Un album en fin d’année
Justine Zigani dite Tiness a surtout longuement évolué dans la danse avant d’être aperçu aux côtés de la regrettée Jeanne Bicaba comme danseuse professionnelle. C’est à l’âge de 16 ans qu’elle a commencé à enchaîner des succès dans la danse. Avant d’entrer dans le cercle très restreint des stars du Burkina Faso, cette femme de cinq enfants donc un jumeau et un triplé, est à juste titre, la Reine du «Coupé-décalé» au Faso. Auteure de plusieurs tubes à succès dont «Titiana », «Dans la joie » ou encore «Sarba-sarba », OXYGENEMAG est allée à sa rencontre le 31 mai 2020 pour une interview exclusive. Elle revient sur son parcours, sa vie de couple, ses enfants et surtout la nouvelle trouvaille des filles artistes sur le Net.
Depuis ton accouchement qui a fait couler beaucoup d’encre et de salive, il y a exactement deux ans, Comment tu te portes ?
Je me porte à merveille !
Tu résides aujourd’hui à Ouaga 2000, ça veut tout dire…
(Rires)… ça veut tout dire…Ah bon ? (Rire)
Comment vont tes enfants ?
Ils vont très bien. Les triplés et les jumeaux et je rends grâce à Dieu. Les triplés vont avoir deux ans demain (2 juin). Le garçon s’appelle Abdoul Wahab, Farida Ikma et Fahima Ikma.

Tu as cinq enfants, tu es à fond dans le showbiz, la musique et ta vie de foyer. Comment tu arrives à concilier tout ça ?
C’est avec fierté et beaucoup de courage que j’arrive à gérer ma famille. J’aime ma musique et j’adore aussi ma famille. L’un dans l’autre, je m’en sors sans aucune difficulté. J’ai aussi le soutien de ma famille car elle aime ce que je fais. Ça me donne le courage et la force de pouvoir manager tout ça.
Avouons tout de même que ton parcours n’a pas été aussi aisé que ça ; On sait que quand tu étais très jeune, tu avais un caractère chaud, de bagarreuse et tu affrontais même les garçons.
(Eclats de rires)…S’il te plaît Hervé…pardon s’il te plait…(Rires)
Raconte-nous cette petite enfance de toi où tu étais combative
A l’époque, c’était la loi du plus fort. Mes grands-frères étaient déjà âgés car je suis la benjamine de ma mère. Mes frères n’étaient pas là et j’étais toute seule. Il fallait que je me défende en jouant à la guerrière à l’école pour pouvoir m’en sortir.

Mais, artistiquement tout aurait commencé par la danse, bien avant la musique.
J’ai commencé la danse quand j’avais 15 ans. J’appartenais dans un groupe de danse contemporaine et traditionnelle munie de percussions. Lors de nos prestations et tournées, les artistes chanteurs et chanteuses nous faisaient appel pour les accompagner dans leurs spectacles. C’est dans notre compagnie qu’ils venaient nous remettre leur tube. Dès qu’on participe dans leur clip, on revenait jouer dans notre compagnie. J’ai dansé beaucoup avec les artistes. Je peux citer entre autres : Bil Aka Kora, Kouanda Seydou, Zaksoba, Jeanne Bicaba…Bref ; j’ai passé plus d’une décennie dans la danse avant de me lancer dans la musique.
Subitement tu as basculé dans la musique. Comment cette transition s’est déroulée ?
Ça n’a pas été soudain. Nous avons fait beaucoup de tournées avec notre compagnie en Afrique, en Europe et en Martinique. J’ai aimé ces deux secteurs ; musique et danse. J’ai donc voulu plus tard essayer de me lancer dans la musique. Tout en sachant qu’entre la danse et la musique, il n’y a qu’un pas à franchir. Puis, je l’avoue, le mouvement a pris. Mon premier single : «Dieu dispose» est sortie en 2006 avec l’avènement du «coupé-décalé » qui battait son plein à cette époque. J’ai même d’ailleurs fait mon premier featuring avec DJ Jeff le Massa et Yves De Bimboula a été mon premier arrangeur.

