«Ceux qui vous attaquent de face, ne sont pas forcément vos ennemis»
Plus connu sous le nom de Walib Bara, Wahabou Bara est Directeur Général du Bureau Burkinabè du Droit d’auteur (BBDA) depuis le 12 JUILLET 2016. Ce quadragénaire de Beguedo dans le Centre-Est du Burkina, est un passionné de la culture qui se définit comme un «accélérateur culturel». OXYGENE MAG est allé à sa rencontre le 1er novembre 2019 à l’issue de la quatrième Rentrée du Droit d’Auteur (RDA) à la faveur de cet entretien. Il revient sur plusieurs sujets inhérents au droit d’auteur, aux créateurs, à l’industrie culturelle et créative, à son livre et bien sûr, de sa structure le BBDA.

Quel est le bilan que vous dressez à l’issue de le 4è édition de la Rentrée du Droit d’Auteur ?
La Rentrée du Droit d’Auteur a pour objectif principal, une meilleure compréhension du droit d’auteur, par les différentes parties prenantes. La faiblesse de la culture du droit d’auteur est caractérisée par une résistance du paiement des redevances du droit d’auteur, se traduit dans les chiffres. Sur le continent, en termes de perception, nous faisons moins de 1% des collectes mondiales. Donc plus de 50% de ses collectes sont concentrées en Afrique du Sud et en Algérie. Pour pallier à cela, nous nous sommes dit qu’il était important que l’on puisse organiser des Journées Portes Ouvertes du droit d’auteur. Des rencontres dans lesquelles puissent participer, les différentes parties prenantes. Les titulaires de droit d’une part et les utilisateurs d’œuvres de l’esprit d’autres parts. Mais également pour que les bureaux de droit d’auteur puissent se remettre en cause sur des outils plus appropriés afin qu’on puisse expliquer en français facile que le droit d’auteur n’est ni un impôt ni une taxe. Mais juste un équilibre qui permet une rémunération juste pour les titulaires de droit. Cela permet aussi aux utilisateurs de dynamiser leurs activités. Pour cette quatrième édition, avec le basculement à l’ère du numérique, nous nous sommes dit qu’il était important qu’on se penche sur la question des contenus nationaux et la question du droit d’auteur. Nous avons dans nos Etats Africains de façon générale, des bureaux de droit d’auteur qui sont sous tutelle des Ministères de la Culture pour certains et sous la tutelle des Ministères de la Justice pour d’autres pays. Pendant que les régulateurs sont aussi dans un autre côté. Ce cloisonnement ne peut nous permettre d’atteindre les résultats escomptés. Vous constatez que lorsque vous prenez un programme télé, vous verrez que tous les quotas ne sont pas toujours respectés. Quand vous prenez les missions des régulateurs, il est fait cas de la promotion culturelle assortie de quota pour les œuvres d’expressions nationales et pour les œuvres d’expressions africaines. L’idée c’est d’attirer l’attention à toutes ses parties prenantes qu’on puisse parvenir à une judicieuse articulation entre les bureaux de droit d’auteur d’une part et les régulateurs d’autres parts, afin que le droit d’auteur puisse être respecté dans sa globalisation.
Est-ce que la digitalisation, notamment Internet n’influence-t-elle pas négativement les contenus nationaux ?
Avec l’explosion du numérique, tout le monde peut être producteur de contenu. A titre d’exemple ; regardez un influenceur sur les réseaux sociaux à l’image de Daouda Toe qui fait des petites blagues sur sa page facebook et qui est très suivi. C’est un producteur de contenus ! Il suffit qu’il ait un encadrement pour qu’il puisse monétiser le fruit de sa création. Avec ce basculement à l’ère du numérique, nous sommes envahis des programmes exogènes. Ces programmes qui sont conçus avec des modes de comportement en rupture avec notre mode de vie et notre système de cohésion. Prenez les Télénovela ou vous voyez le père qui est amoureux de la même fille que son fils. Avouez qu’à long termes, ce sont des comportements qui pourront dénaturer notre société. Où allons-nous ? Que voulons-nous devenir ? Et que souhaiterions-nous réellement laisser à notre descendance ?
En qualité de DG du BBDA pourquoi ne pas demander purement et simplement l’interdiction des Télénovelas ?
