Arsène Donessouné (SG de l’Association des Burkinabè de Houston)
Edito Entretiens

Arsène Donessouné (SG de l’Association des Burkinabè de Houston)

«Les Burkinabè de Houston veulent servir leur pays»

Ce Burkinabè résidant à Houston depuis déjà six ans, est le Secrétaire Général de l’Association des Burkinabè de Houston (ABH) depuis aout 2019. OXYGENE MAG a réalisé un entretien exclusif et inédit de 15h d’horloge entre Ouagadougou et Houston (du Dimanche 10 au lundi 11 novembre 2019 non-stop heure du Burkina Faso).

Arsène Donessouné exerce dans «le  département de Justice» dans l’Etat du Texas aux Etats-Unis. Il est également entrepreneur privé et diplômé en Master International Bisness à «Baptist Huston University». C’est parfois avec un langage mixé d’accent américain (quand il est calme) et Burkinabè (quand il hausse le ton), que notre reporter s’est entretenu  avec le SG de l’ABH.

C’est avec plein de détermination et d’indignation qu’il s’exprime sur plusieurs sujets relatifs à son pays le Burkina Faso. La récente visite du PF aux Etats-Unis. Le fonctionnement de l’ABH. La situation délétère de la diaspora burkinabè aux Etats-Unis et à Houston en particulier.  La question de l’immigration et de l’administration burkinabè. Le comportement des Hommes politiques burkinabè sur le sol américain, la question de la réinsertion des étudiants compétents au Burkina Faso. La question fondamentale de l’emploi des jeunes. Les récentes attaques sur la route de Boungou et aussi et surtout ; ce mot «volontaire» qui trépigne sur toutes les lèvres des burkinabè. Sans oublier cette curieuse décision du maire central de Ouagadougou, qui l’a particulièrement abasourdi.

Lisez plutôt ! 

Depuis combien d’années êtes-vous installés aux Etats-Unis, notamment à Houston ? Qu’est-ce qui vous a motivé à militer dans cette association ?

Je suis arrivé aux Etats-Unis en septembre 2013. C’est le dynamisme et la solidarité qui gangrènent cette association qui m’a sincèrement motivé à adhérer. C’est avec dévouement et militantisme que j’agis dans cette association donc les objectifs sont en phase avec mes idéologies.

L’ABH existe depuis  combien d’années ? Et quels sont les objectifs fondamentaux de cette association ?

L’Association des Burkinabè de Houston existe depuis 2004. A la création de l’association, l’objectif était d’abord de réunir tous les burkinabè vivants à Houston, au Texas. L’objectif majeur était aussi de faciliter l’insertion socioéconomique, estudiantin des Burkinabè vivants dans l’Etat du Texas. Avec l’agrandissement de la communauté, le volet culturel a été développé pour créer ce brassage entre les américains «Houstoniens» et les burkinabè.

Quelles sont les activités concrètes que vous avez déjà menées?

L’association a mis en place un système de «Scolarship». C’est une bourse qui existe depuis plusieurs années. C’est un système qui accompagne et récompense les étudiants burkinabè méritants au cours de l’année académique. On les offre cette bourse pour les permettre de s’inscrire pour les prochaines années. Au-delà de ça ; elle a aussi institutionnalisé le système de «Mentor» qui consiste à épauler aux étudiants un parrain. Des burkinabè qui viennent d’arriver sont confiés à des «Mentors» qui les accompagnent sur le plan académique. Ils les aident dans le cadre de leur insertion dans la vie active, socioéconomique et professionnelle. Sur le plan «Back Home» c’est-à-dire le retour au Pays, chaque année l’association fait une collecte des dons qu’elle envoie aux personnes démunies via un Parent, un ami burkinabè qui rentre au pays. Nous avons un partenariat avec une association burkinabè «Ste Chantal» avec laquelle l’ABH collecte des dons qu’il offre aux personnes en situation difficile via cette association. Ces dons permettent de prendre en charge la scolarité de ces enfants en difficultés au Burkina Faso. L’ABH a également offert des dons de matériel à l’hôpital Yalgaldo de 2014 à 2016. C’est devenu en quelque sorte, un devoir pour nous.

Qui finance votre association ?

L’ABH tire son financement de trois principales sources : Il y a d’abord la cotisation des membres actifs et sympathisants. Nous avons aussi des entreprises privées burkinabè présentes ici à Houston qui soutiennent financièrement l’association en tant que partenaire. Et enfin, il y a un document que l’Etat du Texas a octroyé à l’association en guise de reconnaissance, comme étant une organisation à but non lucrative. Ce document permet à l’association de recevoir d’éventuels soutiens financiers de la part des entreprises américaines.

