Cinquantenaire du FESPACO (Suite): Thomas Sankara aura toujours raison
Edito Potins Regards

Cinquantenaire du FESPACO (Suite): Thomas Sankara aura toujours raison

    Je vous avais promis poursuivre ma communication sur le cinquantenaire du FESPACO qui s’approche à grands pas chez-nous.

Je vais, cette fois-ci m’appesantir sur la genèse de notre cinéma, «Notre FESPACO » et surtout les idéaux que véhiculait le Capitaine Thomas Sankara, qui de nos jours, raisonnent comme si, c’est ce matin seulement qu’il en parlait…

Le Burkina Faso joue le rôle de vitrine du cinéma africain. On ne cessera jamais de le dire. Mais pourtant sa situation économique Balbutie. Sa production cinématographique évolue en dent de scie et elle laisse même à désirer. Mais d’où vient sa force et son statut de «capitale de cinéma africain ? »
La réputation du Burkina Faso en tant que «Capitale du cinéma africain», est l’œuvre de Thomas Sankara. Il avait toujours été fidèle à son mot d’ordre «Compter sur ses propres forces ». Il a été celui qui aura tenu mordicus à conserver à Ouagadougou, comme bastion du cinéma africain grâce au FESPACO. Pendant que la rumeur, à cette époque, voulant qu’à Abidjan, il n’y ait que jalousie envers le FESPACO et qu’on «l’arrache » de Ouagadougou. C’est ce Révolutionnaire qui a maintenu et pérennisé ce festival. Il disait ceci : « Nous sommes ravis de faire du Burkina, malgré sa pauvreté, une terre d’accueil pour les cinéastes africains. Nous sommes également bien décidés à doubler l’éthique du Festival du cinéma d’une grande célébration civique, à l’écoute de ses griots blancs et des visiteurs de marque»

Concrètement : Comment est né le cinéma Burkinabè ?
Après la proclamation de son indépendance, il y a eu, à cette époque, la création d’une cellule de cinéma au sein du Ministère en charge de l’Information. Elle était placée sous la direction d’un coopérant français qu’on appelait Serge Ricci. C’est cette cellule qui a véritablement servi de base à la naissance et à l’émergence du cinéma de la Haute-Volta. Elle a bénéficié de l’appui de la France et de certaines structures audiovisuelles internationales. Elle produisait donc des films documentaires, de reportages d’activités, de films de vulgarisation sur l’agriculture, l’éducation sanitaire etc. en l’attention des populations rurales. A cette époque, elle ne possédait que 3 caméras, un enregistreur à bande et une équipe réduite composée des personnes comme : Issaka Thiombiano, Sékou Ouédraogo et Jean Pierre Ouédraogo. Cette cellule avait apporté un appui o’combien important à la Télévision nationale, VOLTA VISION, qui avait été créé en 1963. Elle émettait bien sûr, en noir et blanc et bénéficiait des productions de cette cellule.

 

Naissance d’un marché du cinéma en Haute-Volta
Jusqu’en 1969, deux sociétés françaises en l’occurrence, la Société d’Exploitation Cinématographique Africaine (SECMA) et la Compagnie Africaine Cinématographique et Commerciale (COMACICO) se partageaient exclusivement le «gombo» du cinéma en Haute-Volta. Le pays comptait exactement six salles de cinéma de 35 et 16mm. Et ses six salles leur appartenaient. Elles les géraient à leur guise. C’est à partir de janvier 1970 que le gouvernement est monté au créneau. Pour faire front à une augmentation de 25% des tarifs d’entrée imposées par ces deux structures privées, l’Etat décide de nationaliser les salles de cinéma. Après donc cette ordonnance, il est créé un établissement public à caractère commercial et industriel : La Société Nationale Voltaïque du Cinéma (SONAVOCI). Les résultats financiers de cette société s’avèrent très satisfaisants au point où l’Etat mettra en place un fonds de promotion et d’extension de l’activité cinématographique. Il est alimenté de 15% par les recettes de la SONAVOCI. Par la suite, de sérieuses difficultés de gestion se sont posées et elle avait entre-temps changé de nom. Devenue SONACIB (Société Nationale d’Exploitation et de Distribution Cinématographiques du Burkina). Elle est aujourd’hui toujours en ballotage et en délicatesse.

Une industrie qui s’épanouissait malgré tout

De 1969 (date de la naissance du FESPACO) à 1998, la production se présentait ainsi : 102 courts métrages et 49 longs métrages. La majeure partie de ces films ont obtenu des prix soit au FESPACO, soit à d’autres festivals. Mais cette notoriété n’éclipse pas les difficultés auxquelles est confronté le cinéma burkinabè : problèmes de financement, mauvaise gestion et répartition du fonds de soutien au cinéma, réticence des entrepreneurs nationaux à investir dans le cinéma, rareté des établissements bancaires qui acceptent d’octroyer des crédits…bref, après cinquante ans, produire un film pour les cinéastes burkinabè reste un parcours de combattant.

