Lovylia (artiste musicienne burkinabè) : «Il y a trop de laxisme dans le showbiz burkinabè».
Entretiens Ladies Tapis Rouge

Lovylia (artiste musicienne burkinabè) : «Il y a trop de laxisme dans le showbiz burkinabè».

Enseignante, hôtelière, directrice d’entreprise et musicienne

Très remarquée dans ses sorties en public, l’artiste Koidima Alimatou Djeneba dite Lovylia est assez difficile à cerner dans le milieu musical. A la fois présente et discrète dans le showbiz, cette fille de griot et de pratiquants d’arts martiaux passe pour être, la digne héritière du patrimoine musical de Pama dans l’Est du Burkina.

Technicienne en hôtellerie, enseignante et surtout artiste musicienne, elle nous a accordé le 23 mai 2020, un entretien vérité sur son parcours tout en donnant son regard qu’elle porte sur le showbiz burkinabè.  Auteure d’un maxi «Univers d’amour » sortie en 2003 et d’un album «God, show me the way» en 2017, elle est en train de boucler son prochain album qu’elle annonce riche en folklores. Refusant d’admettre que la musique, est destinée aux aventuriers, elle voudrait redonner à l’industrie musicale son prestige d’antan.

 

Depuis 2002 vous êtes dans la musique, on peut dire, dix-huit ans. D’où vous êtes venue cette passion ?

2002, c’était le mouvement «RAS » avec le groupe Yeleen, on montait sur le même podium, mais on était au lycée Nelson Mandela. Nous étions les «yo’ yo’» (Rires) le hip hop était à la page à cette époque. L’amour de la musique est partie de là et voilà !

J’ai appris que vos parents faisaient les Arts martiaux…

Oui-Oui ils  sont toujours dedans ! Mon grand-frère est maître de Shotokan, ceinture noire troisième dan. Papa également est arrivé à la ceinture noire.

…Et vous vous tombez dans la musique comme un cheveu dans une soupe ?

(Rires…) ma mère est une Konaté…donc ça veut tout dire. C’est une famille de griots…

“J’ai écouté les conseils des aînés, notamment vous-même” Lovylia

15 ans plus tard, on te retrouve dans un autre style, à la sortie de ton dernier album. Un changement radical, on dirait ?

J’ai écouté les conseils des aînés, notamment vous-même. Vous m’avez prodigué beaucoup de conseils et vous m’avez orienté vers le style tradimoderne…donc voilà !

Vous avez opté pour une formation vocale et musicale avant d’affronter les scènes. Pourquoi ce choix ?

Parce que je sentais que ma voix n’était pas encore prête. Même jusqu’à présent, je me forme toujours. Je vous avoue que je suis une artiste difficile et exigeante. Je ne suis pas encore totalement satisfaite de ma voix et je continue à bosser. J’ai suivi des cours à «Magic Production» avec Issa le Doigté magique. Tout comme avec le Papa Abdoulaye Cissé, l’Homme à la guitare. Il m’a donné quelques techniques et nous y sommes toujours.  Je fais également des recherches personnelles sur le net. Je ne suis pas encore totalement satisfaite.

“…En vérité, je ne fréquente pas beaucoup les artistes”

Est-ce qu’il y a des collègues artistes burkinabè avec qui, vous avez partagé certaines expériences ?

Je n’ai pas eu d’affinité avec les artistes. En dehors du Papa Cissé, de la maman Amety Meria, mais pas pendant longtemps. Je devais travailler avec Awa Melone aussi, mais elle était en déplacement. Il y a d’autres artistes comme Santi, Fadouba,…bref ils sont nombreux. En vérité, je ne fréquente pas beaucoup les artistes.

Pourquoi ?

Une fois j’avais essayé et cela a failli me causer des problèmes.  Nous n’avons pas les mêmes manières de penser. Il y a ceux qui sont naturellement jaloux uniquement pour te vilipender et salir ton nom et ton image. Pourtant, tu te bâts pour eux. Ça m’a tellement choqué, si bien que, j’ai décidé de prendre mes distances.  Sinon, j’aide les artistes, je finance la réalisation des clips et des tubes pour eux et bien d’autres choses. Mais l’amitié durable-là, je fais très attention.