Est-ce que l’ABH coopère avec des hommes politiques Burkinabè de l’ancien et de l’actuel régime ?

L’ABH est apolitique ! C’est surtout ce qui fait notre force ici à Houston. Je le confirme en ma qualité de Secrétaire de cette association, nous n’avons aucun lien avec un homme politique quel que soit le bord où il appartient. Ni au Burkina, ni ici à Houston. Mais de façon individuelle, je ne sais pas…des membres peuvent avoir des parents politiciens, mais ils n’interviennent pas dans l’association…

…Est-ce que l’ABH collabore avec les autres associations burkinabè des autres Etats ?

Effectivement, nous coopérons avec les autres associations, notamment, l’association des Burkinabè de New-York, de New-Jersey, de Washington, Dallas, Colorado, du Nebraska…Bref ; nous sommes en relation avec toutes ces associations. Mais chaque association est indépendante et organise ses activités en fonction des réalités sur le terrain. Les priorités ne sont pas les mêmes. Tout dépend des réalités de chaque Etat. Néanmoins, il y a des activités majeures où nous essayons de participer en guise de solidarité et de cohésion sociale.

Combien de membres ont-ils adhérés à votre association ? Comment les burkinabè de Houston sont-ils réinsérés quand ils retournent au Faso ?

L’association  des burkinabè de Houston compte approximativement 2000 membres. Le volet réinsertion au Burkina, n’est pas encore effectif, car ça relève normalement de l’Etat Burkinabè. Nous demandons sincèrement la participation du Gouvernement burkinabè à ce niveau. L’ABH est limitée sur ce plan, car l’insertion de l’emploi des burkinabè diplômés de Houston au niveau du Burkina Faso est assez complexe. Tout ceci émane de la volonté de la politique nationale. Notre domaine d’action est limité de par nos textes mais aussi des moyens. L’Etat devrait créer une politique d’insertion qui permettra aux diplômés de Houston de pouvoir s’intégrer au Burkina Faso. C’est un problème fondamental qu’au niveau de l’association, nous essayons de porter le plus haut possible. C’est un domaine vaste et sensible qui mérite que l’Etat burkinabè y réfléchisse convenablement.  Nous avons la volonté de le faire, mais nous sommes limités par les moyens et nos textes ne nous le permettent pas. Par ailleurs, nous avons beaucoup de nos compatriotes ici qui ont fini. Mais il y a cette crainte de rentrer sans boulot et pourtant, ils possèdent des compétences. Ils ont été suffisamment formés dans des meilleures universités et dans des domaines divers. Mais difficiles de se faire intégrer au pays. On y pense et j’avoue qu’on est mieux que chez soi. On pense à revenir servir notre chère patrie mais hélas, il n’y a aucune mesure d’accompagnement pour une meilleure réinsertion. Vous êtes d’accord  avec moi, que lorsqu’on quitte le pays, six ans voire sept, il y a un changement viscéral et beaucoup de facteurs rentrent en jeu. Au pays aussi, nous avons des diplômés qui peinent à trouver de l’emploie ; Je pense que ce n’est pas seulement un problème d’insertion, mais également un problème d’emploi.  Même au pays, nous avons aussi des diplômés qui sont à la recherche désespéré de l’emploi. Il faut vraiment que l’Etat mette en place, une véritable politique de réinsertion des jeunes diplômés.  Un pays ne se développe que, lorsque toutes les compétences, Fils et Filles du pays sont tous réunies. Les anciens accompagnent les jeunes dans le domaine de la réinsertion et de la transmission. Ensemble, nous ferons du Burkina Faso, un pays prospère. Actuellement, nous jouons la carte de la chance, rien n’est sur et c’est dommage. Malheureusement, les membres du gouvernement brillent par leur discours. Ils viennent ici à Houston, on leur pose le problème mais, ils repartent avec des promesses fallacieuses. C’est dommage, le Burkina Faso perd des cadres compétents en Bank Investissement, en Economie, en Bisness, des comptables, des géologues etc.

(De gauche à droite) Madame GuesWende Mireille Pulcherie Yerbanga trésorière , Fidelis Idogo président ABH et Arsène Donessoune Secrétaire Général tous de l’ABH

Au-delà de cette question de réinsertion, quelles sont les difficultés dont l’ABH est confrontée en ce moment ?

