«Yeel-Somdé » saupoudré de modernité
Toutes femmes qui ont pris à bras-le-corps leur profession au Burkina Faso, ont toujours été des modèles de développement et de combativité. Des exemples sont légions et l’artiste Nana Bibata en est le parfait exemple. Vingt-sept albums en vingt-cinq ans de carrière, plus de cinq mille spectacles et toujours au sommet de son art. Le 6 février 2020 du côté de l’esplanade du stade d’entrainement de l’ASFA Yennenga, cette cantatrice chevronnée a réuni les barons de la musique burkinabè pour présenter son 27è album baptisé «Yeel Somdé». Premier constat ; la vedette de la chanson traditionnelle a ouvert une fenêtre vers la modernité.

Etablir un parallèle entre la musique dite traditionnelle et la modernité est une démarche très complexe. Surtout quand on a longtemps glané des succès dans un domaine où l’on excelle le mieux. A nos yeux, cette complexité pourrait s’expliquer de prime abord, par le caractère antithétique de ces deux styles. Ce qui généralement développe entre eux, une apparence conflictuelle. De plus, cette difficulté serait également considérée comme la conséquence des problèmes sémantiques qui les entourent. Ainsi, pour mieux appréhender ces deux styles, il conviendrait que l’auteur puisse davantage approfondir les notions fondamentales de la chanson et des instruments qui l’entourent.
Tel est le cas pour Nana Bibata. Elle nous offre à travers cet opus «Yeel Somdé», un savant mélange de sonorités d’inspiration traditionnelle enfarinées de musiques urbaines qui vont même jusqu’à titiller le rythme Salsa. Une grande première dans le répertoire de celle qu’on a toujours considéré comme étant la gardienne du patrimoine musicale «moaga».
Encore appelé «Reconnaissance » en langue mooré «Yeel Somdé» nous révèle la face cachée de cette chansonnière qui a su assimiler le Lounga au Piano dans le titre «paag-la-Tedo » en collaboration avec Johnem. Ou encore le Bendré à la Kora dans le titre «Mounafica» en featuring avec Dicko Fils.

Précurseur de la danse «Kigba», Nana Bibata s’est longuement et admirablement appesantie sur des thèmes pertinents tels que l’amour de son prochain et l’honnêteté. Deux tubes non des moindres à savoir «Yaaba» et «Yeel Somdé» sont considérés comme des hymnes pour la paix et à la cohésion sociale. En s’attachant des services de l’intrépide arrangeur Laly Tchemba dit Kevinson, tout porte à croire que le Grand Prix en Vedette de la Chanson Traditionnelle à la SNC 2010 voudrait inexorablement urbaniser sa chanson.
Elle a su happer son immense expertise de la tradition pour la transposer au présent voire au futur, en tenant compte des mutations que la musique subit au quotidien. En écoutant «Yeel Somdé», il ne s’agirait plus de taxer la musique burkinabè d’obédience traditionnelle, comme une musique qui appartient à une époque révolue. Mais bien au contraire ; susciter auprès de la nouvelle génération, le désir de coopter les rythmes locaux pour l’incorporer dans les musiques urbaines.

En présentant donc cet album de 10 titres à l’ensemble de la presse nationale et surtout devant un parterre d’artistes expérimentés tels que : Zougnazagmda, Idak Bassavé, Dez Altino pour ne citer que ceux-là, il n’est un secret pour personne que la diva, allait s’en tirer avec des liasses importantes de billets de banque.
L’autre challenge restant, c’est d’arriver à s’infiltrer dans le monde digital de la promotion. Un monde qui va de plus en plus grandissant. Le fait de produire un album d’une telle coloration c’est déjà un atout. Arrivé à le mettre dans le circuit en est une autre. Espérons que grâce au toilettage qu’elle a farouchement opéré dans son staff managérial ces derniers mois, une nouvelle Nana Bibata plus émancipée vient de voir le jour.
Seule zone d’ombre : Au regard du statut honorable qu’elle occupe sur l’échiquier national, Nana Bibata devrait aujourd’hui bénéficier d’un accompagnement digne de son rang. Ces nombreux donateurs et admirateurs pouvaient l’offrir un cadre plus enchanteur que l’esplanade d’un stade poussiéreux pour sa conférence de presse. Cette ambassadrice de la musique burkinabè mérite mieux que ça.
Hervé David HONLA