Donc au-delà de ta passion pour la musique, tu as également de l’argent pour gérer tes affaires…

(Rires…aux éclats)…je ne me débrouille pas mal en tout cas !

“…je ne me débrouille pas mal en tout cas !”

Ce que beaucoup ne savent pas ; vous êtes employée à la fonction publique précisément au MENA (Ministère de l’Enseignement national et de l’Alphabétisation). Comment arrivez-vous à joindre les deux bouts ?

Au début, quand j’étais en classe dans les années 2013 à Sabou, il y a beaucoup de collègues qui ne comprenaient pas. J’avais reçu beaucoup de critiques du genre ; que je délaisse les élèves. Je prenais donc les Samedis pour rentrer à Ouagadougou pour me former. Maintenant comme le MENA depuis longtemps, a inclus la pratique du sport, la culture, les arts ; on profite pour renforcer nos capacités. Nous l’exploitons également pour sensibiliser les parents et les enseignants, de ne pas minimiser le sport et la culture à l’école primaire. En plus de mes grandes écoles de formations en Hôtellerie, j’ai basculé dans l’enseignement et me voici en train de faire une interview avec vous en tant qu’artiste.

Qu’est-ce que vous pensez concrètement de l’enseignement des arts et de la culture dans les écoles ?

C’est déjà intégré dans le programme scolaire, mais les heures ne suffisent pas. Souvent on ne consacre que 15 minutes, c’est trop infime et faible comme temps. Nous les appelons des disciplines mineures. Mais à l’école, on ne parle pas de musique, mais plutôt de chant. En ce qui me concerne, pour agrémenter la chose,  j’avais acheté des instruments traditionnels pour mes élèves afin qu’ils s’exercent. Il y avait des élèves qui maîtrisaient le maniement de ces instruments et on transformait les cours de chants par des cours de musique. On faisait également les cours de techniques vocales.

“…Souvent on ne consacre que 15 minutes, c’est trop infime et faible comme temps.”

Vous êtes présent dans le showbiz depuis presqu’une vingtaine d’années. Quel est le regard que vous portez dans ce milieu ?

Ils se battent de leur mieux à la hauteur de leurs moyens. Je dis et je répète ; il ne faut pas tout attendre des acteurs du showbiz. Il faut que les artistes apprennent à se battre. Quoi que l’on dise, la musique c’est de l’argent ! Tu ne peux pas te lever avec des petits moyens, vouloir chanter et vouloir négocier  la promo…C’est d’ailleurs la promo-là qui est le «last » ! J’ai l’impression que les artistes ne prennent pas leur métier au sérieux. Ce n’est pas parce que tu as fait un son et tu défiles de radio en télévision pour négocier que l’on joue ta chanson. Il faut se préparer financièrement à tous les niveaux. Je vois un trop de laxisme dans le showbiz burkinabè. La jalousie, l’hypocrisie gangrène beaucoup ce milieu.

(Irruption chaleureuse de son ingénieur photo, Empereur Demgui le Gladiateur dans l’interview)

…ça tombe bien Empereur, on évoquait la question des acteurs du showbiz. Tu en fais partie. Beaucoup pensent que sans les acteurs du showbiz, les artistes ne peuvent pas réussir. Quel est ton point de vue ?

Je partage son avis. La promotion coûte 70% de la production. Aujourd’hui, tu peux beau avoir de la connexion, mais si tu n’as pas l’argent pour faire suffisamment la promotion, c’est mieux de faire autre chose. Un exemple : Si tu as 200.000 F CFA pour faire un clip en studio. 500 000 F CFA pour faire un clip. Tu n’arrives pas à mettre 100 000 F CFA pour la promotion d’une semaine chaîne télé ou radio, finalement, pourquoi fais-tu de la musique ? Je suis désolé de le dire ; tu peux avoir le plus beau maquis du pays, la plus belle alimentation de la ville, quand tes produits sont périmés, tu vas devoir fermer. La musique c’est les moyens. Quand tu veux produire un artiste, il faut lui mettre à l’aise. Logé, nourri, véhiculé, vêtu…bref prendre soins de l’artiste. Son travail c’est uniquement créer et chanter.

