution de films et construisent leurs propres salles. Elles implantent leurs chaînes de TV et leurs salles en fixant leurs tarifs sur le marché.
Il est souhaitable que l’état fixe une réglementation en matière d’exploitation et diffusion des films en Afrique au risque de voir nos professionnels de cinéma se retrouver dans une concurrence déloyale et dans un marché perdu à l’avance. Pourtant, nos cinéastes sont en train de juguler les problèmes de compétences, de réacquisition de savoir-faire et de formation. Pour les scénaristes, les techniciens, mais aussi les producteurs, les distributeurs et les exploitants, dont les compétences techniques, commerciales et de programmation, ne sont plus à démontrer sur le plan international, seuls les efforts considérables de l’Etat peuvent repositionner notre cinéma. La construction des salles de cinéma dignes de ce nom et une règlementation fiable et adaptée des modes de diffusion et d’exploitation. Ceci pour éviter des propositions de films trop longtemps décalées de la demande du public, des projecteurs non entretenus engendrant des pannes fréquentes ou une projection de mauvaise qualité : il n’en faut guère plus pour faire disparaître une salle.
Après l’explosion numérique qui a touché les tournages de films, leur exploitation sous ce format (nonobstant le problème des coûts d’installation et de maintenance) pourrait favoriser la diffusion des œuvres par sa souplesse et sa qualité. C’est une aubaine pour l’industrie du cinéma. Pour la réalisation, toutes les collaborations individuelles sont utiles, mais pour pouvoir passer à une phase supérieure les pouvoirs publics ont un rôle majeur à tenir, notamment contre le piratage et l’encadrement de l’économie informelle. En évaluant le manque à gagner, je constate que le taux de déperdition est colossal à tous les niveaux hiérarchiques. À commencer par les sommets de l’État et des administrations ensuite vers les cinéphiles en passant par les réalisateurs, producteurs et les acteurs/comédiens.
Dommage, tout gravite autour du financement. J’avoue que l’attributaire final légitime qu’est l’Etat, se trouve trop souvent dépossédé des moyens financiers pourtant initialement mobilisés, mais insuffisants. Il est impératif à mon avis de trouver des modèles et des pistes d’alimentation en soutiens financiers. Car les professionnels du secteur sont en train d’être bien outillés.
LECHAT!