Nous n’avons pas à interdire, mais plutôt à respecter les textes. Ces textes disent que les éditeurs doivent respecter les quotas et c’est bien défini dans les documents du Conseil Supérieur de la Communication (CSC). Au niveau du Bénin, ils accordent 60% aux contenus nationaux, 30% aux contenus africains et 10% aux contenus internationaux. Il suffit juste qu’on relise nos textes et qu’on les adapte. Le basculement au numérique qui doit être un levier pour que nos titulaires de droit puissent s’en sortir convenablement, contrairement à l’environnement analogique. Indépendamment du côté économique, il y a l’enjeu culturel, parce que les œuvres artistiques et littéraires véhiculent les identités de nos pays. Quand on fait un film brésilien, l’objectif du réalisateur c’est de véhiculer la culture brésilienne etc. Quand un monsieur comme Aboubacar Diallo ou encore Adama Roamba va faire un film burkinabè qui vous parle de la «forêt du Nyolo» c’est pour aborder la question de l’environnement avec l’installation des mines. Ce sont des sujets qui touchent notre réalité, ce sont des choses sur lesquelles nous pouvons nous inspirer afin d’avoir une société plus épanouie. Nous avons hérité d’un système où nous sommes des simples consommateurs des produits manufacturés. Mais lorsque ça touche à notre imaginaire, à notre intelligence, je pense qu’on doit opposer une résistance assez farouche.

Quelles sont les recommandations qui ont été prisent à l’issue de la 4è édition de la RDA ?
Cette quatrième édition avait rassemblé les huit responsables des bureaux de droit d’auteur de l’espace UEMOA et les régulateurs. Trois recommandations fortes ont été formulées. L’une à l’attention des bureaux de droit d’auteur, afin que ces bureaux puissent mener une synergie d’action. Qu’ils puissent dynamiser leurs activités avec le partage d’expériences afin que les autres bureaux tirent les autres vers le haut. En somme, une sorte de mutualisation entre les bureaux de droit d’auteur. La deuxième recommandation est à l’attention des Ministères de la Culture qui assurent la tutelle technique des bureaux de droit d’auteur. C’est d’accompagner conséquemment les bureaux de droit d’auteur, afin qu’ils puissent mener leurs activités de sensibilisation sur l’importance du droit d’auteur dans le développement culturel. Enfin, à l’attention des régulateurs de l’espace UEMOA ; c’est l’organisation d’un atelier sous régional avec toutes les parties prenantes, afin de définir la notion d’œuvre d’expression nationale. Avouons que dans nos législations, l’œuvre d’expression nationale n’est pas bien définie. Elle ouvre un boulevard qui fait qu’on loge un peu de tout : des magazines de sport, des émissions de débat à l’intérieur. Surtout la définition des quotas de ses œuvres d’expressions nationales doit être bien perçue de tous.
D’aucuns ont mentionné que les rencontres étaient élitistes. Qu’il n’y a pas eu cette proximité avec les consommateurs sur le terrain…
Je ne partage pas ce point de vue. Parce que ; la veille de la RDA, il y a eu une rencontre avec les utilisateurs d’œuvres. Chaque fois quand nous allons dans une ville, la direction qui est concernée par cette activité organise une rencontre. Il y a donc eue une rencontre le 23 octobre dernier à Tenkodogo, entre la direction du réseau clientèle du BBDA et les utilisateurs de la ville de Tenkodogo sur l’importance du paiement de la redevance du droit d’auteur. Donc pour moi, ils ont été associés et puis également ils sont membres des différentes instances du BBDA.
Vous avez publié récemment un livre intitulé «Droit d’auteur : comment en tirer profit ?» A qui est-il destiné ?
Ce livre est un instrument de travail, à l’image d’un musicien, instrumentiste qui grince sa guitare chaque matin ou un pianiste qui cherche chaque matin ses notes. Il définit dans un langage assez accessible, la notion du droit d’auteur, ses prérogatives et pose la question de la corrélation entre le droit d’auteur et les industries culturelles et créatives. Parce que généralement, on ne le fait pas. Car on a l’impression qu’il y a le droit d’auteur quelque part. Dans d’autres pays c’est sous la tutelle de la Justice parce qu’on parle de «Droit». En somme, il y a cette maldonne entre la compréhension des droits d’auteur et l’industrie culturelle et créative. Il était important de montrer cette corrélation dans l’ouvrage. Il était également important de montrer que le droit d’auteur peut être une source d’attractivité géographique. Mais il y a également la question de droit d’auteur et l’action sociale. Le droit d’auteur qui est aussi un sous-secteur de la culture, a pour mission d’accompagner la politique nationale de la culture. On en parle très peu et c’est dommage. Ce livre essaye de sortir ses éléments et j’ouvre une fenêtre sur ce que j’ai appelé les segments porteurs. Avec le basculement à l’ère du numérique, comment les titulaires de droit doivent s’accommoder aux nouvelles niches ? Notamment, la musique de films, la musique de publicité etc. J’avais voulu partager cette expérience avec ce minimum de légitimité que j’ai, pour avoir été auteur, producteur, éditeur, manager et aujourd’hui gestionnaire de bureau de droit. C’est l’ensemble de toutes ses actions qui ont été transcrit dans ce livre.
