La 18è édition des KUNDE vient de mettre la clé sous le paillasson hier dans un Palais des Sports de Ouaga 2000 complètement métamorphosé. Un évènement qui demeure, la plus «prestigieuse» du Burkina et la plus primordial dans la filière musique. Dirigée de main de maître par Sore Salfo dit Jah Press accompagné de ses acolytes inséparables que vous connaissez certainement tous, cette édition aura donné tout ce qu’elle avait dans les tripes.
Au regard du choix de la salle, cette édition se voulait plus étendue et aérée mais un autre dilemme s’est interposé. Certains convives habitués des bureaux et domiciles feutrés se sont dit que le palais des Sports serait propice pour eux car une climatisation centrale assurera leur soirée, tandis que d’autres, les prolétaires comme nous autres domestiqués par ventilateurs, ça devrait être une aubaine de fuir cette canicule de Ouaga pour se réfugier pendant 5 heures dans la fraicheur du Palais. Dommage ! Ce sont les mouchoirs jetables, cartons de ventilation et l’eau minérale qui étaient recherchés comme des précieux sésames dans la salle. Chacun les conservait jalousement. Un véritable problème de salle digne d’un spectacle de pose avec acuité au Burkina. Le Commissariat des KUNDE, ainsi d’autres promoteurs d’évènements d’envergure internationale, sont confrontés depuis des lustres à ce triste phénomène. Les KUNDE ont migré presque dans toutes les salles dites huppées de la capitale sans véritablement avoir le résultat escompté.
– Les Motifs de Satisfaction
Le décor de la salle reste le point positif de cette soirée. Le Palais des Sports a été complètement modifié. Une vue panoramique digne d’une soirée VIP. Un podium à la hauteur de l’évènement. Un fond de scène digne d’un plateau hollywoodien. Une régie assez synchronisée et une sonorisation qui n’aura pas l’object d’une critique particulière. Pour une fois, aucun problème technique notamment les délestages en cette douloureuse période de chaleur.
Le plateau artistique était enrichissant. Le Commissariat général des KUNDE a battu le rappel des icônes africaines en vogue du moment. Charlotte, Fally, Hiro, Chidima, DJ Kerozen…la grande surprise et la plus honorable fut bien sur, la présence du groupe Magic System. Au regard, des honneurs qu’ils reçoivent à travers le monde depuis le début de cette année, ce n’était pas cette fois-ci de trop de les voir présent sur le plateau de Jah Press. Bien au contraire, beaucoup l’ont perçu comme une marque de reconnaissance pour la Nation Burkinabè.
Nos artistes locaux en l’occurrence Frère Malkhom (PCA 2017) aura apporté une touche musicale forte appréciable. La plupart de nos artistes ; le collectif « Burkina Voice », Sana Bob et surtout le slameur lauréat de la SNC Nathanaël ont admirablement bien saisi cette opportunité pour s’exprimer sur la thématique qui tient à cœur les burkinabè : l’unité, le courage et le pardon en ces moments d’insécurité et de rancœur.
La prestance des trois MC principaux aura été à la hauteur. Conduit par l’indétrônable Alpha O, ils ont été précis et concis parfois ils ont même essayé de scander le public qui est resté assez terne durant presque toute la soirée. La main tendue également à la nouvelle génération est à saluer. Ce commissariat aura eu l’ingénieuse idée d’associer à ce trio de présentateur, un jeune MC qui glane des prix au Faso (PCA 2017) actuellement, en l’occurence Jacky El Pheno. Une petite porte vient de s’ouvrir, à lui de faire bien son entrée.
Au-delà de ce manque d’inattention lors de l’annonce du passage de l’artiste Congolais Hiro, où le jeune Kenzo Cash Ligdi était obligé de « fendre» à course de vitesse, le rideau des coulisses pour aller le chercher, la régie de façon générale aura tiré son épingle du jeu. Tout comme la coordination et la planification sur le podium des donateurs des prix aux lauréats. La cadence a été bien respecté, dès leur annonce, ils étaient prêts sur le palier des marches du podium. Un bel hommage a été rendu à Papa Salambo, orchestré par Papus Ismaela Zongo. Pour un artiste de sa carrure, il fallait vraiment faire une grande exception. Le passage Macoco, n’eut été le temps mis, ce défilé exhibitionniste des sapeurs burkinabè et ivoirien devrait connaître un éclat plus retentissant que ça.
– Des zones d’ombre
Cela devient déjà redondant d’entendre le commissaire général affirme vouloir stopper pour des raisons financières. Certes le motif est fondé, mais à son niveau, il pourrait revoir son organisation. Dommage, mais ce n’est pas le public qui devrait orienter cette soirée. Quand on n’a pas les moyens, on réduit les charges. Pourquoi coute que vaille, transporter en vague une pléiade d’artistes internationaux pour une soirée ?
