Samaké&Co (Lyon) «Les promoteurs de spectacles africains aiment trop la facilité».
Potins Regards Zoom

Samaké&Co (Lyon) «Les promoteurs de spectacles africains aiment trop la facilité».

Deux caïds du studio à Lyon, nous parlent de la musique ! L’un est camerounais d’origine, Chouchou Bass et l’autre est malien/sénégalais né à Lyon Kader Samaké. Ensemble, ils forment la fusion artistique la plus prolifique jamais vu dans cette somptueuse et paisible ville lyonnaise. Ils font parti des artistes les plus convoités dans le GRANDLYON et ils viennent d’ouvrir un studio de standing mondial dénommé «Samaké&Co» qui a pour objectif de promouvoir les œuvres musicales de tout bord.

Oxygenemag.info est allé à leur rencontre, afin qu’ils nous parlent de la genèse de leur projet, des objectifs et retombés d’un tel investissement, des réalités et difficultés que nos artistes en Afrique sont confrontés dans la promotion de leur œuvre sur le Vieux Continent. Entretien purement exclusif !

 

Comment est née cette collaboration ?

Chouchou Bass : Kader, je le connais depuis 16 ans quand je suis arrivé à Lyon. Nous avons joué ensemble et je lui ai accompagné dans la réalisation de son album.

Kader Samaké : Samaké&Co est une société de production qui est ouverte sur la musique du monde, la musique afro, Rock, hip hop, reggae, pop, jazz etc. sans aucune frontière, mais avec comme seul point d’achoppement, l’amour pour la musique. Car à la base, je suis d’abord artiste. Pour ce projet avec Chouchou, nous nous sommes retrouvés car nous étions perdus de vue. Il m’a fait écouter sa maquette et je suis tombé sur le charme de ses œuvres, c’est ainsi que nous avions décidé de bosser ensemble tant pour la sortie de son album, mais aussi pour la construction de cette unité de production.

Au-delà de la production, quelles sont les mesures d’accompagnement que vous mettez à la disposition des artistes ?

Nous sommes ouverts musicalement et dans nos projets, ça nous permet de rallier d’autres groupes de divers horizons et de faire également de la promotion de leur œuvre sur le plan professionnel.

 

Au-delà de la postproduction, est ce que vous faites dans l’évènementiel ?

 Dans Samaké groupe, il y a Akamara. C’est un département disque dans lequel, on a produit Chouchou Bass et aussi d’autres artistes sont en ligne de mire mais également, nous avons un volet évènementiel où nous organisons des spectacles dans les autres villes européennes effectivement. Bientôt l’Afrique, car on s’intéresse beaucoup à ce continent également.

 

Je découvre un impressionnant dispositif logistique. Qu’est-ce qui fait la particularité en termes techniques de Samaké&Co ?

 Alors techniquement parlant, on va retrouver des grosses consoles analogiques. Nous travaillons ici de façon analogique et en live. C’est-à-dire pas de machines, nous avons des compresseurs, des amplis de haute qualité, bref du matériel d’appoint où la qualité sonore est très recherchée dans le monde et nous travaillons avec d’autres studios.

Est-ce que, plus tard votre structure ne sera pas élitiste ? Au regard de l’avènement du numérique qui prend de plus en plus de l’ampleur dans le monde de l’audiovisuel.

 

Bien au contraire. Nous travaillons aussi avec ces nouvelles technologies et on peut coupler les deux. On trouve que c’est une bonne chose et ça nous permet de faire des rencontres avec les jeunes. Car en venant ici, ils constatent qu’on les propose plutôt un son moins synthétique.

Quelle est la méthodologie de votre travail ?

 Tout dépend de la connotation musicale que l’artiste nous propose. Quand ils viennent avec des prémaquettes en programmation, nous leur proposons que du live. Nous avons tout le nécessaire pour retravailler tout cela en live à l’ancienne. C’est ce qui emmène ce côté vivant dans la musique. Nous sommes dans cette dynamique qui ne voudrait pas que nous changeons l’identité musicale d’un artiste, mais plutôt l’amener à faire le live. Pour la simple raison que la composition d’un artiste, c’est l’œuvre de l’esprit et par conséquent, nous ne changeons pas l’idée de départ d’un artiste. Nous essayons plutôt d’argumenter afin que son œuvre puisse prendre une autre dimension.

 

Quand je jette un regard panoramique sur la musique africaine, je fais le constat suivant : certains de nos artistes perdent leur identité culturelle au profit des autres en parlant de fusion. Quel est votre avis à ce sujet ?

 A mon avis, je ne sais pas s’il existe une musique africaine ou européenne. Pour moi : la musique c’est la musique tout court ! Par exemple (NDLR : Chouchou Bass), je fais ce qu’on appelle de l’ethno-fusion. C’est le condensé de mon parcours de tous les musiciens que j’ai rencontrés sur mon chemin. Certes on dira que c’est la musique africaine, mais elle ne va pas changer ni dans le fond ni dans la forme. Ce sont des influences tout simplement. J’ai par exemple employé de l’accordéon dans mes chansons. On peut prendre de la musique reggae et on invite la kora dessus ou encore des rythmes de l’Afrique centrale et on invite de la flute traditionnelle venant de l’Afrique de l’ouest etc. j’évite en résumé que l’on catalogue ma musique comme étant une musique africaine. C’est de l’ethno-fusion. Do, Ré, Mi, Fa, Sol…ce n’est as de la musique européenne ou africaine. C’est de la musique tout simplement ! Ne la stigmatisons pas.

