“Nous n’avons pas d’industrie cinématographique en Afrique ! “
Réalisateur sénégalais, réputé pour le documentaire, Moussa Toure est l’un des plus célèbres scénaristes africains. Son film “la Pirogue” sorti en 2012, lui a valu une renommée internationale. Président du jury du documentaire au FESPACO 2011, il est présent à Cannes pour plusieurs activités.
oxygenemag.info est allé à sa rencontre en plein cœur du festival de Cannes, assis dans l’un des plus prestigieux restaurant du monde “New York” il m’a accordé cet entretien, tout en étant heureux et surpris de me voir ici à la Côte d’Azur.
J’imagine que votre présence ici à Cannes, n’a rien de symbolique. Bien au contraire, c’est une évidence.
En effet, j’suis un habitué de ce festival. C’est une fête internationale du cinéma et j’avais beaucoup de rendez-vous à la fois dans la production et la coproduction. On s’est mis d’accord sur pleins de projets. Je vais commencer à tourner l’année prochaine.
Quelle peut être la participation de l’Afrique à un tel festival ?
Une participation effective et pleine de contacts. Le Sénégal est en compétition officielle. Il y a la Tunisie dans “Un certain regard “, l’Algérie aussi etc. Cannes c’est grand, même avec notre participation, l’Afrique ne brille pas ! Celle qui a brillé au niveau uniquement de la participation, c’est la réalisatrice Mati Diop. Sinon, il faut qu’on brille dans ce festival, comme l’Asie, l’Amérique, l’Europe !
Quel est le problème de notre industrie du Cinéma ?
Avant de parler de formation, nous n’avons pas d’industrie cinématographique en Afrique ! Moi je ne comprends pas ! On n’a pas d’industrie et on veut faire du cinéma. Pire même : on veut aller concurrencer d’autres marchés qui possèdent une industrie bien outillée. Le gros problème de l’Afrique concernant son cinéma, c’est qu’il n’y a pas d’industrie. On parle de formation patati et patata… Mais dans l’industrie c’est la formation, la production, l’exploitation, la distribution… On n’a rien ! On fait du cinéma, c’est comme si, on le fait dans le vent ! Rendez-vous compte, on fait un film difficilement, on le produit difficilement, on le montre difficilement, ce n’est pas ça une industrie, car il n’y a que des difficultés…
…Mais Moussa Toure, le cinéma sénégalais est tout de même un bon exemple. Mati Diop est à Cannes, Alain Gomis a remporté deux Étalons en 5 ans. L’État y accorde de l’intérêt…
Il faut comprendre une chose: Qui met de l’argent dans ces films-là ? Ce n’est pas le Sénégal ! Pour un film d’1 milliard de F CFA, le Sénégal met 100 millions ça veut dire quoi ? Il y a un problème quand même !! C’est vrai que le Sénégal est présent, mais il faut voir la manière. C’est la France qui met 800 millions et le Sénégal met 50 ou 100 millions. C’est plutôt la réalisatrice qui porte le film et non une production digne de ce nom. Il ne faut pas se leurrer. C’est le réalisateur qui porte le projet et non la production, il faut qu’on soit clair ! Tous ces films que vous voyez là, c’est la France qui porte le projet. Le jour où on va commencer à produire un film nous-mêmes, c’est là où ça va aller.
Hervé David HONLA