Quand on dit de toi que tu es la reine du «Coupé-décalé» au Burkina Faso, qu’est-ce que tu réponds ?
Je l’affirme haut et fort et avec fierté ! Je suis fière de moi car j’ai encouragé beaucoup de fille à briser cette timidité, cette peur pour se lancer dans la musique.
Il n’y avait pas assez de scènes à cette période. Comment tu arrivais à t’en sortir ?
Ça dépendait des périodes car en 2006, je gagnais certes de l’argent mais ce n’était pas comme aujourd’hui. Je venais de commencer la musique et beaucoup de gens me prenaient dans leur spectacle uniquement pour faire ma promo. Aujourd’hui, personne n’ose prendre son téléphone pour me convier à son spectacle gratuitement ! J’ai trop joué cadeau ! Maintenant on sait que la «petite» a grandi ! Lahii…lahii, maintenant je parle de gombo. Je n’ai plus besoin de me faire connaître. J’avais déjà des fans avant que je commence à chanter. Parmi les danseuses du Burkina, j’étais une qui était aussi beaucoup aimée. Quand je me suis lancée dans la musique, ils m’ont suivi et encouragé.
Quel est le titre qui t’a vraiment lancé dans la musique ?
C’est «Titina » le featuring avec Serge Benaud qui m’a vraiment lancé dans le showbiz. J’ai beaucoup tournée, j’ai fait de grandes scènes. Quand un promoteur organisait un évènement, si tu n’appelles pas Tiness, c’est que ton évènement pendra un coup.

Ton plus beau spectacle ?
Il y a tellement ! Car quand je suis sur scène, je me donne à fond. Je n’ai pas de petites scènes ni de grandes scènes. Toutes les scènes se valent. Quand il s’agit de respecter un spectacle, je le fais bien car j’adore mon travail. Mais ce qui m’a marqué et que je n’oublierai jamais, c’est le jour où j’ai été la première artiste féminin à recevoir le KUNDE du meilleur featuring. J’ai été surprise d’abord quand on m’avait dit que j’étais nominé. Il y a des gens qui étaient dans la musique qui n’ont jamais eu de Kundé et moi je suis nominée ? C’était déjà une fierté personnelle. Quand on me l’a donné, grande fut ma joie.
Quel a été ton plus gros cachet à ce jour ?
(Rires…) oooh Hervé… il ne faut pas casser le «pacpo» (NDLR : même le cadreur a marmotté après la question). Mais j’ai fait des tournées où j’ai reçu des cachets de 3 millions, 4 millions F CFA etc.
Peut-on dire que la musique t’a permis de réaliser certains de tes rêves ?
Bien sûr et je ne cesse de remercier ceux qui ont contribué et qui continuent toujours à m’encourager.
Tu continues à bourlinguer partout dans les provinces du Burkina dans ce «coupé-décalé » et «roukakass » avec tes danses acrobatiques. Qu’est ce qui te permet d’être aussi résistante pour une femme qui possède des enfants ?
Nous sommes souvent certes fatigués, on dort dans la voiture. Mais vouloir c’est pouvoir. Je salue au passage mes danseurs se sont des braves garçons…je fais un coucou à Fadi, Automatic et bienvenu au nouveau danseur du groupe.
…Ton équipe de danseurs est donc toujours à tes côtés ?
Oui, mais Fadi n’est pas là. Il est au Mali actuellement. J’évolue avec trois danseurs et je possède un staff coiffé par mon manager qui est Steve Casanova.
Parlons de Mariage et showbiz. Il ressort que les artistes féminins qui se marient perdent leur audience et abandonnent même la musique. Que réponds-tu ?
Ça dépend…je ne sais pas quel est le degré d’amour qu’il porte à leur travail ? Chacun a sa manière de vivre sa vie de couple. En ce qui me concerne, j’adore ce que je fais, Dieu m’a fait la grâce et il m’a donné la chance aussi d’avoir homme merveilleux qui aime ce que je fais. Il m’encourage aussi beaucoup dans ce que j’entreprends dans mon métier d’artiste chanteuse. C’est déjà un grand atout ! Ce n’est pas facile, je comprends certaines femmes. Même en dehors de la musique ; il y a des hommes, quand tu intègres le foyer, ils te privent de certains métiers et passions. Mais je pense qu’il faut dialoguer, en parler, se comprendre avant et pendant la vie de couple.
En ce qui te concerne, Est-ce que tu arrives à honorer des spectacles dans la nuit ou hors de Ouagadougou pour deux ou trois jours ?
Bien sûr ! Même plus ça, j’y vais souvent pour un mois…C’est une question de confiance et de complicité avec son conjoint. Il faut parvenir à installer un climat de camaraderie, de confiance et d’amour. Il faut arriver à lui prouver que tu aimes ce que tu fais et c’est uniquement pour le travail. Il faut montrer à ton homme que tu ne prends pas ton travail comme un prétexte pour faire autre chose.