Vous avez évoquez dans votre livre les faiblesses du BBDA, notamment la gestion conséquente de l’exploitation des œuvres sur internet. Est-ce une équation impossible à résoudre dans votre département ?
En réalité la gestion collective de droit d’auteur est fondée sur le principe de la territorialité. Il appartient au BBDA de gérer les œuvres qui sont exploitées sur son territoire. En dehors de son territoire, le Bureau n’a pas la capacité, ni l’argument juridique de collecter les redevances et les faire parvenir au profit des titulaires de droit. Avec Internet qui pose la question de licence transfrontalière, cette équation devient encore plus accrue. Alors ; que faut-il faire ? Quand vous prenez des plateformes comme GAFA (Google, Apple, Facebook, Amazone), qui sont installées dans les grandes Nations et qui arrosent le continent africain avec tous ses contenus et tous ses œuvres, c’est parce que ces GAFA connaissent nos lois ! Ils savent que notre faiblesse réside dans la question de la territorialité. Donc, il faut pouvoir identifier d’abord ; Un : Que nos œuvres sont exploitées par ces GAFA-là. La question de l’identification pose le problème de la traçabilité des œuvres. Pour tracer aujourd’hui les œuvres, il faut qu’elles aient des identifiants. Il y a des codes qui sont affiliés dans chaque filière. Par exemple dans la musique il y a IPI, ce sont des identifiants des œuvres qui sont exploitées à l’extérieur. En ce moment, vous avez la possibilité de retrouver ces œuvres-là et de les comparer à votre répertoire pour enfin réclamer les redevances via l’accord de réciprocité. Donc nous avons un problème d’identification de nos œuvres. On doit donc travailler à l’intérieur nos bureaux respectifs. Au niveau du BBDA, la démarche a déjà débuté. Il y a beaucoup d’œuvres qui sont inscrites sur IPI, on essaye aussi dans d’autres codes… c’est un problème technologique également, ça demande des ressources et des compétences dans le domaine informatique qu’il faut combler. Deux ; Ces grosses puissances-là, ont modifié carrément l’écosystème culturel ! Parce qu’avant, lorsque vous êtes un producteur d’album avec l’artiste, le contrat est bien défini et les différentes parts sont connues. Mais ces GAFA captent presque 85% du gâteau, il n’y a que 15% des producteurs de contenus. Ce qu’il faut faire, c’est d’avoir une solution concertée au niveau sous régional. Au niveau du comité africain de la CISAC ou le BBDA assure la vice-présidence, nous travaillons à mettre en place «un Hub». C’est un système où tous les bureaux d’un même espace accordent leur répertoire à cette entité qui va se charger de négocier avec ces puissances-là. Quitte à ce qu’elles nous fassent la répartition entre organisme de gestion collective. C’est un combat qui est très difficile ! Vous savez, ce sont des grosses puissances. Ce sont des géants à telle enseigne que, même dans les Nations développées, elles ont des difficultés à percevoir malgré qu’ils soient sur leur territoire. Il n’y a pas de mal à ce qu’on puisse fédérer nos actions dans l’espace africains pour pouvoir donner une réponse proportionnelle à la question du numérique.

Vos membres continuent certainement à poser des revendications quand arrivent les sessions de paiements de leurs droits. Est-ce que le BBDA arrive à recouvrir l’ensemble des œuvres de ses membres exploitées sur l’ensemble du territoire national ?