Le KUNDE n’est pas une émission de divertissement TV à l’image du «Grand Cabaret du monde» de Patrick Sébastien sur France 2 depuis 2006, où les invités passent plus de 5 heures dans une salle. C’est une soirée de GALA ! Je précise bien GALA ! Une soirée de GALA se veut soft, digeste, glamour à telle enseigne qu’au finish, après 2h et demi, on en redemande encore. Passer 5h dans une chaleur exécrable où les gens déambulent inutilement dans la salle uniquement pour se faire voir, ça n’a rien de GALA !
Un peu de superflu : Deux défilés, beaucoup d’artistes, le public qui se transforme en photographe dans la salle.
Les KUNDE ne sont pas une soirée de Djandjoba ou une gargote de Nagrin où chacun se lève, monte sur la piste pendant que Fally Ipoupa est en prestation.
Le KUNDE n’est pas une soirée de « Nuits des points » ou de «OUAGA EST DOUX » des discothèques avec les animateurs radios et autres acteurs du showbiz, pavanent devant les convives et les cameras en dansant comme des marionnettes dans le but de se faire voir.
Le KUNDE n’est pas Roodwooko où chacun se lève comme il veut faisant semblant de téléphoner, juste pour qu’on l’admire dans la salle en disant qu’il était aussi là.
Le KUNDE n’est pas un meeting de parti politique où quand vous observez un(e) ami(e) au loin, vous traversez toute la salle pour venir le saluer, pourtant vous n’avez rien à lui dire.
On peut bien se trémousser étant debout sur place ou rester assis et applaudir à tout rompre, mais inonder le devant de la scène pour faire des selfi, c’est du fourretout. Le «superviseur» Vurus avait du pain sur la planche dans la salle. Il était obligé de vociférer en sommant certains invités de regagner leur place.
Ce n’est pas nouveau quand on vous dit qu’au Burkina, les gens sont avares en applaudissement, hier c’était encore plus grave. La chaleur dans la salle aura certainement été pour beaucoup. La plus part se sont abstenus car la température de la salle n’était pas réjouissante. Peur de transpirer à grosse goutte ou encore de voir son fond de teint se détériorer devant l’assistance et surtout que les odeurs nauséabondes suite au dégoulinement des glandes sudoripares infectent les voisins, les femmes ont préféré rester mesurées. Surveillant attentivement leurs faits et gestes. Malgré que les MC qu’Alpha O’ ou encore Naomie, leur ont conjuré d’acclamer les artistes et les personnalités ; peine perdu ! Les premières vibrations dans la salle ont commencé lors de l’annonce du lauréat d’une catégorie des Kundé Sidiki Diabaté. Malgré qu’il fût absent, la foule s’est lâchée.
Comment des artistes peuvent jouer en playback et s’adjoignent en plus des choristes sur la scène ? Pour une belle scène, certains artistes invités pouvait faire de l’acoustique à défaut du live, d’autant plus que, la plupart de ceux qui ont été invité faisait dans ce genre (glamour, langoureux…). Dommage que des artistes sont invités à coûts de millions et ne viennent que jouer des bouts de musique en playback. C’est du gâchis ! Pendant qu’on se plaints du manque d’argent, n’en gaspillons pas pour autant !
– Des suggestions
Vivement que des salles de spectacles dignes de ce nom soient construites au Burkina. Cela incombe directement l’Etat.
Que le Commissariat Général des Kundé injecte du sang neuf dans son équipe. L’équipe est vieillissante avec des idées sclérosées. Il est souhaitable de confier la toute première présélection des nominés aux journalistes, animateurs et acteurs culturels avant de publier la liste définitive des nominés par catégorie. Mais ne faites pas le contraire. Il y a malheureusement beaucoup d’artistes talentueux qui remplissaient pourtant tous les critères qui pouvaient figurer cette année. En évitant d’être superstitieux ou évasif dans mes propos, ne donnons pas raison à ceux qui disent que le KUNDE ou encore le showbiz au Burkinabè est clanique. C’est dommage qu’il y ait des acteurs culturels et même des hauts responsables de ce pays qui occupent de grandes responsabilités qui ne s’adressent pas la parole et ne serrent même pas la main depuis plus de 5 ans. Une haine caractérisée s’accentue dans ce pays, c’est vraiment triste !
– Conclusion
Je ne me prononcerais pas sur la décision du jury des KUNDE 2018. Le jury est souverain ! Et je ne veux pas non plus prêter le flan à ceux qui pensent que les KUNDE et autres cérémonies de distinctions sont devenues des terrains de rings, de clash ou d’insultes acerbes. Je me félicite sincèrement de la lauréate Awa Boussim, bien que mon pronostic fût tourné vers Habibou Sawadogo. Mais ce qui me réjouit de façon générale, elle est la deuxième femme qui obtient ce prestigieux trophée après Amety Meria. Et surtout toutes les deux artistes féminins en lisse au KUNDE d’Or, font de la musique typiquement du pays. Félicitations. C’est la musique burkinabè qui gagne !
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