Il y’a une nouvelle communication que les artistes féminins présentent sur la toile : la nudité, pour davantage booster leur œuvre. Quelle appréciation fais-tu de ça ?
(Rires…) Tout ce que tu fais aujourd’hui pourra te rattraper demain tôt ou tard. Si tu fais du bien, tu le récolteras et si c’est du mal ; idem. Chacun possède une éducation propre à lui. Mais je pense qu’il ne faut pas que nous vilipendons l’image de la femme africaine. Il ne faut pas aussi que nous allons bafouer la bonne éducation que nos parents nous ont donnée. Il y a des choses qu’il ne faut pas faire. Moi, je ne peux pas m’habiller comme Beyoncé ou exhiber toute la nudité. Elles ; c’est leur culture américaine, elles sont nées comme ça, mais ici ; je ne crois pas que ça peut marcher. Certes, les gens vont admirer parce que ça les fait plaisir, mais est-ce qu’ils vont aimer vos œuvres ? Je n’en veux à personne…
D’aucuns disent que c’est une forme de buzz, pour attirer les mélomanes vers leur musique.
Pour faire un bon buzz, on n’a pas besoin de se mettre nu et d’exhiber son corps. Surtout nous les femmes, car les hommes n’ont pas de problèmes : Nous devons être des exemples pour nos enfants. Il y a des enfants qui nous suivent, nous regardent et nous aiment. Si toi, la femme, tu ne donnes pas une bonne image, quelles appréciations les jeunes feront de toi ? Surtout que diront tes enfants demain ? Car il y a des images qui reviendront sur les médias. Quand tu voudras prodiguer des conseils aux jeunes filles ou à tes enfants, ils te parleront de ton passé. C’est la raison pour laquelle, il y a certains comportements que je refuse de faire. Car c’est mon éducation, je veux rester simple comme je suis et il y a ma mère qui vit toujours donc il est impossible que je salisse son image et celle de ceux qui m’entourent. Je dois être toujours fière de moi. J’ai mes jumeaux qui sont grands. Ils ont leurs amis et le fait que je sois leur mère, ils m’adorent d’emblée. Ils sont mes premiers fans. Ils vont avoir 16 ans bientôt…C’est eux-mêmes qui me proposent avec qui, je dois faire des featuring. Donc, de prime à bord, je dois être un exemple pour mes enfants d’abord. J’entretiens un dialogue franc avec eux. Bien que je sois une artiste, je leur dis ce que je peux faire et ce que je ne dois pas faire. Si je leur dis par exemple de ne faire ceci ou cela, alors que je le fais, vous connaissez le langage franc des enfants de maintenant. Ils vont me rappeler certains faits et gestes que j’avais par e passé.
Revenons sur les tendances musicales qui font beaucoup de brassages de nos jours. Qu’est-ce que Tiness prévoit faire très prochainement ?
Je suis la tendance hein ! Aujourd’hui, la musique est universelle. Il y a beaucoup de gens qui se sont inspirés du «Coupé-Décalé», je prends l’exemple du Nigéria qui, aujourd’hui, a permis à la musique nigériane d’éclore sur le plan mondial. Ne négligeons pas le «Coupé-décalé », cette musique vient d’à côté en Côte d’Ivoire. Le reggae est né où ? En Jamaïque qui est loin, il n’y a pas de critiques. Mais ils dénigrent le «coupé-décalé » qui est proche d’eux. Ça me chagrine un peu ! Je ne vois pas de musique qui a quitté le Burkina. Si ne n’est le Warba, ou le Djeka…