“..Je bosse avec Mateski KABORE depuis quelques semaines et tout va pour le mieux”.

Pour revenir à vous Lovylia. Qui finance ta carrière ?

Je fais de l’autoproduction. Je finance mes albums et je m’occupe de ma carrière avec un staff bien précis. Je travaille surtout avec mon directeur artistique qui est également le manager général de mes activités musicales. C’est Mateski Kaboré.  Je bosse avec lui depuis quelques semaines et tout va pour le mieux. J’avais signé des contrats de management avec des gens qui m’ont limé, bouffé mon argent…Ils sont là et ne peuvent pas me regarder en face.

Vous vivez dans le luxe, je le constate. Nous sommes dans un véhicule qui vaut au bas mots, 45 millions. Vous possédez une discothèque, vous avez fondé une école, vous avez une boutique de prêt à porter. Pour une artiste qui est en quête de notoriété, c’est surprenant.

La musique ne se fait pas au hasard. Il faut un minimum de conditions réunies. Les artistes doivent vendre le rêve. Pourquoi nous envions les artistes d’ailleurs ? Parce qu’ils nous vendent le luxe et tout le monde veut les ressembler. Je me suis dit qu’il faut que je vienne dans la musique avec un bagage culturel et financier conséquents. Bien avant, je venais dans la musique avec ma moto et mon travail. Mais, plus tard, j’ai vu que ça ne suffisait pas. J’ai pris la résolution d’arranger ma vie, mon standing avant de redonner une autre dimension à ma musique.

“…Je me suis dit qu’il faut que je vienne dans la musique avec un bagage culturel et financier conséquents…”

Quand on observe des femmes comme vous avec ce standing élevé ; les hommes n’ont-ils pas peur de vous ?

(Rires…) je n’ai pas tellement de souci à ce niveau. Je me dis que de nos jours, les hommes en ont marre de dépenser.  Quand tu veux un type d’hommes, il faut aussi avoir un certain feeling. Il faut que tu possèdes un minimum de finances. Je n’ai pas envie de pleurnicher  devant un mec. Il faut que quand tu te présentes devant un homme, tu n’as pas besoin de lui demander. Il va te donner plus que ce que tu désirais.  Arrange toi aussi à faire mieux que lui. Je n’ai pas peur aujourd’hui d’offrir un grand cadeau à quelqu’un. Déjà, je crois en Dieu, mais quelque part, nous vivons parmi les humains  et nous aimons rêver, voir le beau et vivre même sur du mensonge (rires). Donc je n’ai pas de souci avec les Hommes.

Mariée des enfants ?

J’ai un enfant, mais rassurez-vous il y a quelqu’un ! Il y’ a quelqu’un ! (Rires)

Je ne suis pas un médium, mais j’espère que nous sommes à la fin de cette pandémie. Qu’est ce qui est prévu pour vous artistiquement dans les prochaines semaines ?

Avec mon manager, on en a discuté.  A partir de la semaine prochaine, je serais très busy. Beaucoup de rendez-vous en studio, des clips et surtout des prestations commencent à se peaufiner à l’horizon. Les gens nous réclament dans certaines localités du pays. Beaucoup de clips sont en instance. Bientôt. Bientôt…Les projets à l’international sont en cours. Je me vois en train d’arpenter plusieurs télévisions internationales.

“…Généralement, celles qui bradent leur poitrine et autres parties du corps, n’ont même pas encore accouché”

Contrairement à certains artistes qui osent mettre leur corps en avant, vous avez préféré mettre le côté BCBG et votre musique en avant…

Oui exact…je préfère ce style. Pour moi mettre son corps en avant au détriment de sa musique, c’est être limité. Certes, les gars vont te courir après, mais pour combien de temps ? Le corps il se détériore. Il y a des stars aujourd’hui qui ont la soixantaine et plus. Elles sont toujours au top, parce que leur musique marche. Généralement, celles qui bradent leur poitrine et autres parties du corps, n’ont même pas encore accouché. Les hommes ne s’intéressent plus à ta musique, mais plutôt à ton corps. Je préfère mettre le professionnalisme, la beauté de l’art et ma musique en avant.

Hervé David HONLA

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