Immersion dans le monde de la beauté
Dans ce dossier, votre magazine abordera sans faux-fuyants les contours et dessous du métier de mannequinat au Burkina Faso ponctué par des témoignages des acteurs et responsables d’agence en activité.

De nombreuses agences naissent au Burkina Faso, tant à Koudougou, Bobo-Dioulasso, et Ouagadougou. La capitale Ouagadougou est bien sûr considérée comme étant l’ «eldorado» de ceux et celles qui exercent ce métier. L’Objectif premier est souvent d’afficher sa beauté filiforme par amour pour ce métier mais également, de devenir un top model à l’image de celles qui crèvent l’audimat sur les émissions de télé-réalité à travers le monde. Mais, parfois la réalité ce métier est tout autre :
Le mannequin est la personne sur laquelle le styliste va essayer ses prototypes des modèles qu’il est en train de créer. Le mannequinat est donc par ricochet, l’activité exercée par le mannequin. Une personne qui pose ou s’expose pour valoriser les produits de l’industrie de la mode. Les mannequins sont employés principalement pour la promotion de l’habillement, des accessoires de mode et des produits de beauté.
Ils sont des Homme et des Femmes employés par un couturier ou un créateur de vêtements pour la présentation des collections lors de défilés de mode ou de séances photos.
De plus en plus au Burkina Faso, comme dans les métiers professionnels, les mannequins travaillent pour une agence spécialisée. Il est à la fois l’employeur et l’intermédiaire entre le client et lui. Certains l’exercent de façon permanente, fréquente ou occasionnelle. Normalement, devenir mannequin, il faut avoir 16 ans et être sous couvert de disposer d’un certificat médical et parental.
L’agence MEA (Models and Events Agency) que dirige Oumou Gold Kaidara Compaoré s’illustre parmi les structures de mannequinat qui souhaite rendre ce métier rentable au Burkina Faso. Créé il y a environ trois ans, MEA emploie et collabore avec une centaine de mannequins dans plusieurs secteurs distincts. Cet ancien mannequin a glané pleines de distinctions dans l’exercice de son métier au Burkina Faso, donc celui de Mannequin de l’Année lors de la prestigieuse cérémonie des 12 PCA (Personnalités Culturelles de l’Année 2017). «Parmi mes bons moments en tant que mannequin, il y aussi eu le défilé Miss Diamond of the Word en Alger» affirme-t-elle.

Pour l’immense majorité des mannequins, les conditions de travail n’ont aucun rapport avec celles des tops models qu’on voit à la télé ou dans les couvertures des magazines. Les courbettes dans les castings, les arnaques de certaines agences, courir de castings en castings pour espérer être sélectionné(e), compose le quotidien de l’aspirant mannequin.
«Il faut le dire le mannequinat au Burkina, c’est juste un loisir on ne vit pas de ce métier au Burkina Faso. Aujourd’hui je suis hôtesse de l’air et Cheffe d’entreprise » analyse Tina O. Tina Ouedraogo a été mannequin professionnel jusqu’en 2006. Aujourd’hui hôtesse de l’air cheffe entreprises, elle s’est également reconverti en jeune styliste. Avec sa structure TINA’O Confection où elle excelle dans le Faso Dan Fani et le Wax. Elle affirme avoir été plusieurs fois victime de chantage dans ce métier. «Oui certains mannequins sont victimes de chantage c’est dommage ! Personnellement, j’ai toujours fait le mannequinant par passion » renchérit-elle.
Pourtant, ce métier, bien qu’il magnifie la beauté dans toute sa plénitude est régit par certaines règles et nécessite que le postulant accomplisse un certains cursus.

