«C’est l’acceptation de la contradiction qui fait avancer une société»
Ildevert MEDA est un metteur en scène, comédien, écrivain dramaturge, interprète au cinéma, traducteur de script et formateur dans les écoles de cinéma partout dans le monde. C’est une figure de proue dans le monde l’Art.
Il s’exprime sur la situation du vivre ensemble qui semble déguerpir le Burkina Faso.
«…Il faudrait que cela amène les gens à se questionner sur la question de vivre ensemble. Personne ne sortira me dire que, ce matin je n’ai pas frappé ma femme. Parce que, juste au moment où je voulais me laver, j’entendais une musique de Georges Ouédraogo sur la paix. Pourtant Georges n’a fait que chanter. Il n’ira pas dire ce qui l’a poussé à ne pas commettre cet acte ignoble. Il ne dira pas aussi comment cette musique l’a fait transformer. Simplement une chanson pour le plaisir, peut contribuer à changer un homme. Donner un spectacle d’humour, donner un spectacle de théâtre, faire un film…Et là, je voudrais rendre un hommage à Damien Glez, qui a écrit la série mythique «3 hommes, 1 Village». A cette époque ; il parlait de la possibilité qu’un coutumier puisse vivre en symbiose avec deux entités de personnages totalement contradictoires avec des pratiques religieuses différentes. Tout cela, c’était il y a quinze ans en arrière qu’un artiste l’avait pensé. Si un artiste a devancé le politique quinze ans en arrière, en parlant d’un thème sur la cohésion sociale, qui est d’actualité de nos jours, c’est dire que les artistes sont des pacificateurs. Si des séries de ce genre étaient régulièrement bien diffusées à l’heure actuelle sur nos différentes chaînes de télé, on ne devait pas arriver là où nous sommes. Qu’une communauté se lève contre une autre communauté, on n’a jamais connu ça ici au Burkina ! Parce qu’il y a toujours des voies et moyens de réparer ça. Nous sommes les premiers praticiens de l’art, à comprendre que nous sommes quand même le sel de la terre comme on dit, c’est notre rôle ! Et nous devons le jouer. Nous sommes des artistes. Nous sommes des imitateurs de lieu. Nous rentrons dans le cœur des gens.
Nous ne sommes pas des théoriciens, nous bousculons des gens par leur ventre. Les gens qui se sont assis ensemble et qui ont partagé ensemble un rire, c’est un acte de paix gratifiant. Je pense qu’il faut d’autres personnes pour l’expliquer. Ce n’est pas à nous de le faire et de venir réexpliquer ! Nous sommes conscients de l’importance de l’art et de la culture. Quand les gens comprendront que ; 10 personnes qui se mettent ensemble pour créer un petit spectacle d’1 heure, et prennent 2 mois voire 3 mois, pendant 8h de travail par jour… Si jamais on donnait l’occasion à un plus grand nombre de notre population, de partager ces instants magiques, beaucoup de comportements changeront. Malheureusement nos sociétés cultivent l’équilibre, pourtant une société équilibrée n’avance pas. C’est le déséquilibre qui fait avancer. Nous nous asseyons sur des assurances et pourtant ont stagne, on ne bouge pas. Mais, c’est avec le déséquilibre qu’on avance. Tout le travail de l’art, c’est la culture du déséquilibre. C’est l’acceptation de la différence et de la contradiction qui fait avancer une Nation. C’est la culture d’une société paisible»
Rassemblé par LECHAT !