«Je suis une fille de Thomas Sankara»
Dans le cadre de la sortie prochaine de son dernier album l’artiste musicienne Jahqueen Theempress résidente à Banjul en Gambie et présente à Ouagadougou pour la circonstance s’est confiée à notre rédaction. Celle qui a commencé sa carrière musicale au pays des hommes intègres y revient pour le lancement d’un maxi single. A notre micro, elle estime être une fille «légitime» du père de la révolution burkinabè Thomas, une filiation et une idéologie qu’elle revendique fièrement.

Pouvez-vous nous relater votre parcours musical ?
Cela fait près de vingt ans que je fais de la musique. J’ai arrêté très tôt les études (depuis l’âge de 15 ans) pour la musique. J’ai commencé dans des studios d’enregistrement en tant que choriste d’artistes de renommé tels que Tiken Jah Fakoly, Alpha Blondy et autres. C’est après tout ceci que j’ai embrassé une carrière solo dans les cabarets en tant que chanteuse. Depuis plus de sept ans maintenant, je poursuis dans ma carrière professionnelle. Mon premier album est sorti et enregistré ici même au Burkina Faso et a été distribué par Seydoni Production. Aujourd’hui, je suis dans mon deuxième maxi single de cinq titres qui sort bientôt. Je suis au Faso pour présenter ce maxi single.
Pourquoi avoir laissé très tôt les études pour la musique ?
Il faut déjà dire que la musique pour moi c’est un don du ciel. La musique c’est ma vie, sans elle peut être que je ne vivrais pas aujourd’hui. Elle me sauve sur plusieurs aspects. C’est une mission pour moi.
D’où tirez-vous votre inspiration ?
De Jah comme on le dit en Rastafari. C’est lui qui m’inspire et me donne le souffle de vie. Il me donne l’inspiration pour emmener son message à son peuple. Je suis une messagère de Jah.
Quel sentiment vous anime dans cet univers reggae qui est généralement dominé par les hommes ?
Il faut dire que ce n’est pas une chose facile. Déjà, l’on est stigmatisé mais cela me donne plus d’armes de le faire parce que je pense que j’ai une mission spéciale en tant que femme africaine. Les femmes dans la musique reggae, ce n’est pas quelque de rare en Jamaïque. Mais ici en Afrique, en tant que femme et rastafari en plus, je peux dire que je suis rare, peut être l’unique pour ne pas trop exagérer. Comme c’est une mission dans laquelle je suis engagée, j’ai le devoir d’être ce porte-flambeau et j’espère que d’ici dix, quinze ans et pourquoi pas après ma mort il y aura beaucoup de femmes qui vont embrasser ce chemin pour conscientiser le peuple africain et surtout les femmes. Voilà pourquoi je suis engagée dans cette musique.

Vous parliez par moment de la Gambie quel est votre part dans l’espace musical gambien ?
Déjà il faut dire que j’ai quitté du Burkina pour la Gambie. Cela fait quatre ans que je réside en Gambie après un long séjour ici au Faso. Pour moi, la Gambie est un pays anglophone où le «reggae-music» est très développé. J’ai voulu aller dans ce petit pays appelé couramment la petite Jamaïque pour élever le niveau de ma musique, me perfectionner et m’ouvrir à d’autres horizons.
Pourquoi ce retour au Burkina vu que tout avait commencé ici ?
D’abord, il faut dire que le Burkina, c’est mon pays de cœur. Je suis une fille de Thomas Sankara et je le revendique fièrement et en tant que Sankariste c’est normal que je revienne chez moi. Mon premier album a été édité et sorti au Burkina et de ce fait je me sens burkinabè. Ce n’est pas une histoire de papier mais c’est une histoire d’âme. J’ai beaucoup de respect pour ce pays. Je ne viens pas au Burkina en touriste mais je viens chez moi. Je demande au peuple burkinabè d’accueillir ce nouveau maxi single
Pouvez-vous nous présenter succinctement ce nouvel album ?
Ce maxi single comprend cinq titres et le titre qui a donné l’éponyme à l’album c’est « Africa must united» ( Afrique doit s’unir). En tant qu’artiste engagée qui sillonne toute l’Afrique, je sens que le peuple africain a envie de cette unité. C’est le constat que j’ai fait durant ma tournée ouest africaine qui m’a conduite au Nigeria, Ghana, Togo, Bénin. Aujourd’hui, je suis au Faso pour ensuite aller au Mali, Sénégal et terminer en Gambie. Je veux emmener ce message d’unité à nos dirigeants parce que ce sont eux qui dirigent l’Afrique. Il faut aujourd’hui qu’ils écoutent le message de la population, de sa jeunesse. Je demande aux dirigeants africains d’être au rendez-vous de l’histoire. Nous les rastafari nous prédisons beaucoup de choses mais la plupart du temps les gens nous prennent pour des fous. Non ! Nous sommes dans la réalité et nous voyons les choses arriver. Aujourd’hui, il est temps que l’Afrique s’unisse. Sur cet opus, j’ai invité deux frères du Ghana et du Togo pour donner l’exemple de l’unité. Il y a d’autres titres tels que « Makéda » la reine de Saba. C’est d’elle que découle le Rastafarisme. A travers ce tube, j’emmène les gens à connaitre l’origine du Rastafarisme. Un autre titre, c’est « Africa sweet » pour dire que l’Afrique est un lieu qui est beau à vivre et les jeunes n’ont pas besoin d’aller sous d’autres cieux pour réussir. Il y a un autre titre qui est «Ornela », du nom de ma fille, à qui ce titre est dédié. Je n’ai pas eu l’occasion de la voir grandir et aujourd’hui elle est une jeune femme. Elle a cru que je l’ai abandonné. J’ai écrit cette chanson pour lui dire que, malgré cette séparation elle est dans mon cœur. J’ai aussi fait un vibrant hommage à Brenda Fassie que vous connaissez tous. J’ai eu l’occasion de l’approcher en tant qu’artiste. Elle m’a toujours fascinée. Si je n’avais pas fait le reggae, peut être que j’aurai fait son style. J’ai voulu lui rendre hommage parce que c’est une grande voix de la chanson africaine. Il y a aussi un titre sur le CFA.

Dites-nous quelque chose sur vos origines?
Je suis camerounaise d’origine et le Cameroun c’est mon sang, il coule dans mes veines. Je n’ai pas une dent contre le Cameroun mais je suis révoltée contre les politiques et ce qui se passe actuellement dans ce pays. Depuis que je suis née, je ne connais qu’un seul président. Je pense qu’il est temps qu’il y ait un changement. Nous, la jeunesse africaine, estimons qu’il est temps de faire la relève. Dans mon premier album «Mama Africa », j’avais dit que si les politiques ne s’occupent pas de la jeunesse ce sera à la jeunesse qui s’occupera d’eux. Ça commence à venir….
Pour conclure…
…Je prie et je demande au peuple burkinabè de s’unir. Je crois en la jeunesse burkinabè. Cette jeunesse doit rester focalisée sur ce qu’elle veut et non ce que les autres veulent pour elle. L’avenir appartient à la jeunesse, l’avenir de ce pays et l’avenir de toute l’Afrique. Notre combat aujourd’hui, c’est que l’Afrique s’unisse et cela ne doit pas se limiter au Burkina Faso seulement mais que l’Afrique devienne un seul pays.
Entretien réalisé par Bessy François SENI