Les problèmes que les Burkinabè de Houston rencontrent régulièrement, c’est la question d’établissement des documents administratifs burkinabè. Entre autre, on peut citer : les actes de naissance, les certificats de nationalités Burkinabè, la pièce d’identité burkinabè, le renouvellement de passeport, la carte consulaire… Lorsqu’on veut les faire ici, soit on rentre complètement au pays, ou on se déplace à plus de six heures de vol d’avion. D’où la question des moyens ; payer un billet d’avion, une prise en charge de son séjour etc. Juste pour faire un document administratif ?! L’autre difficulté est sanitaire. Surement vous avez lu sur les réseaux sociaux notamment Facebook, des compatriotes qui sont décédés de façon subite. Le rapatriement des corps pose réellement un problème. Tout comme les cas de maladies graves où le patient a épuisé toutes ses ressources et n’arrive plus à se faire rapatrier au pays. L’assurance à un certain moment n’arrive plus à couvrir les frais. En effet, si vous travaillez, l’assurance couvre vos frais de maladie jusqu’à une certaine période. Si vous ne revenez pas au travail, elle suspend les frais. Tout cela, c’est l’association qui supporte toutes ses charges. Le troisième problème concerne l’immigration. Nous n’avons pas d’assistance juridique des burkinabè de Houston. Nous vivons des situations déplorables que nous faisons face à tout moment. On s’informe par le biais des rumeurs ou en écoutant les uns et les autres. Ceux qui ont pu s’en sortir, on essaye aussi de copier en tâtonnant. Bref, on se conseille entre nous en s’inspirant des expériences mutuelles. Nous avons demandé à maintes reprises au Ministère des Affaires Etrangères, d’ouvrir un consulat à Houston. Même au niveau du CSBE  présidé par Rachid Barry qui réside ici, nous avons demandé lors des échanges antérieurs, qu’il y ait un consulat. La communauté burkinabè de Houston est de plus en plus nombreuse. Par conséquent, une représentation administrative allait beaucoup alléger certaines charges. En somme, ça sera une épine de moins. Le consulat va permettre de régler beaucoup de problèmes ici. Au-delà de ça ; le consulat pourra rassembler davantage les burkinabè et recenser les compétences des uns et des autres afin de les orienter vers leurs domaines respectifs. Nous ne sommes pas aussi nombreux que ça aux États-Unis pour que l’on n’arrive pas à recenser tous les diplômés. Une façon d’avoir une base de données qui permettra aux investisseurs de venir périodiquement embaucher des Burkinabè. Au lieu de prendre des expatriés et les payer à coût de millions avec des 4X4. Il y a des Burkinabè ici qui sont prêts à rentrer, même si on ne leur offre pas ces 4X4. L’essentiel c’est une assurance pour l’emploie. Il y a des domaines ici où des Burkinabè rivalisent avec des américains. Il devrait y avoir des investisseurs burkinabè qui viennent régulièrement ici discuter avec des diplômés pour voir dans quelle mesure, avec des conditions à l’appui, on peut les recruter. Ça se passe ici aux Etats-Unis avec les étudiants. Ça s’appelle des «Jobs Fairs» ! L’Etat pouvait s’inspirer de ça ! Les entreprises minières devaient s’inspirer de ça ! Mais franchement, ça fait mal ! On perd de la qualité, des compétences bon marché. On devrait pourtant créer une base donnée à l’Ambassade pour enregistrer ces compétences prêtes à servir notre pays. Les investisseurs burkinabè viendront échanger avec eux. Nous ne voulons plus des Ministres ici qui nous réunissent pour ne rien dire. Ils viennent seulement ici avec une délégation de cinquante personnes pour nous parler de politique. Ce sont des Chefs d’Entreprises que nous voulons désormais recevoir ici ! Rencontre Etat/Diaspora, c’est tous les jours et rien n’avance ! Nous en avons marre ! Nous voulons du concret avec des résultats probants. Les Burkinabè de Houston veulent servir leur pays. Que cela soit aux Etats-Unis, au Canada, en France etc.  Nous perdons ! Pourtant, quand tu es compétent dans un pays comme les Etats-Unis, c’est facile qu’on te donne les papiers. C’est comme ça qu’ils arrachent nos frères. Pourquoi nous ne pouvons pas le faire avec nos propres fils et filles ? C’est comme ça que nous perdons tous les jours et c’est dommage ! Nous demandons à ce que les ambassades prennent leurs responsabilités.