Pour être mannequin, il y a des contrats qui impliquent des honoraires conséquents. Il faut développer une hygiène de vie rigoureuse, une grande résistance physique et nerveuse, de la patience et de la persévérance. A côté des atouts physiques, une solide personnalité et de la motivation sont donc indispensables. Pour l’exercice du métier de mannequin, il n’existe aucune formation officielle ni aucun diplôme. Quel que soit la voie choisie, il faut toujours se montrer vigilant. A défaut de vous garantir des débouchés, les écoles de mannequins proposent des formations ou stages relatifs au mannequinat (techniques de postures, savoir se mettre en valeur…). Toutefois certaines filières existent pour se faire connaître ou se faire “remarquer”: contacter un photographe spécialisé dans la mode ou une agence, participer à un concours organisé par une agence ou à des concours beauté.
En somme, la vie de mannequin est donc rarement un long fleuve tranquille, d’autant que la concurrence y est féroce. Cette concurrence vire souvent beaucoup plus au dévergondage.
«Lorsque tu travailles d’arrachepied pour avoir accès à un podium et qu’on te le refuse par ce que tu n’as pas d’affinité ou que tu refuses de faire la lèche botte, c’est déprimant. La calomnie est très présente dans ce métier. Par ailleurs, la chose que je déplore énormément est que la plupart de ceux qu’on recrute dans un défilé, sont des partisans du moindre effort. Ils ou elles veulent la gloire, l’argent et le succès n’ayant rien fait comme sacrifice» fustige la PCA 2017.
Une autre forme d’injustice existe, notamment ce qui concerne surtout les mannequins qui bâtissent encore leur carrière. Après avoir participé pendant des heures aux castings et aux séances photos, il arrive qu’elles n’obtiennent en échange que des clichés pour leur book. Et le pire c’est que, parfois, elles ne gagnent absolument rien.
Aujourd’hui, le mannequinat est vu d’un mauvais œil par pas mal d’individus qui pensent que le métier rime avec prostitution. Certaines jeunes filles mannequins évoquent en filigrane leur compagnonnage avec les homosexuels et lesbiennes. Car ce milieu en regorge.

Dans le milieu du mannequinat, beaucoup de maquilleurs qui s’occupent des mannequins dans les coulisses, sont des homosexuels. Ces confidences de jeunes filles mannequins en disent long sur ce qui se passe dans les coulisses durant les défilés. Elles sont nombreuses à avouer que les hommes et femmes qui s’occupent de leur maquillage, sont soit des homosexuels ou des lesbiennes. Les dessous du métier du mannequinat font froid au dos car beaucoup de choses qui s’y déroulent, sont méconnues du grand public. «Nous sommes condamnées à travailler avec les homosexuels qui font d’excellentes choses pour nous rendre belles et attrayantes. Quand un homme travaille dans un milieu où il n’y a que des femmes, facilement il peut devenir efféminé et il a fort à craindre qu’il vire dans l’homosexualité. La plupart des maquilleurs sont des homosexuels et ils se confient à nous. A force de travailler avec eux, on finit par devenir des amis » analyse R.L, jeune mannequin.
Parfois, lors des castings ou des séances de soirées internationales des propositions indécentes se font sans gêne. Témoigne R.Z mannequin qui a souhaité garder l’anonymat : «Nous évoluons dans un métier très dangereux qui comporte beaucoup de risques. Pour rien au monde, Je n’accepte pas certaines choses qui peuvent ternir mon image. Aujourd’hui, il y a des mannequins qui acceptent de faire du n’importe quoi pour être au-devant de la scène. Ma propre collègue, celle que j’ai formé dans la même agence où de travaille, est venue après moi et n’a même pas six mois d’expérience. Elle défile sur les grand T et moi, je suis toujours mise à l’écart. Tout simplement parce qu’elle m’a avoué coucher avec des responsables pour de l’argent et pour une promotion».

Dans ce métier, bon nombre de jeunes filles font de la prostitution déguisée. Elles se cachent derrière le mannequinat pour mener le plus vieux métier. Cependant certaines filles mannequins jettent l’anathème aux autres. Ce n’est pas seulement les mannequins qui se prêtent à cette pratique. D’autres hommes fortunés, viennent parfois dans les défilés de mode, pas pour s’acheter les tenues, mais pour coopter certains mannequins via leur agence, pour des parties de jambes en l’air. Cette forme de prostitution qui se fait dans la plus grande discrétion, porte un sacré coup au métier de mannequinat qui est considérée comme beaucoup de personnes, une voie vers la débauche.
Certaines filles sont même prêtes à coucher pour une promotion ou pour se faire un nom dans le milieu. Elles commencent même à courir derrière les photographes, pour mieux se faire distinguer.
Par contre, tout n’est pas aussi morose et lugubre que ça. Certains et pour la plupart, mènent bien leur carrière dans le mannequinant.
«On raconte du n’importe quoi sur les mannequins. Pourtant le mannequinat est comme les autres métiers. Il y a des filles qui exercent ce métier, uniquement pour de l’argent et pour être célèbre. C’est ce qui les pousse parfois à la prostitution déguisée. Par contre, il y a des filles très correctes, elles exercent le métier sans problème. Elles s’occupent uniquement de leur travail. Et une fois qu’elles terminent leur job, elles rentrent tout bonnement chez eux. Ce sont des filles de vertu. Je fais le mannequinat sans me prostituer. Je reçois des propositions indécentes mais je remets à leur place leurs acteurs », souligne Maeva, jeune fille évoluant dans le mannequinat depuis deux années.
Ce métier est pourtant momentané, car après 30 ou 35 ans en moyenne, la reconversion est quasiment obligatoire. Le plus souvent, ils vont dans un domaine connexe : responsable d’agence de mode, poste de gestionnaire ou de commercial dans une maison de couture, monde du spectacle, service de communication, photographie, maquilleuse, créatrice etc.
L’avènement des agences au Burkina Faso avait été accueilli à bras ouverts par les mannequins en 2010. Ce n’est qu’un leurre. Pour certains, leur statut et leur engament professionnel laissent à désirer. «Il manque de structuration, de communication entre les responsables des différents corps de métiers. Pas de vision commune et manque de fiabilité dans le milieu» dénonce Oumou Gold Kaidara Compaoré.

