Prendre son destin en main
Penser au développement de l’économie locale revient à trouver les différentes stratégies pouvant permettre à une tranche de la jeunesse d’avoir une certaine autonomie financière, de subvenir à ses besoins essentiels. Cela peut notamment consister à convier les populations à la consommation locale. En effet, consommer local a de nombreux avantages tant sur le plan économique, que sur le plan sanitaire, industrielle et sur celui culturel.

L’Afrique dispose d’un important potentiel pour développer son industrie textile. Nombre de pays africains notamment le Burkina Faso figurent parmi les plus grands producteurs du coton, la principale matière première utilisée pour fabriquer les tissus. La production du Burkina Faso tourne autour de 700 000 tonnes. Mais l’industrie textile du Burkina Faso souffre de divers maux. Mais ce n’est pas pour autant que les jeunes vont biaiser ce secteur. Bien au contraire, pour sortir de l’ornière, certains parmi eux préconisent en même temps la solidarité et la mise à niveau des outils de production face à la concurrence étrangère. D’où l’organisation d’un marché local avec la création des petites unités de production.
Ismael Kéré, jeune opérateur économique fraichement sorti des bancs de l’université de Ouagadougou, aujourd’hui gérant de la chaîne des Restaurants Universitaires ? est au centre d’une microentreprise d’habillement.

Dénommé la marque «Laafi Ya Baobo », c’est une ligne vestimentaire dont la philosophie gravite autour d’un état d’esprit qui est «Se sentir bien ». Basée sur l’amour du prochain, cette idée a été murie depuis 2015, au sein du Campus universitaire, pour après se greffer entre amis et collaborateurs. «Nous jeunes, nous aimons nous apitoyer sur notre sort et monter des projets excessifs et déréglés. Nous croisons les bras en attendant qu’une grosse somme d’argent tombe du ciel avant de l’exécuter. J’ai préféré développer en moi, l’esprit d’entreprenariat en comptant d’abord sur des acquis et la volonté » analyse Ismael Kéré.
Tout en excellant dans le Droit des Affaires, Ismael Kéré est également gérant des Restaurants Universitaires. Confronté aux problèmes d’équipements techniques, il s’est entouré d’une équipe de cinq jeunes (designer, informaticien, couturiers, graphiste, peintre…) pour concevoir les premiers produits de la marque. Ainsi donc, le 29 septembre 2019, trente premiers échantillons de T-Shirts «Laafi Ya Babo» avaient vu le jour. En 48h, le stock était épuisé et les demandes se multipliaient. Confrontés aux problèmes de machines et du manque d’une véritable unité de production, l’équipe a décidé d’engager une option basée sur le partenariat. «Nous avons demandé de l’aide, des prêts dans plusieurs institutions du pays sans suite. La seule option qui nous est venu à l’esprit, c’était de nouer un partenariat avec un ami d’enfance à l’université qui réside aujourd’hui aux Etats-Unis, en l’occurrence Aly Tapsoba. Afin d’être entièrement autonome et avoir des machines de pointe, nous avons, en partenariat avec Aly Tapsoba, acheté des machines qui nous permettent aujourd’hui de concevoir des produits de qualité défiants toute concurrence » affirme Ismaël.
Dans la mesure où le Burkina Faso regorge suffisamment de matières premières en matière de fils et coton, la main d’œuvre existe à volonté, c’est une petite unité de production industrielle qui servira de déclic. Aujourd’hui, «Laafi Ya Baobo» s’est doté de quatre machines pour une équipe homogène de cinq personnes. Les premiers produits «laafi Ya Baobo » étaient les T-shirts. Aujourd’hui, plusieurs gammes variées accompagnent cette marque : Polo, salopettes, Chemises, Jogging etc. sur toutes les formes (Hommes, Femmes et Enfants).
L’action du Ministère du Commerce de l’Industrie et de l’Artisanat qui vise à soutenir la transformation des matières premières burkinabè pour réaliser le «Consommons local » en vue de booster l’économie nationale est salutaire, mais Ismaël Kéré trouve que ledit ministère peut encore faire plus. «C’est une question de volonté politique. Le gouvernement devrait avoir une bonne vision centrée sur la production locale. Motiver les structures locales à produire plus et importer moins. Au Burkina Faso on produit moins mais on consomme plus. Il faut changer les mentalités en amenant les burkinabè à plus produire qu’à consommer. Tout le monde ne peut pas travailler à la fonction publique».

Affirmant que le projet «Laafi Ya Baobo» est certes sur les rails, mais d’énormes efforts et besoins restent primordiaux afin de répondre à la forte demande qui commence à se faire sentir. Il s’agit d’augmenter le nombre de machines afin de produire plus et ouvrir une usine de production.
Hervé David HONLA