Tu viens d’une belle région qui fait de la belle musique, le «pays Bissa». Mais pourquoi tu ne valorises pas les rythmes de chez toi ? Pourtant, tu avais repris une belle chanson «Dakoupa » qui malheureusement n’a pas connu du succès.
Quand tu regardes ce que je fais, je mélange toujours mes styles. J’essaye de faire un «Coupé-décalé » de fusion. Si tu écoutes mon tube «Sarba-sarba», c’est une musique urbaine. Ce n’est pas du «Coupé-décalé» pur, tout comme «Dans la joie». Je ne souhaite pas qu’on me colle une image d’artiste typiquement burkinabè qui valorise uniquement les rythmes du terroir. Je suis une artiste urbaine qui fait des fusions.
Tu mènes une vie de bourgeoise ; ce que toutes les femmes rêvent. Tout semble te réussir. On ne te voit pas très présente dans les sorties d’opus. Avec le Corona Virus, ne vas-tu pas profiter tourner la page à la musique ?
(Rires aux éclats…) tu me jettes trop les fleurs Hervé !

Mais non ! Admets que tout te réussit…tu frôles le milliard, si ce n’est déjà le cas.
En tout cas, je suis une milliardaire ! Je suis la femme la plus chanceuse au Burkina ! Je le proclame et je le dis haut et fort ! Parce que j’ai des milliards, mon argent ne peut jamais finir…Mon bonheur ne peut jamais finir ! Vous savez pourquoi ? J’ai cinq enfants ! C’est une bénédiction d’abord ! Donc Hervé David HONLA, même si tu dis que je suis la femme la plus comblée du Burkina, je dis oui ! Car demain, on ne sait pas ce que la vie nous réserve. Donc : j’accepte je suis milliardaire ! (rires).
Le retour sur la scène, c’est pour quand ?
C’est pour très bientôt ! Je ne suis pas dans la musique pour rire avec les gens ! Non-non ! Je ne suis pas dans la musique pour faire de l’hypocrisie avec quelqu’un ! Non…non ! Je suis là pour faire mon travail et bien le faire !
Tu mets beaucoup de moyens dans tes œuvres. Qu’est-ce que tu nous prépare ?
Je suis à cheval entre a Côte d’Ivoire et le Burkina. Pour le moment, je suis au Burkina à cause de la quarantaine. Néanmoins, je suis en featuring avec deux artistes non des moindres : le Baba de la musique burkinabè Floby et Imilo Lechanceux. Je regarde autre chose mais je dois boucler mon album d’ici la fin de cette année. Je suis en train de voir entre 12 ou 14 titres. Tout compte fait, je vais frapper fort !
On n’a pas trop entendu Tiness se prononcer sur cette pandémie qui menace la planète. Artistiquement parlant, comme tu gères cette crise sanitaire ?
Le Covid-19 a touché tout le monde et je ne pourrais pas dire le contraire. Nous les artistes, nous vivons au jour le jour. Ce n’est pas du tout facile pour les artistes burkinabè. Déjà, je souhaite beaucoup de courage à mes collègues en cette situation de pandémie associée au couvre-feu. Prenons notre mal en patience. Je souhaite que l’on soit solidaire en se donnant la main. Car au-delà de cette pandémie, notre pays traverse des moments de crise sécuritaire grave. Je voudrais que cette solidarité se manifeste à tous les niveaux.
Hervé David HONLA