Comment faites-vous pour gérer ces difficultés notoires ? Peut-on affirmer que vous êtes abandonnés à votre propre destin ?

Merci pour cette question ! Je voudrais être honnête avec vous : Nous sommes laissés à nous-mêmes, ouais ! Nous n’avons pas de représentations diplomatiques. Nous avons récemment élu notre délégué CSBE (Conseil Supérieur des Burkinabè de l’Etranger), Rachid Barry. C’est avec l’ABH et l’Appui de l’Ambassade à Washington  que nous avons eu la possibilité de recevoir une caravane pour l’établissement de Passeport burkinabè. Tout s’est passé cette année en 2019 ! Depuis, il n’y avait rien ! En plus, il y a eu deux vagues : ceux qui récupéraient leur passeport à notre niveau et d’autres qui devaient rentrer en contact avec l’Ambassade à Washington. Disons-nous la vérité ; nous sommes laissés à nous-mêmes ! Nous sommes laissés à nous-mêmes ! Nous sommes laissés à nous-mêmes ! Sur le plan administratif, chacun se débrouille pour avoir ses documents. Il y a d’autres documents que tu ne peux que l’avoir en te rendant au Pays. Si tu as des moyens.  Pour les envois du Passeport tant mieux. Avant, on utilisait DHL, actuellement il ne reçoit plus les passeports. Par conséquent, ceux qui ont leur passeport expiré, c’est la croix et la bannière. Le minimum pour prendre attache avec l’Ambassade, c’est trois à six mois. Soit tu envoies quelqu’un à l’ambassade mais pour cela, il faut qu’il laisse son boulot. Soit tu prends l’avion pour te rendre à Washington pour retirer ton passeport. C’est vraiment dommage ! Il faut vraiment être patriote pour vivre ici ! Car ce qu’on endure ici, c’est très très difficile ! Après autant de peine, les autorités prennent leurs avions, débarquent ici avec dans leurs valises, uniquement des discours du genre : «Oui, il faut songer à rentrer, construire le pays…» souvent tu te demandes ; «Qu’est-ce que vous avez fait ici pour moi, pour me faciliter les choses ?». On ne demande pas de l’argent. D’ailleurs même, le pays n’en a pas. On vous demande d’avoir une vision. C’est notre droit d’être en possession de nos documents. Facilitez-nous l’obtention de ses documents ! Des Burkinabè de Houston étaient même prêts à prendre un local pour abriter un consulat. Mais nous avons besoin d’une autorité administrative! Il y a deux ans, une dame qui est arrivée avec un visa normal. Elle a eu  des problèmes avec l’immigration à cause d’une confusion dans la langue. Rien que pour ça ; elle a été enfermé à l’immigration. Il fallait prendre un avocat. Nous avons cotisé et ça revenait à plusieurs millions de F CFA ! L’Ambassade ne s’en n’est pas occupée ! Nous avons eu beaucoup de cas où nos compatriotes ont eu des problèmes avec l’immigration. L’assistance juridique dont je vous parlais, est que : chacun se débrouille ! Ce ne sont pas des délits de drogue, ni d’agressions, ni de bagarres, ni de deals ou autre non ! Mais des questions mineures. Car le système juridique américain est très complexe. Donc, avec une assistance juridique en termes de conseils et d’assistanat, ça devait faciliter les choses. Nous le faisons avec nos moyens,  mais lorsque ça dépasse nos compétences, on devrait avoir l’assistance de l’Ambassade ou du Consul. Malheureusement, ce sont les burkinabè  vivants ici qui, par leur propre volonté cotisent pour trouver un avocat afin de défendre un de nos compatriotes en prison. Ne prenez pas la prison de l’Immigration  comme si c’est un Burkinabè qui a commis une faute lourde non ! Ce n’est ni un dealer de drogue, ni un braqueur…non ! Ici, nous sommes dans un pays de lois. Tu peux être aux feux tricolores et que le clignotant de ta voiture ne donne pas, on t’arrête. Ton assurance peut être périmée, le temps d’aller renouveler ton assurance, on t’arrête et tu peux même aller en prison. Tout est complexe ici, c’est vraiment un pays des lois. Notre association est débordée et nous n’avons pas d’appui. Pas d’appui financier, mais au moins de l’assistance juridique pour des cas de ce genre.

