Tonton Emmanuel N’Djoké Dibango : T’inquiète je ne pleure pas !
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Tonton Emmanuel N’Djoké Dibango : T’inquiète je ne pleure pas !

 Heureux de t’avoir connu

Depuis hier, je me dis : «Tonton ; est-ce qu’il faut que je te parle ou bien de me taire et prier pour le repos de ton âme ?»

Mais ; je pense à cette phrase que tu m’avais dite : «Tout ce que tu vas écrire sur moi pendant mon séjour ici, apporte-les moi » ; je me suis dit qu’il faut aussi que j’écrive pour te dire encore et encore MERCI!

Les rares moments confidentiels que j’ai passés avec toi, ont été les plus mémorables. J’ai certes eu la chance de te côtoyer différemment des autres, mais tu m’auras fait changer complètement l’idée qu’on se fait quand on est hors de son pays d’origine.

Je n’ai pas besoin de te demander si tu t’en souviens car là où tu es, tu vois tout. Et quand tu étais parmi nous, tu n’oubliais pas les personnes avec qui tu t’entretenais.

Mon premier contact avec toi fut lors du FESPACO 2007 où tu étais le parrain de cette 20è édition. En ce moment, je n’étais qu’un pauvre pigiste gringalet dans un organe de presse de la place. Qui gagnait à peine 7 500 FCFA/mois de pige. A cette époque, mon seul et unique désir était de te rencontrer. J’ai usé de tous mes stratagèmes pour réaliser mon rêve et de surcroit réaliser un entretien avec toi.

Après un colloque sur le thème de cette biennale du cinéma, je t’ai poursuivi dans les loges pour me présenter. Tu avais toujours à tes côtés ton «assistante» très joviale qui m’a beaucoup aidé à consolider nos liens. Dès qu’on s’est retrouvé à trois, je me suis présenté. Mes origines, mon ethnie, mon dévouement pour le basket, ma famille et…ma mère ! Tu t’es rappelé d’elle à Douala. Etant un petit écolier, elle s’occupait par moment de concevoir les projets artistiques au «pays» de nombreux musiciens camerounais.

«Maman sait que tu es ici au Burkina Faso ? » m’as-tu posé comme question. Dès que je t’ai rassuré…bingo ! Bonjour les conseils. Tu m’en as tellement prodigué. Je t’expliquais par moment, les difficultés que j’avais à m’intégrer au Faso. «C’est à travers les épreuves que tu te feras une place dans ce pays. Fais-toi remarquer par ton travail». Je ne vais jamais oublier ce conseil Tonton.

Avant de prendre congé de toi, tu m’as dit ceci : «Pense souvent à aller voir ta mère au Cameroun. Je vais te demander un service : Lors de mon séjour ici, réunis tous ce que tu vas écrire sur moi et apporte-les moi à mon hôtel. Contacte ta sœur qui est à mes côtés, elle te conduira à moi».

Grande était ma joie de savoir simplement que tu m’as confié une mission. Le grand Manu ! Mon acolyte confrère journaliste (donc je tairais le nom) qui est toujours à mes côtés dans ce genre d’opération, était lui-même abasourdi. Ainsi donc, bravant à pieds sous le soleil de Ouagadougou, j’étais présent à chacune de tes apparitions officielles au FESPACO.  Je m’asseyais paisiblement au fond de la salle et discrètement. Admirant ta simplicité et ta fluidité dans ton langage et surtout ton amour et ton humanisme vis-à-vis des gens. Tu ne faisais aucune discrimination de couleur, de religion, ni de communauté. Tu étais le «papa» de l’humanité. Tu répondais toujours par un sourire. Ta grosse et chatoyante voix berçait toujours l’auditoire. Chacun avait envie de te prendre dans ses bras. Tu étais la divinité cultuelle dans le sens propre du terme.

A chaque fois que finissais tes colloques, tu faisais toujours un petit détour vers moi en me chuchotant dans les oreilles ou en me rassurant que tu m’as vu. Façon donc, j’étais content ! Parfois, j’utilisais cette «complicité» pour narguer ceux qui m’observait. Quand la sécurité voulait m’empêcher de m’approcher de toi, tu leur disais de me laisser. Hummmm ! Façon donc, j’étais content !