 

Filmographie et thématique Burkinabè
Pendant ce temps, les cinéastes, pour la plus part sortirent des rares écoles et formations sur le tas. C’est en 1976 au Burkina Faso que fut créé l’INAFEC (Institut Africain d’Education Cinématographique) qui forma plus de 200 professionnels jusqu’à sa fermeture en 1987. Malgré ces formations cinématographiques, les cinéastes, les étudiants et les chercheurs ne disposent pas de lieux de visionnage du patrimoine audiovisuel dits plus communément centres d’archives ou vidéothèque. Notons toutefois la création de la Cinémathèque africaine de Ouagadougou en 1989 et bien sûr, l’ISIS (Institut Supérieur de l’Image et du Son) en 200 qui est venu, vingt ans après la fermeture de l’INAFEC. C’est également au Burkina Faso à Ouagadougou que s’est institutionnalisée la profession de cinéaste avec la FEPACI (Fédération Panafricaine des Cinéastes) en 1970 et où s’est déroulé la première semaine du cinéma en 1969, devenu FESPACO en 1997.

Ces réalisateurs qui marquent l’histoire
Les premières années d’existence du cinéma au Burkina Faso ont été marquées par la réalisation de films documentaires, de fictions exotiques c’est-à-dire destinées à la métropole et aussi des films de sensibilisation socio-éducative. Pour rendre le cinéma plus rentable, ils se sont lancés dans un cinéma bizness. C’est ainsi qu’un autre type de cinéma fera son petit bonhomme de chemin : le cinéma commercial. La thématique également s’est progressivement orientée vers les faits de société puisés dans la vie quotidienne des villes et villages.
Il y a des films et des réalisateurs qui resteront, non seulement des grands classiques et des pionniers. On peut citer les doyens comme : Mamadou Djim Kola avec «Le sang des parias et Réné-Bernard Yonly avec «le Chemin de la réconciliation». Ces films pionniers ont ouvert la voie à plusieurs autres films qui constituent aujourd’hui, le véritable parc du cinéma burkinabè. Les thèmes qu’ils abordent sont multiples : Lutte contre la corruption, critique, coutumes rétrogrades, rejet de l’aliénation à l’Occident et son imitation servile, l’émigration, dénonciation de la condition féminine, la démocratie…Leurs auteurs sont des réalisateurs confirmés dans le métier. Il s’agit entre autres de : Gaston Kaboré, Idrissa Ouédraogo, Paul Zoumbara, Dany Kouyaté, Guy Désiré Yaméogo, Fanta Régina Nacro, Kollo Daniel Sanou, Saint-Pierre Yaméogo, Pierre Rouamba, Claude Bado, Issa Traoré de Brahima, Adama sallé, Apolline Traoré, Herve Eric Lengani, Abdoulaye Dao, Adama Roamba …Les plus jeunes sont progressivement en train de laisser leurs marques : Dimanche Yaméogo, Salam Zampaligre, Flore Yameogo, Inoussa Baguian, Michel Zongo, Mamadou Maboudou Gnanou, Kady Traoré, Pazouknam Jean-Baptiste Ouedraogo,Ives Edgard Bonkougou…

 

Restaurer les idéaux de Sankara

Ce cinquantenaire que nous célébrons bientôt devrait être aussi pour chacun de nous, une sorte d’introspection et de prospection de notre cinéma en particulier et de notre culture en général. Thomas Sankara disait : «Le FESPACO nous offre une occasion d’apprendre au peuple burkinabè à aimer l’art d’une façon générale et à respecter l’artiste dans sa production.

Lorsqu’on a pris la décision d’aller voir les films, de les critiquer, on a fait soi-même, une démarche pour devenir un peu un artiste. Et un peuple n’est jamais grand quand il n’a pas conscience de la culture et la culture d’un peuple n’existe pas tant que les hommes eux-mêmes ne savent magnifier ensemble quelque chose de beau…Que le peuple Burkinabè soit un bon ou un mauvais critique, peu importe. Qu’il connaisse bien ou pas bien les règles du cinéma, peu importe. Ce qui est important, c’est le cinéaste, l’artiste, sachent que ce point de vue-là existe aussi… »

Comme de nos jours, la jeunesse est devenue de plus en plus paresseuse et médiocre car elle veut emprunter le court chemin en copiant aveuglement, Sankara avait pourtant sonné l’alerte : «La vie en Europe, à Paris, à New-York, aux USA possède son charme, je n’en doute pas. Chaque pays à son charme également. Mais je crois aussi qu’on peut quitter Paris pour venir chercher à Ouagadougou, quelque chose qui est agréable. Nous avons beaucoup de potentialités culturelles qui intéressent les autres. Donc, à force de nous laisser intoxiquer l’esprit de style de vie et de modèles extérieurs, nous finiront par être un peuple tout a fait constipé par la frustration »

Thomas Sankara est allé même interpeller nos créateurs sur la manière dont ils réalisent leurs films.
«Le cinéma, alliance entre le son et l’image, est pour nous, un vecteur utile en Afrique par ce que nous sommes une culture de l’oralité. Mais le cinéma ne doit pas être un biais qui distillerait indirectement et de façon malicieuse des messages de propagande. Le cinéma africain doit être aussi protégé du mauvais cinéma africain afin que le bon cinéma africain transcende et se maintienne. La force publique ne doit pas être monopolisée, détournée par un cinéaste médiocre qui fait un travail bâclé, inachevé, simplement parce qu’il veut de l’argent et qu’il aura su utilisé de façon opportuniste un langage nationaliste. Nous sommes contre cela ! Faites du cinéma africain, du bon cinéma africain. Nous l’exigeons, nous sommes des cinéphiles, nous payons pour cela !»
Ce n’est pas moi qui le dis hein ! C’est Thom Sank. Après on va encore dire je…
Quant aux différents post instructifs que je vous livre gracieusement, faites en bon usage. Car de nos jours, vous ne verrez plus, un journaliste aussi chevronné, faire de telles recherches et produire de telles publications.
Jabbar !

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