On essaye tant bien que mal. Vous savez qu’actuellement avec le contexte délétère, il est très difficile d’avoir un regard sur toute l’étendue du territoire. Mais on travaille chaque jour à créer des cadres de rencontre avec nos utilisateurs d’une part, afin qu’ils comprennent également que les temps sont difficiles. Le contexte sécuritaire oblige, morosité socio-économique… Le cas des hôteliers par exemple qui traversent des moments très difficiles. Quand ils payent toutes leurs taxes et que vous venez aussi avec la question de droit d’auteur, convenez avec moi que, ce n’est pas du tout facile. On essaye quand même d’alléger en offrant des possibilités de paiement plus souple sans aucune pression sécuritaire. Mais il y a des zones rouges sur lesquelles on ne peut pas s’y rendre au risque d’exposer mes collaborateurs. Avec les créateurs également, vous avez suivi le débat chaud sur la question des coefficients… Mais je crois que de plus en plus, les différents acteurs commencent à comprendre la démarche. Comme on l’a dit, nous ne sommes pas détenteur d’une vérité absolue. La vérité d’hier n’est pas forcément celle de demain. Mais chaque fois qu’on se rencontre, on essaie de commun accord, de trouver les réponses idoines. Le droit d’auteur sera ce que tous les acteurs souhaiteraient qu’il soit.
Quelles sont vos grosses niches de perception ?
Aujourd’hui ce sont les téléphonies mobiles. Nous avons revu les contrats avec les téléphonies mobiles. Aujourd’hui c’est le volets le plus intéressant des utilisateurs…
…Sur toutes les filières retenues au BBDA, quelle est celle qui est la plus onéreuse en matière de gain au BBDA ?
La musique est la filière qui rassemble 70% du volume de nos collectes….
…On voyait plutôt les arts plastiques ou le théâtre ?
Au niveau des Arts dramatiques par exemple, les titulaires peuvent avoir des droits intéressants, mais ce n’est pas la collecte la plus importante.

D’aucuns pensent que «l’amour» entre le BBDA et la SACEM serait perçu comme une concurrence pour certains, une complémentarité pour d’autres. Quel rapport votre structure entretient avec le SACEM ?
Le Professeur Serge Théophile BALIMA disait que «La communication, il faut savoir entendre ce qui n’est pas dit». Ce qui n’est pas dit dans nos bureaux de droit d’auteur le plus souvent, c’est que les titulaires de droit ont l’impression que nous sommes un peu chauvins. Il arrive qu’un artiste, après deux trois albums, que le bureau local le gère bien. Lorsqu’il arrive par exemple à avoir un producteur ou un éditeur sur le sol français : qui mieux que le bureau qui est sur ce sol français pour gérer ses intérêts ? A ce niveau, il suffit de faire ce qu’on appelle une «session de territoire». Vous confiez la gestion du territoire Afrique au BBDA, via les accords de réciprocité. Il collecte vos montants et les redistribuent à tous les titulaires. Maintenant sur le sol Européen, vous donnez la compétence à la SACEM qui a plus de 200 années d’expériences et qui peut mieux gérer vos droits. Pour moi, ça ne pose aucun problème. Maintenant, on aurait été chauvin si on n’avait pas organisé ce cadre de rencontre pour permettre à nos titulaires de droit de connaître la vérité avec la SACEM. C’est comme si on avait quelque chose à cacher. Je pense que ; nous voulons nous inscrire dans une dynamique de nouvelle gouvernance qui est empreint de redevabilité. C’est important qu’on dise la vérité aux artistes. Maintenant, comme l’a dit le responsable de la SACEM, il n’y a pas d’intérêt à aller s’inscrire à la SACEM lorsque votre œuvre n’est qu’exploiter dans votre territoire ou dans la sous-région. Ce n’est pas parce que vous faites deux ou trois envolées lyrique dans la communauté que, toute suite, il faut aller à la SACEM. Ça n’a pas de sens ! Cela aura un sens, lorsque le développement de carrière exige des partenaires occidentaux au niveau de vos œuvres. En ce moment, vous pouvez appliquer la session de territoire. C’était ça l’objectif de cette rencontre, d’autant plus qu’elle avait été plus ou moins suscité par des Ambassadeurs du droit d’auteur en la personne de Dez Altino et Imilo Lechanceux. Ils disaient que ; quand ils vont en Europe, ils veulent adhérer à la SACEM mais ne savent pas comment cela se passe. C’est avec Akocthaye Okio de la SACEM qui est un ami (que je remercie au passage), a accepté venir partager l’expérience des mécanismes d’adhésion à la SACEM.
Le phénomène «Industrie musicale» gangrène le milieu artistique musical. Quels conseils pouvez-vous prodiguer aux artistes Burkinabè qui ambitionnent mener une carrière internationale ?
