Refuser de se lamenter
Dix-sept jours ont passé, quelques décrets ont été promulgués au conseil des Ministres. Rémis Fulgance DANDJINOU, le porteur de la parole et l’infectiologue Martial Ouédraogo sont devenus les «shérifs» qui traquent au quotidien cette maladie. L’opinion nationale observe de façon taciturne leurs multiples sortis médiatiques.

«Chacun chez soi et le coronavirus sera bien gardé » dit-on. Alors que le confinement s’impose comme l’arme principale pour tenter de limiter la propagation de la pandémie du Covid-19 qui touche déjà plus de 150 personnes au Burkina Faso, les artistes font ce qu’ils peuvent pour continuer d’exercer leur art. Le mot d’ordre des autorités sanitaires n’a pas seulement annulé la totalité des concerts : il a signé la dissolution de plusieurs groupes de musique et orchestres qui répétaient régulièrement dans les coulisses. Eparpillant les musiciens dans des solitudes bien peu propices à l’exercice de leur métier. Que deviennent-ils donc à présent, ces chanteurs, ces instrumentistes, choristes, ces chambristes, ces solistes, ces compositeurs ?

S’ils accusent le coup, les artistes refusent de se lamenter sur leur condition. Les trente-deux spectacles et festivals qui étaient prévus entre le mois de mars et d’avril sont annulés ou reportés. « Tous mes projets sur un mois et demi ont été annulés en une journée. L’équivalent de trente- cinq cachets », analyse le PCA 2019 Dez Altino. Mais l’altiste préfère fourbir ses armes plutôt que de faire les comptes : «Je vais profiter de cette période pour me retrouver avec moi-même et en profiter pour prendre le temps de travailler ma technique et surtout m’intéresser artistiquement sur la prévention de cette pandémie » renchérit Dez Altino.

Beaucoup d’artistes commencent donc à inventer des manières de se promouvoir sans sortir de chez soi. Le Parolier Donsharp De Batoro, propriétaire de la maison de disque Africa Production s’est associé à la structure audiovisuelle MERVEILLES pour réaliser des capsules de spot de sensibilisation contre cette pandémie. Il est aujourd’hui à une dizaine de publications qui ont été relayé sur les télévisions nationales. Il fait intervenir surtout ses collègues artistes et acteurs culturels dans le projet. Une action qui porte déjà ses fruits car le feedback est salutaire. Des centaines de milliers de vues sur les différentes plateformes et le message est mieux perceptible par la population, surtout venant de leurs idoles.
Pour mieux distiller son message sur cette pandémie, Dez Altino n’est pas passé par quatre chemins pour toucher la sensibilité des citoyens. La langue Mooré la plus parlée au Burkina Faso dans une population où le taux d’analphabétisme est assez élevé, son message est plus efficace et touche les zones les plus enclavés du pays. Beaucoup donc parmi ces artistes se sont mué en réalisateurs, comédiens et agents de santé publique. Un engagement sanitaire dont les conséquences sont avantageuses dans tous les sens. Tant sur la pérennisation de son art que sur la stabilité et l’équilibre de son image. La question qui restera en suspens : Seront-ils gratifiés et indemnisés pour leur engagement pour la lutte et le manque à gagner ?

Le Ministère de la Culture des Arts et du Tourisme est également rentré dans la «danse » en conviant les créateurs à participer à un spot de sensibilisation sur les règles de prévention de cette maladie. D’Autres titulaires de droit sont allés plus loin, en réalisant des tubes pour contrer le coronavirus. A l’instar de Wakita Manégré, Vins, Barsa 1er… Des campagnes de sensibilisation réalisées par les artistes inondent les réseaux sociaux. Les plus généreux font des dons de gels et cache-nez aux agents de santé et aux personnes qui sont en contact étroit avec le public.

Tout compte fait, nombreux sont ces artistes qui demeurent optimistes. «C’est une tempête qui va passer et tout reprendra son cour normal » disent-ils. Mais les séquelles resteront et le Coronavirus va indubitablement modifier le train de vie et la manière de pratiquer l’art dans le monde.
Hervé David HONLA