“Il y a eu plus de louanges envers le Chef de l’Etat que des problèmes” affirme Arsène Donessouné

Est-ce que vous estimez que vos doléances ne sont pas prises en compte ?

Nous avons des cas sociaux ici où l’ABH a saisi l’ambassade, mais nous attendons toujours (rires)… le retour…Concernant la rencontre avec les autorités, j’avoue que c’était une rencontre, à mon avis, politique. Il n’y avait rien de direct et concret avec la diaspora. Il y a eu plus de louanges envers le Chef de l’Etat que des problèmes posés par certaines personnes. Compte tenu du nombre de personnes lors de la rencontre directe avec le Chef de l’Etat la dernière fois, il y a certaines questions qui n’ont pas été abordées. Plus encore, certaines questions ont été survolées et abordées de façon sporadique et expéditive. A l’avenir, il faudra faire des rencontres directes et franches avec la diaspora. Ce sont des critiques constructives que nous formulons. Nous ne sommes pas avec ou contre un régime. Nous avons tous la ferme conviction que ce pays nous appartient à tous et nous avons le devoir d’apporter notre contribution. Quand on aime une personne, on doit être à mesure de lui dire la vérité. Lors de la derrière rencontre, j’avoue que l’ABH a été assez déçu. Car nous étions mobilisés et nous avions beaucoup de préoccupations à formuler au Chef de l’Etat. Malheureusement, ça été plus des exaltations et des louanges à l’encontre du Chef de l’Etat. Lui par moment, il était même gêné ! Il a interrompu certaines personnes. Je dis néanmoins que nous, de la diaspora, nous ne devons pas penser à notre ventre quoi ! Nous devons avoir des comportements exemplaires pour aider nos dirigeants à prendre certaines décisions pour nous aider. Si tout le temps, on doit les caresser dans le sens du poil, franchement, où allons-nous ? Ça ne nous arrange pas,  ni eux-mêmes. Je pense que cette rencontre a vraiment été un fiasco.

Quel est le regard que vous portez sur la situation actuelle du pays qui traverse les moments les plus douloureux de son existence avec cette guerre asymétrique ?

Je voudrais d’abord présenter mes condoléances aux  familles des victimes et souhaiter prompt rétablissement aux blessés. C’est une situation qui nous préoccupe ici en tant que Burkinabè vivant à l’extérieur. Vraiment c’est déplorable et cette situation nous déchire de plus en plus. Nous avons une famille là-bas et nous sommes toujours attachés au pays. Nous prions et nous essayons aussi à notre manière d’apporter notre contribution. C’est dans cette optique que nous sommes en train d’organiser un dîner Gala pour récolter les fonds afin d’aider nos FDS ainsi que les familles des victimes. La collecte de fonds de ce gala ira directement à nos vaillants soldats pour les soulager et alléger les familles des victimes. Nous voulons aussi apporter notre soutien aux veuves des FDS. Quant à notre avis sur cette situation, nous pensons que la résolution de ce problème devrait se faire dans le dialogue. Rassembler les fils et filles du pays, permettra de venir à bout du terrorisme au pays. Sachez que les terroristes ne sont pas les étrangers. Ce sont nos compatriotes burkinabè qui se sont enrôlés dans cette spirale de violences et de barbaries. Si nous nous réunissons dans un esprit de dialogue, je pense que nous pouvons vaincre ce terrorisme.

“la résolution de ce problème de terrorisme devrait se faire par le dialogue” dixit le SG de l’ABH (Extrême droite)

Quel est votre regard sur le discours du PF qui a demandé à chaque Burkinabè de se porter «Volontaire» pour lutter contre ses attaques multiformes ?