Il ne faut pas se flatter ! On peut travailler sur le plan national avec un manager, un ami du quartier, un cousin ou un neveu, mais à l’international ça ne fonctionne pas comme ça ! Dès que vous vous présentez au marché international, la structure ou la Maison de disque qui décide de travailler avec vous, demandera à connaître votre niveau d’encadrement. C’est-à-dire si vous avez un manager ? Est-ce que vous avez un producteur ? Est-ce que vous avez un éditeur ou un attaché de presse ? Donc il est important que nos artistes commencent à avoir cette démarche. C’est ce problème qui se pose : On a l’impression que si l’on se structure, le gâteau devient mince, non ! Si on se structure, le gâteau va grandir naturellement. Au début c’est vrai, il sera mince, mais après il grossira. Et si le gâteau grossi, naturellement, tout le monde sera content. Au regard de l’expérience que nous avons eu, il est important de bien s’entourer. Etre professionnel.

Malheureusement, il existe des associations des Managers au Burkina Faso, qui, jusqu’à présent, n’arrivent pas à placer leur artiste à l’international. Est-ce une incompétence caractérisée de leur part ?
Souvent on attend beaucoup des managers, mais comme dirait Smockey : «On attend d’un manager qu’il transforme le plat de Benga en plat de pizza» (rires)…Est-ce que, ce Benga est consistant pour que la transformation puisse facilement s’amorcer pour devenir une pizza ? Là aussi est la question ! Il faut aussi reconnaître que, c’est une articulation des deux métiers. Le métier de manager, c’est métier qui est encore très naissant sur le continent africain. Vivre du métier de manager est très compliqué. Je vous donne un exemple : A la SACEM, 4% des artistes de la SACEM vivent de leur droit. C’est pour dire la difficulté que représente ce secteur. Si vous prenez le cas de l’Association des Managers Professionnels de Musique (AMPM), dont j’ai été le vice-président dans les années 2008, c’est à la suite d’une rencontre triennale «Culture et développement» que nous avons montés cette association. Son objectif était de retrouver tous ceux qui exercent ce métier, afin qu’on trouve un cadre permanent de rencontre, de partage de bonne expérience pour que le métier de manager soit un levier pour l’industrie musicale au Burkina Faso. Il y a eu des cas de succès, il y a eu des d’échecs, il y a eu des cas d’incompréhension entre artistes et managers. Mais je pense que cela ne doit pas occulter la dimension professionnelle. Il faut toujours avoir dans l’esprit qu’il faut être professionnel. Etre professionnel, ce n’est pas l’artiste qui décroche son téléphone pour discuter de son cachet. Ce n’est pas l’artiste qui s’exprime en termes de «Gombo». Il y a ce vocabulaire qui me dérange. Donc il faut mettre un vocabulaire approprié. Quand on appelle un artiste pour jouer, il dit directement que c’est combien ? Non !!! Il faut chercher à savoir d’abord la nature de la prestation. Est-ce une prestation playback ou live ? Devant quel public on joue ? Quelle est la valeur ajoutée pour cette prestation ? Et enfin, décider si on y va ou pas. Comment on cumule l’ensemble de toutes ses prestations ? Et comment on monte des dossiers pour après participer à des évènements comme VISA FOR MUSIC, LE MASSA, LE MIDEM…qui sont des tremplins de rencontres ? Si vous êtes habitués à faire beaucoup de playbacks dans la filière musique, vous ne pouvez pas aller vendre vos playbacks à des salons ! Il faut aussi que les artistes fassent l’effort de comprendre que c’est eux les employeurs ! Quand vous êtes artiste et que vous avez la casquette d’employeur, vous devez être capable de payer le billet de votre manager pour qu’il aille à un salon de musique pour proposer vos spectacles live ! Ensuite il vient vous faire un compte rendu et faire une évaluation pour déterminer à quelle étape vous êtes. Les forces, les faiblesses et identifier les leviers pour faire avancer votre carrière. On n’a pas encore d’artiste sur le plan international, mais on ne doit pas rougir. J’ai eu la chance d’avoir tourné dans l’espace CEDEAO, je trouve qu’ici au Burkina quand même, Il y a du boulot qui est fait. Il y a des espaces où l’économie est tellement florissante qu’on a l’impression que c’est le travail des managers, mais non ! C’est parfois l’artiste. Des célébrités comme DAVIDO, Wizkid, vous pensez que leur succès, ils le doivent à leur manager ?! C’est carrément autre chose ! Ce sont des pays où ça va vite, ils sont mal organisés, les bureaux de droit d’auteur ne fonctionnent pas bien. Mais quand on regarde les résultats, on a l’impression qu’il y a une structuration, alors qu’il n’y a rien. Nous sommes en avance en termes de structuration par rapport à eux. Mais on n’a pas encore explosé. Je pense que lorsqu’on va exploser, ça sera de façon permanente sur une longue durée. Il faut garder espoir.