Vers la fin de ton séjour, je me suis rendu à l’Hôtel Silmandé (Sans faire de Pub) où tu étais logé, pour te remettre mes articles. Diner, conseils et interview étaient au menu. Réaliser un entretien avec l’auteur de la face B du 45 tours «Soul Makossa» sortie l’année de ma naissance, c’était la plus grande consécration de ma vie en tant que journaliste culturel. Avant de te dire «au revoir», ma «sœur» assistante, m’a tendu en ta présence, une enveloppe. «Fais-en bon usage et sois sage. Fais honneur surtout à ta maman» m’as-tu dis ponctué par un large sourire. Mes bras et mes cuisses tremblaient comme si je vivais dans un pays où il faisait – 5 degré.

Refusant catégoriquement de reprendre contact avec toi hors du Faso, pour éviter d’abuser de ta confiance, je suis devenu très observateur et admiratif sur tout ce que tu faisais à travers le monde.  Parfois devant mon petit écran, je me contentais de suivre tes interviews et spectacles, tout en me disant que : «Celui-là au moins, il me connaît ! ».

Deux ans après, quand j’ai appris que tu avais attaqué les maisons de disque des deux stars mondiales Michael Jackson et Rihanna, notamment SONY BMG, Warner et EMI pour avoir utilisé sans autorisation le thème «Soul Makossa», j’ai compris que j’avais connu la personnalité la plus célèbre de la planète. Comme tu as toujours su dédramatiser les choses, c’est par un arrangement financier à l’amiable que tu as «noyé» l’affaire.

En 2017, Ton «Fils»  commence à avoir une petite «notoriété» dans la presse culturelle burkinabè. Le voici à Abidjan, invité au MASA (Marché des Arts et du Spectacle d’Abidjan).

J’ai vraiment été émerveillé quand tu m’as reconnu. Dix ans après notre rencontre à Ouagadougou. Aux côtés de Robert Brazza, je me rapproche vers toi. Voici notre brève conversation :

  • «Papa tu me reconnais?”.
  • “Mais bien sur mon fils, c’était au FESPACO à Ouaga, tu t’es occupé de mon programme quotidien…Tu es toujours à Ouagadougou ou tu es retourné au pays?” m’as-tu demandé;
  • “Je suis à Ouaga Papa”
  • “Bon courage et sache que n’importe où, je me souviendrai de toi hahahahahahah ahh ahhh!!!!”

C’est par ce légendaire sourire que nous nous sommes perdu de vue jusqu’à tes adieux. Depuis que je suis venu au monde, tu n’as jamais changé de physique. Aucune ride supplémentaire, aucun signe de vieillissement ou de fatigue, la  même coiffure et le même sourire.

Je voulais te faire une surprise cette année à Toulouse lors du Festival Rio Loco car, je sais que tu allais ipso-facto faire un tour là-bas, d’autant plus que ; cette édition était censée rendre hommage au Continent Africain. Dieu en a décidé autrement.

Je ne dirais pas que cette lâche maladie a eu gain de cause sur toi. Car tôt ou tard, on tirera notre révérence. Le 24 mars 2020 était ton jour, et tu nous as dit bye-bye.  Avec tout ce qu’il y a comme turpitude de la vie, je ne suis pas certain que j’atteindrai les 86 piges comme toi. Tu as pleinement bien rempli dans vie.

Tu m’as beaucoup inspiré et surtout, c’est toi qui m’a fait comprendre que : Quand on prend de l’âge, on devient sage. «Le seul héritage qu’on peut transmettre aux jeunes, c’est notre simplicité et notre sagesse. Ne les sabrons pas le chemin»

C’est pour ça que je ne pleure pas ton départ.

Mais…Tonton, je vais encore de demander un service. Là où tu es, je sais que tu pourras intercéder…

J’ai eu la chance de te côtoyer, Dieu merci ! Il y a deux autres personnes dans ma vie que je souhaite, au moins rencontrer et leur dire deux mots. Il s’agit de Michael Jordan et Kareem Abdoul Jabbar ! Je peux compter sur toi ?

A Dieu Tonton !

 

Hervé David HONLA

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