Je pense que l’appel du Chef de l’Etat est imprécis. Est-ce un appel à aller combattre sur le front en tant que soldat ? Ou bien c’est un volontariat dans le domaine du renseignement ? Il faut une précision. Mais l’un ou l’autre nous devrions mûrir cette question de volontariat. Est-ce que nous avons tous les outils en place, pour le filtrer ? Je vous disais que les terroristes sont des burkinabè et par conséquent, il faut faire attention. Car on risque aussi de recruter des terroristes en notre sein ! Ils vont infiltrer l’armée. Je pense qu’il faudra davantage la murir. C’est vrai que nous sommes meurtries par les attaques, mais je pense qu’en toute humilité, c’est une décision hâtive prise sous le désarroi. Le problème ne pourrait se résoudre de cette  manière.  Quelle suite on donnera à cette décision ? Quels seront les moyens de contrôle que le Gouvernement disposera pour pouvoir filtrer ceux qui viendront s’enrôler ? Si on n’arrive pas à combattre le terrorisme avec des militaires formés, est-ce que le temps de regrouper et de former les volontaires on pourra vaincre ce terrorisme ?  Ce n’est sous l’effet d’une colère  ou d’un discours précipité qu’on pourra s’en sortir. Il faut encore mûrir la réflexion. Actuellement, je pense qu’il faut restructurer l’armée d’abord. Les hommes qui ont été formé, il faut leur donner des moyens matériels et techniques substantiels.  Nous avons des policiers et militaires formés qui ont été radiés, si on les fait appel en leur donnant des moyens, nous pourrons faire face à ce conflit. On devrait aussi étudier le cas de les réintégrer. Ça coûterait encore moins cher. Au lieu de recruter les volontaires et perdre de l’argent et du temps pour les former. Le temps qu’on forme ces volontaires, les terroristes gagneront du terrain. Je pense que ce n’est pas un problème du nombre, mais un problème de qualité et de moyens. Il faudrait surtout amener la population qui se sent délaisser à avoir confiance à sa sécurité pour fournir des renseignements. Aux Etats-Unis ici, le renseignement est très efficace. La population et la police se font confiance mutuellement. Dès qu’un individu paraît suspect, vous verrez quelqu’un appeler discrètement la police et dans la minute qui suit, vous les voyez devant ce monsieur. C’est ce renseignement de proximité qui fait la force des pays développés. Même quand vous vous retrouvez dans la rue en train de jeter les ordures, la police surgit directement de nulle part avec une amende. Vous vous demandez comment la police vous a repéré ? C’est grâce à la population discrète qui fait confiance à la police qui garde leur anonymat. Ce n’est pas seulement la caméra. Mais au Burkina, ce n’est pas le cas. La population a peur de donner des informations, au risque qu’elle ne soit poursuivie plus tard par l’accusé. Ça ne sert à rien de faire  des communiqués à la presse en communiquant les numéros verts. La population se sent délaissée si elle informe, elle risque des représailles meurtrières. Dommage aussi que les ressources de l’Etat sont gaspillées et spoliées. Nous sommes ici aux Etats-Unis, nous voyons comment ça se passe ! Le niveau de vie de nos compatriotes dépasse ceux des américains. Un pays PPTE comme le Burkina Faso, nous voyons des comportements de certains de nos dirigeants qui ne sont pas citoyens. Comment après, on peut nous faire croire que les ressources sont gérées à bon escient ? Il y a donc un problème de gestion. On ne peut pas nous dire qu’il n’y a pas de moyens et qu’on voit des Ministres burkinabè qui roulent sur des V8. Même les plus riches américains ici, ne roulent pas avec des V8 ici ! Comment peut-on nous faire comprendre que l’Etat n’a pas de moyens pour l’équipement de nos soldats ?! Nous avions récemment lu dans la presse qu’il y a un Ministre  burkinabè qui a construit un château hors de prix dans son village. Le poste de Ministre n’est pas un luxe. C’est une nomination où il vient rendre service à l’Etat et non s’enrichir. C’est une sorte de sacerdoce. Avant de demander à l’Etat de faire des sacrifices, il faut aussi faire des sacrifices pour ton pays. Nous avons des autorités de l’ancien et du nouveau régime qui ont des grosses villas ici aux Etats-Unis. Et paradoxalement, ces mêmes personnes demandent à la population pauvre de céder un mois de leur salaire pour l’effort de guerre. Des décisions vraiment lamentables ! Arrêtons de prendre des décisions de foule pour avoir l’électorat. Arrêtons de rêver et de prendre des décisions qui, logiquement ne sont pas faisables. Il faut aimer son pays et prendre des décisions à longs termes. Ne prononcez pas le nom de Thomas Sankara dans  vos discours qui ne sont pas en phase avec ses idéologies. Je pense que le corps du Capitaine est en train de se remuer sur sa tombe.

Je souhaite une fois de plus toutes mes condoléances au peuple burkinabè et mes pensées vont vers les familles des victimes. A l’orée de l’année 2020, je souhaite une bonne fin d’année à nos compatriotes tout en ayant la conviction que nous allons ensemble, dans le dialogue, éradiquer ce mal profond.

Entretien réalisé par Hervé David HONLA

 

 

 

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