Au niveau du Fonds de promotion culturelle au BBDA, on a constaté que vous avez nettoyé le secteur en rejetant des centaines de dossiers mal montés. Est-ce une façon de prouver votre transparence dans la gestion des fonds publics ?
Le fonds de Promotion Culturelle à l’époque était géré directement par l’administration du BBDA. On a vu que ça créait des problèmes. Peut-être parce que les gens avaient l’impression que c’était une affaire de copinage. On sait dit, qu’en fonction des filières qu’on avait, il faut faire appel à des personnes ressources de ces différentes filières. Afin que ces personnes puissent se retrouver et toiletter ensemble les textes et mettre en place un Fonds de Promotion Culturelle dont l’objectif serait de pouvoir évaluer l’aide à l’action culturelle. Ce qu’on souhaite à travers cette vision de Fonds de Promotion, est qu’on puisse dire ; tel artiste a pu atteindre tel niveau grâce au BBDA. Ensuite, nous avons mis en place ce Fonds de Promotion Culturelle qui est présidée par une chorégraphe en la personne de Blandine Yameogo irréprochable ! Avec des membres à l’intérieur. La direction du BBDA n’a rien à voir avec ce Fonds et il faut qu’on travaille à être transparent. Ce comité pendant les deux ans, a fini son mandat et si tout va bien, en fin d’année, nous organiserons un atelier d’évaluation et voir s’il faut continuer dans cette voie ou donner une nouvelle orientation…

…Vous avez rejetez plus 240 dossiers, ce n’est pas trop ?
Je crois qu’ils ont donné des raisons pour lesquelles les dossiers ont été rejetés. Il y a eu des dossiers qui ont été traités sans précautions, sans concentration de la part des soumissionnaires. Je crois que ça aussi, c’est inconcevable. Il faut que les gens comprennent que nous sommes dans une dynamique où l’on souhaite que le droit d’auteur soit une clé pour l’épanouissement des Industries Culturelles Créatives. Par conséquent, il faut se concentrer lorsqu’on lance ce genre de projet. Quand vous n’êtes pas à jour, vos dossiers sont rejetés et ça c’est normal !
Où en êtes-vous avec le projet Musique de l’OMPI (Organisation Mondiale de la Propriété Intellectuelle) ?
Ce projet musique avait été proposé en 2017 et il a été adopté en 2019. Il sera dans sa phase d’opérationnalisation en 2020. A Dakar en décembre 2019, il y aura une réunion de l’OMPI pour définir les modalités de sa mise en œuvre.
Egalement cette fameuse loi 032 que vous devez présenter à l’Assemblée Nationale. Où en sommes-nous ?
En 2016, nous avions envoyé notre projet de loi qui datait de 20 ans notamment, la loi 032 du 22 décembre 1999 à l’OMPI via le Professeur Formeteu. C’est cet expert qui a été commis à la rédaction de cette loi. Nous avons fait une rencontre en 2017 avec toutes les instances du BBDA, un conseil d’administration, assemblée générale et les parties prenantes du Droit d’auteur à Koudougou. Et en 2018, nous avons fait un atelier plus élargi. Le projet de loi a été soumis en Conseil des Ministres qui a donné l’autorisation afin que le projet de loi, soit soumis à l’auguste Assemblée. Nous croisons les doigts afin, que cette loi soit adoptée cette année pour que sa mise en œuvre débute également en 2020 pour le bonheur de tous les titulaires de Droit d’Auteur.
On dit de Walib Bara, quelqu’un de très futé et magnanime. Celui qui soigne son image avec la presse. Celui qui contacte discrètement les «rebelles» du secteur culturel afin que des heurts n’éclatent pas dans son domaine. D’aucun vont jusqu’à dire que vous êtes bâti pour ce poste. Que répondez-vous à ça ?