Les mannequins sont sous-payés par leur agence. «Je gagne à peine 15.000 F CFA dans un défilé international. Parfois, on ne nous paies pas le même jour. J’ai honte de moi. Je quitte de chez moi à 19h pour rentrer à 4h du matin soit en moto si elle est en bonne état ou à pied. Certains me prennent pour une prostituée » affirme R.Z La plupart des mannequins travaillaient sans contrat et étaient payés par prestation en reversant une commission à l’agence. Que gagne l’agence ? Et quel cachet remet-il aux mannequins ? Pourquoi les mannequins ne s’organisent-ils pas en association pour défendre leur profession et notamment leur rémunération? Pourquoi font-ils allégeance aux agences? Pourquoi ne possèdent-ils pas des agents (Managers)? «On nous voit bien habillé sur scène lorsqu’on défile sur le T. Mais dès qu’on descend, nous reportons nos haillons. C’est au mannequin de se débrouiller dans ses tenues. Notre alimentation, le sport, les mesures diététiques, les soins de beauté etc. sont pris en charge par nous-mêmes, lorsque nous n’avons pas été choisi à un casting» renchérit-elle.
Malgré les incroyables pièces de haute couture dans lesquelles elles prennent la pose, les mannequins n’ont absolument pas le droit de les garder pour elles. La plupart des gens pensent que les mannequins passent leurs journées à se pavaner devant l’objectif des photographes. En réalité, beaucoup d’entre elles, ont du mal à obtenir un travail régulier et même à joindre les deux bouts. Il y a souvent des périodes où c’est le calme plat, durant lesquelles elles doivent se contenter de passer des castings pour tenter de gagner leur vie.
Mais après dix ans voire quinze de carrière, il va falloir passer à autre chose et surtout tourner la page.

Difficile de voir au Burkina Faso, des mannequins qui passent le cap de l’international sur les grands T ou les grandes marques de vêtements et de produits. Le marché est souvent extrêmement rude et même parfois xénophobe et raciste.
Néanmoins sur le plan local ; après avoir écumé la plupart des podiums et porté les plus grandes créations des stylistes, l’heure de la reconversion doit sonner. Il ne sert absolument à rien de se cantonner dans le rôle de simple poupée jusqu’à l’âge de 40 ans, 50 ans et plus.
Comme ouverture, il faut souvent être ambitieux et tisser des relations avec des stylistes et autre promoteurs. On ne peut passer une dizaine d’années à présenter sa beauté et ne pas pouvoir s’infiltrer dans le milieu des affaires en ouvrant des boutiques de prêt-à-porter ou des instituts de beauté. Pourquoi ne pas mettre votre sens inné de l’élégance, de l’énergie créatrice au service de la mode ?

L’autre débouché peut-être la télévision, le grand écran et la musique. Le meilleur atout des mannequins, c’est leur beauté et leur bonne présentation. Leur beauté, leur corps et leur aura peuvent être des gages d’audiences pour des téléspectateurs. De leurs années de mannequinat, ces mannequins ont conservé une prestance télégénique et surtout un corps bien fait. Ce sont des arguments et des valeurs ajoutées pour réussir à un casting télé ou cinématographique.
Hervé David HONLA