«GANDAADO». Un seul mot: Tournons!
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«GANDAADO». Un seul mot: Tournons!

Et de deux pour 226 Wood

Tourner sans argent, avec des technologies légères, beaucoup d’énergie et beaucoup d’inventivité, les films à petit budget déferlent sur les écrans au Burkina et révolutionnent l’écriture et la production. La structure 226 Wood a lancé son deuxième film en trois mois d’existence seulement. «GANDAADO» a été présenté le 2 mars 2020 au ciné Neerwaya et cette forme de production suscite déjà beaucoup de débats dans la cité. OXYGENEMAG aborde dans cette analyse, les tenants et les aboutissants d’un tel projet audacieux.  

Rakis Rodrigue KABORE de PUB NEERE

Ils ne sont pas pour autant pauvres. Ils sont jeunes, avant-gardistes mais pas tous géniaux.  Mais ils sont en train de révolutionner tranquillement le cinéma burkinabè en réalisant parfois sous le coup de l’impulsion, des films sans sou, qui arrivent en salle et obtiennent, contre toute attente, un franc succès.

Ce phénomène, si on peut l’appeler ainsi, est né de la crise de la production qui s’est opérée parallèlement à la fermeture des salles de cinéma, dans de nombreux pays. Mais il ne peut y avoir de salles sans spectateurs et la question se pose l’avenir du cinéma africain. Ce marché primaire du cinéma africain représente certes aujourd’hui une part minoritaire du marché mondial du film, mais les africains ont besoin de raconter leur histoire. Ils en ont marre de lire, d’apprendre et de regarder celle des autres. Le marasme économique qui gangrène le secteur culturel depuis deux décennies en Afrique, a fait germer d’autres idées dans certaines filières.

C’est surtout les cinéphiles burkinabè qui vont gagner» affirme Serges Ouédraogo.

«Pour 226 Wood, c’est un pari fou que nous avons pris…une œuvre humaine ne peut être parfaite, mais nous voulons que les professionnels nous accompagnent. Nous voulons qu’ils continuent à critiquer en faisant attention. Quand ils montent sur un arbre et que l’on coupe le tronc, on y tombe également» Affirme Rakis Rodrigue Kabore coproducteur des films «Coup d’Etat » et «GANDAADO» avec la structure 226 Wood.

En se repliant donc vers cette forme de production, les réalisateurs proposent des «formules» au rabais. La chaine de la production subie par conséquent, d’énormes réajustements : le casting est moins rigoureux et négociable au gré à gré. Les jeunes acteurs novices et mateurs sont préférés aux professionnels qui exigent un traitement consistant. Les techniciens plateaux cumulent les postes. Les  réalisateurs sont à la fois acteurs, monteurs et même cadreurs. Les délais de production sont extrêmement courts et les scénarii sont rédigés en plein tournage. Au final, d’énormes coquilles surgissent lors de la diffusion. Selon Rakis Rodrigue, «Nollywood au Nigéria a commencé péniblement et les gens s’en moquaient. Aujourd’hui, c’est devenu une grosse industrie cinématographique mondiale»

Johny Bingly Heu Mandjem, l’un des jeunes acteurs de 226 Wood

En lançant 226 Wood, Rakis Rodrigue Kabore et Dacosta Ouédraogo  voudraient, grâce à ces films à petits budgets, ramener les cinéphiles dans les salles et surtout de ré ouvrir certaines qui ont été fermées.  Les salles comme Ouahigouya, Koudougou, Dédougou, Bobo-Dioulasso, Gaoua sont en train d’être ouvertes grâce aux productions locales qui se multiplient. «Nous avons fait des films à petits budgets de 10 à 14 millions qui, très rapidement, peuvent être exploités en salle. Ce qui pourra à la longue intéresser les opérateurs économiques à prendre en charge financièrement, toute la production. C’est surtout les cinéphiles burkinabè qui vont gagner» affirme Serges Dacosta Ouédraogo.

Afin de renouer les cinéphiles avec leur passion, Pub Neere et 226 Wood ont donc opté pour des films de proximité avec des thématiques qui gravitent autour des faits sociaux : la corruption, l’amour, la violence, le gout effréné de l’argent etc. tout ceci teinté d’actions, de suspens avec une dose de moralité. «Gandaado» présenté officiellement le 2 mars dernier est un long métrage d’actualité. La jeunesse de nos jours refuse de plus en plus la misère et la souffrance. C’est vivre dans l’opulence à tout prix, peu importe la méthode et le risque. Malheureusement, la fin est toujours triste et fatale.  Braquage, agression, pratiques occultes, sexe, prostitution drogue et violence sont les maîtres mots d’une jeunesse obnubilée par le désir débridé pour l’enrichissement illicite.

Tournée en trois semaines par une équipe jeunes et dynamiques avec des acteurs à la fois aguerris et novices, «GANDAADO» présente toutes les facettes du cinéma. Bon jeu d’acteurs de la plus part des comédiens à l’instar de Johny Bingly Heu Mandjem, Maguette Ndiaye, Chilfried Charly Regtomba… Un scénario qui passionne les cinéphiles mais qui mérite plus de synchronisation et de coordination. Les prises de vues et certaines séquences du film ont brillé par leur incohérence. Une charte filmographique contribuera à améliorer la qualité du montage, des prises de vue et de la voix.

L’absence d’un budget conséquent dans la réalisation d’un tel projet cinématographique ne doit pas néanmoins occulter le respect de quelques notions fondamentales. Le plus important, c’est le scénario. Il doit être bien ficelé afin d’être agréable à regarder. Néanmoins, l’un des points positifs du scénario de «Gandaado» c’est la chute finale. Elle a été bien trouvée afin que les gens soient surpris et ne puissent pas le deviner dès le début. Mais il faut aussi réussir à trouver un scénario qui peut se dérouler dans les mêmes décors, avec peu de personnage, pour que le budget ne soit pas trop important. Il est possible de tourner le film en intérieur et en extérieur, mais il faut essayer le plus possible de créer un film qui a une unité de lieu et peu de personnages. «Nollywood» en est le parfait exemple.

Après “Coup d’Etat”, “Gandaado” bientôt “ELLES?”

Conscient du fait que le projet 226 Wood ne pourrait se développer sans la volonté d’une jeunesse audacieuse avec des techniciens soucieux de l’avenir du cinéma burkinabè, Rakis en s’associant à Serge et bien d’autres ; tout porte à croire que, la mayonnaise prendra vaille que vaille. La preuve : le troisième long métrage «ELLES ?»  est déjà dans les starting-blocks. Prévu dans trois mois.

Hervé David HONLA

 

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