(Rires)…
On a l’impression que vous ne savez pas exercer un autre métier que celui de la question du droit d’auteur…
(Rires aux éclats)… mais tant mieux si les gens trouvent qu’on arrive à faire bouger les lignes. C’est le minimum de satisfaction qu’on peut avoir. Je pense que cela est dû aussi au parcours de l’Homme. Parce que, je me suis toujours intéressé à cette question de droit d’auteur lorsque j’étais de l’autre côté (NDLR : Walib Bara était Directeur Général de la structure de Production musicale VISON PARFAITE). Chaque fois qu’il y avait des occasions d’échanger avec les différents responsables qui m’ont précédé au BBDA, je n’hésitais pas. Dès ma prise de fonction également, j’ai passé la majeure partie du temps à consulter les différents ainés pour que leurs conseils puissent m’accompagner. C’est une fonction à laquelle, il faut beaucoup écouter. C’est ce que j’essaye de faire. Mais j’ai ma conviction également que, j’ai l’occasion d’utiliser un outil pour porter la culture burkinabè à un certain niveau…Je pense que ceux qui attaquent de façon frontale ne sont pas forcément vos ennemis. Il y a un chanteur congolais qui disait qu’il préférait la sincérité du piment qu’à l’hypocrisie du sucre. Parce qu’avec le temps, le sucre vous donne le diabète. Même si le piment vous pique, spontanément, je pense qu’il a le mérite de vous dire que ça fait mal, il faut faire attention. Donc ceux qui attaquent le BBDA de façon frontale, et quand les arguments ont du contenu, moi je n’hésite pas en dehors du bureau, à les rencontrer et à échanger. Je souhaite qu’ils ne voient pas le DG du BBDA mais plutôt un acteur culturel. Cet acteur culturel qui a la chance de faire bouger les lignes dans leur sens. Même certains de mes collaborateurs me le disent souvent. Ils disent que «DG, on a l’impression que vous êtes plus du côté des acteurs que du personnel et que vous êtes un peu plus dur avec nous». Dans cette position à laquelle je me trouve, je suis obligé d’écouter tout le monde. D’écouter souvent même les plus virulents, quitte à ce qu’ils acceptent le débat contradictoire. C’est ce qui explique cette démarche avec la SACEM. J’aurais pu dire à Akotchaye Okio, d’aller juste à Tenkodogo et ensuite qu’il retourne à Paris. Mais on a dit qu’il faut qu’il vienne échanger. Lors de la rencontre avec les créateurs, vous avez constaté qu’il y a eu un membre qui est venu de façon frontale. Ça aussi c’est toujours bien, car cela a permis de répondre froidement à ce coup- là…

Avant que vous ne soyez DG du BBDA, vous avez eu des bisbilles avec certains artistes. Où est-ce que vous en êtes avec vos relations concernant ces derniers ? Je pense au Groupe Yeleen, à Smarty…
Quand je collabore avec quelqu’un, j’emporte avec moi, la bonne partie de cette collaboration. Les parties obscures et négatives ne m’intéressent pas du tout…J’ai de très bons rapports avec Mawndoé et Smarty. On s’appelle régulièrement. Nos rapports sont au beau fixe.
Que devient votre ancienne structure, VISION PARFAITE ? On n’entend plus parler !
VISON PARFAITE est devenue une SARL avec d’autres actionnaires qui donnent une autre orientation à la structure. Je ne fais plus partie de VISION PARFAITE dès que j’ai pris fonction, je me suis désengagé de toutes les structures dans lesquelles j’étais, pour éviter toute confusion ou ingérence.
Vos prochains challenges ?
Ce que nous attendons, c’est qu’on souhaite vraiment que cette loi 032 soit adoptée avant la fin de l’année. On croise les doigts pour que le contexte sécuritaire s’améliore, que la situation économique également puisse être reluisante. Et en 2020, nous débutions la mise en œuvre du projet musique avec l’OMPI porté par le BBDA. A partir de 2020, le MIDEM (Marché International de l’Edition de Musique) va s’ouvrir aux pays africains. Il y aura MIDEM Afrique dans les grosses capitales africaines. Il faudrait que nous ayons une structuration qui pourrait répondre à tous ses besoins et j’espère qu’avec notre petite expérience, nous pourrions apporter des réponses idoines et aider la majeure partie des acteurs de cette filière à pouvoir s’en sortir. Pour l’avenir : laissons la prophétie s’accomplir.
Propos recueillis par Hervé David HONLA