 

Quelle analyse faites-vous sur certains de nos artistes africains qui estiment que l’eldorado de l’éclosion de leur musique est ici en Europe?

 Vous savez, les organisateurs qui invitent les artistes africains ici, tout est déjà programmé ! Ils savent que le spectacle sera en playback et qu’ils vont mettre la musique et les artistes vont chanter dessus. L’organisateur qui invite par exemple un artiste burkinabè à Lyon, il ne voudra pas qu’il joue en live. Car l’organisateur connaît son public et le lieu où il le fera jouer. Ce public est déjà formaté à écouter du playback dans cette salle. Nous les grosses maisons de production, nous ne pouvons rien faire par rapport à ce cas de figure. Quand un programmateur approche une grosse structure ici pour l’aider à réaliser son spectacle, elle lui suggère de se munir d’un bon back-line et d’une salle appropriée avec des conditions techniques irréprochables. Malheureusement, il préfère décliner l’offre. Les promoteurs de spectacles africains aiment trop la facilité. En ce qui nous concerne, nous leur prodiguons régulièrement des conseils mais, on ne peut pas aller plus loin. Nous les laissons faire et cela appauvri davantage la qualité musicale des artistes africains en Europe, dommage ! Ils sont déjà formatés ! Moi (NDLR : Chouchou Bass) j’aimerai bien que quand un artiste africain arrive ici, que les promoteurs s’arment de tous les rudiments nécessaires professionnels pour faire jouer un artiste africains en live. C’est vraiment dommage de constater cela ici ! Ce n’est pas que le Burkina. Tous les artistes africains le font et même ceux qui sont connus. Mais les gens payent 20 euro pour aller les voir ! On dit que les blancs n’aiment pas aller dans les concerts africains, mais c’est normal ! Un blanc ne peut pas payer 20 euro pour aller voir un mec qui chante sur sa musique.

Kader Samaké : Justement, nous avons décidé de lutter contre tout ça ! Le but de Samaké&Co, c’est faire des spectacles uniquement en live ! Ce que je peux prodiguer comme conseils aux artistes africains qui viennent ici, c’est de ne pas se laisser avoir par ses pseudos programmateurs de spectacles et de savoir dire non ! Même par rapport à l’appât du gain, c’est de savoir dire non. Il y a trois règles qui régissent notre profession : La première, c’est le travail. La deuxième, c’est le travail. Et la troisième, c’est le travail !

 

D’aucuns affirment que le facteur contraignant du live, est que ça coûte cher. Que répondez-vous ?

 Bah oui ! C’est un autre investissement. C’est la facilité pour ceux qui font le playback ! Car généralement quand vous allez dans ces spectacles, vous trouvez deux ou trois enseignes cachés dans un coin de la salle et c’est tout. Pourtant les spectacles peuvent se faire autrement. D’où j’encourage l’idée de Karim Jakhasa à travers la Mega Nuit du Faso qui a eu un gros culot de faire tout un gigantesque spectacle où les artistes africains vont de produire en live. Ce n’est pas aussi facile que ça. Ce travail qu’il est en train de faire, ce sont les producteurs, les organisateurs de spectacles qui devraient le faire. Lui, il se bat ici aux vus et aux yeux de nombreux promoteurs de spectacles qui sont ici, à ne rien faire, ou plutôt à faire dans la facilité. Ce pseudo promoteur le fera en playback pour la simple raison qu’il va vendre ses bières et en tirer les bénéficies. Quelle importance donne-t-on à l’artiste en ce moment-là ? Mais malheureusement beaucoup de nos artistes ne comprennent pas qu’il faut apprendre à dire non ! Il faut savoir faire la part des choses entre ta carrière et celle de l’organisateur de spectacle qui ne pense qu’à se faire du bénéfice derrière ton dos en vendant ses bières quand tu joues en playback. Contrairement à notre structure, nous faisons des spectacles en live partout en Europe. Nous avons un artiste africain qui va se produire bientôt dans des grosses salles de spectcales conçues pour la circonstance. Par exemple, quand vous entendez le nom d’une salle comme Ninkazi, c’est une salle très réputée dans le monde. Si nous voulons créer des partenariats avec des artistes en Afrique, c’est de permettre de les inviter à se produire dans des festivals à travers des échanges. Car ces échanges ne peuvent pas se créer à distance. Il faudrait que tout se fasse physiquement dans les pays africains où résident les artistes et dans les spectacles en Europe où nous allons les placer.

Jabbar !

 

Encadré

Pour ceux éventuellement qui voudrait contacter Samake&Co voici leur adresse : 147 Route de Millery 69700 Montagny/Immeuble HERMES. Téléphone : 0783046467

Mail : samakeandco@gmail.com

X